Hollande, an II : l'année prochaine, si tout va bien ?

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  886  mots
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«Il faut suivre sa pente, mais en la remontant. » Pour se rassurer, François Hollande devrait relire cet aphorisme d'André Gide, qui rappelle celui plus récent de l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin : « La route est droite, mais la pente est forte. » La pente, depuis que François Hollande a pris place à l'Élysée, est glissante. Plus de 5 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi, cela a peu de chance de vous rendre populaire.

Le président de la République sait que pour remonter, il va lui falloir faire preuve de résilience en tout cas pour résister au stress intense qui est en train de faire perdre la boule à sa majorité. Le PS a peur que la foudre lui tombe dessus lors des élections municipales de 2014 et fait de l'Allemagne d'Angela Merkel le bouc émissaire de nos propres faiblesses. François Hollande doit aussi passer de l'autre côté du miroir déformant que lui tend le projet socialiste défini au printemps 2011 et dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est daté et inadapté aux temps de crise et de redressement.

Tout cela, François Hollande le sait. Mais il ne le dit pas clairement. Face à sa majorité turbulente, il se laisse balloter alors qu'il lui serait pourtant facile de faire acte d'autorité, car les députés savent bien que leur sort est lié au sien : s'il échoue, ils tomberont avec lui. Le président a néanmoins commencé à siffler la fin de la partie, en rejetant la proposition de loi du Front de gauche sur l'amnistie sociale. Il ne tient qu'à lui d'aller plus loin en resserrant les rangs de son équipe gouvernementale où règne une bruyante cacophonie qui dessert la lisibilité de la communication gouvernementale.
L'adaptation est une autre qualité attendue du chef de l'État par ces temps de crise. Dans un récent rapport sur la France, la commission européenne s'inquiète que notre pays ait perdu sa « résilience », c'est-à-dire sa capacité de réactivité et d'adaptation aux changements de l'environnement. La question n'est pas tant de savoir si la croissance reviendra. Ce sera le cas, d'ici à 2014, quoi que fasse ou ne fasse pas François Hollande qui n'y sera pas pour grand-chose. Ce sera surtout Bruxelles qui y aura contribué en accordant à la France un délai de deux ans pour ramener le déficit public sous les 3% du PIB, jusqu'en 2015. Un bol d'air bienvenu, qui donne du mou à sa politique budgétaire et permettra sans doute d'éviter un nouveau coup de bambou fiscal. Mais cela ne suffit pas. Ce qui est plus inquiétant, c'est que la France risque de moins profiter de la reprise que les autres pays et notamment l'Allemagne. Et là, on ne pourra pas accuser Mme Merkel.
François Hollande a commencé d'en tirer les conséquences, cette semaine, en changeant de pied sur la fiscalité du capital des entrepreneurs. Alors que sa majorité avait été sourde à l'automne aux cris des « pigeons », qualifiés de lobby patronal, le chef de l'État vient de reconnaître avoir fait une erreur en taxant la fiscalité du capital comme celle du travail. En tout cas dans ce cas particulier des cessions d'entreprises. Erreur qui est désormais en partie corrigée dans le nouveau dispositif annoncé lors des Assises de l'entrepreneuriat. Faute avouée est à moitié pardonnée. Lancé sur cette trajectoire, François Hollande, qui ne se définit plus dans ses interventions télévisées comme un président socialiste, va-t-il aller plus loin? La « révolution copernicienne » dont il avait fait la théorie lors du virage sur la compétitivité de l'automne dernier nécessite bien d'autres chocs et bien d'autres revirements, et de nombreux tabous à lever.
En toutes choses, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Le bilan de François Hollande après un an d'exercice du pouvoir est décevant quand on regarde les résultats sur le chômage, la dette ou les impôts. Mais les Français avaient sans doute mal compris que les résultats, ce ne serait pas "maintenant", mais plus tard. Un regard objectif oblige à reconnaître que le président de la République et le gouvernement ont fait beaucoup de réformes depuis un an, et semé de nombreuses graines qui n'ont pas encore poussé, faute de temps et d'un climat propice. Mais ces réformes ne sont ni expliquées, ni comprises.
Selon le sociologue Michel Maffesoli, le principal défaut du socialisme français est de continuer à s'inscrire dans la loi des pères, verticale, alors que le monde est devenu horizontal. François Hollande, qui n'a connu avant d'être élu président que le parti socialiste, est victime de cette verticalité. Il continue de faire comme si la vérité venait d'en haut et tel un paratonnerre, c'est lui, président de la République, qui attire sur lui l'impopularité. À l'heure des réseaux sociaux, d'Internet, du travail collaboratif, cela ne fonctionne plus ainsi. Le chef doit s'impliquer, expliquer, convaincre, aller voir en bas, sur le terrain, comment les choses fonctionnent vraiment. C'est finalement peut-être cela la normalité que les Français attendent de leur président.