2013, c'est encore "marche ou crève"

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  733  mots
Copyright Reuters
Trois révolutions majeures sont en train de structurer ce début d'année 2013 dans un monde qui veut croire au début du commencement d'une perspective de sortie de crise.

LA PREMIÈRE DE CES RÉVOLUTIONS, c'est le grand basculement économique qui va se produire cette année entre ce qu'il est communément admis d'appeler le Nord et le monde émergent. Nous sommes encore très loin d'avoir pris conscience de ce que ce changement veut dire. Certes, ce n'est que le retour à la normale à la situation qui prévalait avant la Première Guerre mondiale. Mais à partir de 2014, l'écart entre le PIB de la moitié dite « riche » de la planète, et la moitié dite « pauvre », va recommencer à se creuser inexorablement. Partant d'un équilibre 50/50 aujourd'hui, la divergence va s'accélérer et, en 2017, horizon de la prochaine élection présidentielle en France, l'autre monde, c'est-à-dire l'addition des 151 pays qui ne sont pas classés par le FMI comme développés, nous dépassera déjà de 9.000 milliards de dollars.
Ce qui est considérable, c'est la vitesse avec laquelle ce bouleversement se produit, même si ce n'est pas étonnant. La puissance économique va tout simplement converger avec la puissance démographique. Ce qui est extraordinaire, ce sont les effets que produira ce bouleversement sur la géopolitique mondiale, de l'énergie aux matières premières en passant par le commerce et l'emploi. Ce mouvement ne s'arrêtera pas et le moment n'est pas loin où un représentant des pays émergents-émergés dirigera le FMI ou (peut-être dès septembre prochain) l'Organisation mondiale du commerce.

LA DEUXIÈME RÉVOLUTION est la réponse économique de l'Occident à ce défi. Beaucoup vivent cette évolution comme négative, parce que des emplois disparaissent et des usines se délocalisent. C'est pourtant aussi une source d'opportunités nouvelles et un vecteur de croissance, avec l'ouverture de nouveaux marchés et l'entrée de centaines de millions de nouveaux consommateurs dans une économie mondialisée. Cela change tout. Certes, le « Sud » va consommer une part croissante des matières premières et de l'énergie, poussant les prix à la hausse. Il va aussi attirer une part croissante du capital mondial, pour financer le gigantesque effort d'équipement en infrastructures que réclame son développement.
La solution à ce grand bouleversement n'est évidemment pas d'avoir des salaires chinois à l'Ouest, mais d'y promouvoir plus de productivité et d'innovation, afin de conserver un avantage en termes de valeur ajoutée dans le jeu capitaliste mondial. Cela veut dire, pour l'Europe et les États-Unis, un effort considérable à faire dans le capital humain et les talents, par l'éducation, la recherche et la formation.
Le problème, c'est que les changements nécessaires pour sortir de cette impasse remettent en cause nos acquis sociaux, notre niveau et notre mode de vie. Ils seront très difficiles à faire accepter à des opinions publiques exsangues. On assiste à une grande « fatigue » de l'Occident face aux réformes et à un vrai risque de révolte qui met nos démocraties à l'épreuve du populisme et du repli sur soi, identitaire et protectionniste.

C'EST LÀ QU'INTERVIENT LA TROISIÈME RÉVOLUTION. Celle du sursaut politique. En 2013, ce sera « ça passe ou ça casse » - « make or break », comme l'a dit Christine Lagarde à Davos. Les gouvernements vont devoir convaincre qu'il ne faut pas relâcher les efforts. De ce point de vue, il faut prendre très au sérieux le discours révolutionnaire du Premier ministre britannique sur l'Europe. Certes, les enjeux de politique intérieure expliquent en grande partie le pari risqué de David Cameron, qui a promis un référendum en 2017 sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Mais son intention n'est pas d'en sortir. Ce qu'il dit, c'est que l'Europe ne tire pas assez parti de son grand marché intérieur et de sa puissance commerciale. Ce qu'il ne veut pas, c'est que la panne actuelle du Vieux Continent, pas assez compétitif et pas assez productif, accélère son déclin. Comment être en désaccord. La nouvelle alliance entre l'Allemagne de Merkel et le Royaume-Uni de Cameron pour mener une politique plus libérale et, osons le mot, « mercantiliste » pèsera en ce sens. L'Italie version Monti - ou demain version Berlusconi ter - et l'Espagne de Rajoy sont sur la même longueur d'onde. La France de François Hollande n'a pas encore exprimé clairement son choix. Mais, prise en sandwich, elle n'a pas vraiment d'alternative.