Le hobereau, l'empereur et le prince

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En ce début d'année, un hobereau français a porté le fer contre un empereur global°: Xavier Niel a permis à ses clients de «°zapper°» les pubs vendues par Google, autrement dit de les empêcher d'apparaître sur leurs écrans. Le patron de Free voulait ainsi protester contre le fait que cet empire digital (mais tout sauf virtuel), fort de centaines de millions de sujets, n'acquitte pas de péage pour circuler sur son petit domaine français, alors même qu'il est assis sur un tas d'or. Tout seul, Xavier Niel n'arrivera sans doute pas à grand-chose. Il le sait. Mais une simple estocade sur les marches de l'empire peut révéler des tensions bien plus profondes entre puissances. Tout l'enjeu est donc de déclencher une bataille entre puissances de poids comparable.

À LA COUR DU PRINCE BARROSO À BRUXELLES, les questions du moment ne touchent pas tant au financement des infrastructures qu'au droit d'auteur et à la rémunération des contenus. Ceux qui se seront penchés sur la drôle d'économie du Web auront en e? et remarqué que non seulement un portail comme Google ne finance pas les infrastructures, mais qu'il ne contribue également que très indirectement au financement des contenus qu'il propose et pour lequel il se fait rémunérer via la pub. Il s'ensuit une répartition assez singulière des charges et des bénéfices. Partant de là, faut-il forcer une répartition différente des gains, sachant que cela ne sera pas sans conséquence sur le développement de l'offre??

À PARIS OU ENCORE À BERLIN, les éditeurs de presse planchent sur un moyen de faire payer Google pour la diffusion d'informations dont les professionnels de la presse ont de plus en plus de mal à financer la production. Toujours à l'écoute de ce qui se passe en Allemagne, la fougueuse Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, a fait main basse sur ce sujet. Mais autour de la table de l'exécutif européen, elle est la seule à prôner la croisade pour sauver les journaux. À Bruxelles, la grande a? aire du moment concerne la di? usion des programmes de télévision dans les frontières de l'empire. Tant que tout passait par les ondes hertziennes, les marchés étaient nationaux ou au moins territoriaux, par contrainte technique. Dans notre ère digitale, se voir refuser l'accès au site d'une télévision sous prétexte que notre fournisseur d'accès n'a pas la bonne nationalité fait scandale. «?Les fonctionnaires de la Commission sont très énervés de ne pas pouvoir regarder les séries télé de leur pays chez eux à Bruxelles?», s'amusait récemment un lobbyiste.
La «°portabilité des contenus audiovisuels°» est devenue une nouvelle marotte, maintenant que le Web a créé à la fois l'illusion et la possibilité d'un «°diffuseur°» unique, sans frontières nationales, sur le modèle de YouTube. Mais elle bouleverse toute l'économie de la production audiovisuelle qui repose sur un système de licence entre producteur et diffuseur, territoire par territoire. Sur ce sujet comme sur celui, plus généralement, du droit d'auteur, l'ancien ministre et actuel commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier, tant occupé ces dernières années à réparer les dégâts causés par les banques, n'a pas forcé son talent.

SI BIEN QUE LE MOIS DERNIER Nelly Kroes et Androulla Vassiliou, commissaires, respectivement, en charge de la Société numérique et de l'Éducation, se sont arrogé de facto un droit de codécision sur la stratégie du pouvoir bruxellois dans cette épique bagarre. Michel Barnier est réputé pencher du côté des producteurs et des auteurs. Elles - en réalité surtout la première - balancent du côté des «°distributeurs°» et des diffuseurs. D'ici à la fi n de l'année, ce triumvirat assez peu unanime est censé remettre sur le métier une nouvelle mouture des règles sur la télévision (directive télévision sans frontières)°: une véritable boîte de Pandore - une mandature ne sera pas de trop pour arriver à la refermer. Une hypothèse probable serait que le triumvirat décide de confi er cela à la prochaine Commission européenne, qui prendra la main en 2014.

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