Hollande, le « baron rose » de la loi travail

Par Philippe Mabille  |   |  768  mots
Comme c'était prévisible, Manuel Valls n'est pas allé « jusqu'au bout » sur le projet de loi MEK (Myriam El Khomri) sur le travail. Comme c'était prévisible, le gouvernement a calé en côte dès qu'il est apparu que ce texte mal né, mal préparé et mal expliqué avait toutes les chances de se fracasser sur le mur des mécontents, qui ont fait barrage à ce « Jobs act » à la française.

Entre 220.000 et 400.000 manifestants, le 9 mars, plus d'un million de « signataires » de la pétition #loitravailnonmerci ont eu en deux semaines raison des discours de matamore. Et, comme si c'était écrit d'avance, François Hollande, le « baron rose », pour reprendre le nom d'une série à succès, a sonné la retraite avant de mener la bataille contre les barons noirs qui agitent les foules estudiantines.

Nicolas Sarkozy a bien des défauts, mais il a une formule qui convient bien au cas d'espèce. Selon l'ancien président, la communication est à l'action ce que l'aviation est à l'infanterie : « elle prépare le terrain. » Or, sur ce dossier du travail, la communication a été plus que défaillante, calamiteuse. À aucun moment, ni lors des voeux présidentiels de début janvier, ni lorsque les syndicats ont été reçus par l'inexpérimentée Myriam El Khomri, l'opinion n'a été saisie de ce sujet qui concerne pourtant tous les Français. François Hollande aurait pu, pourtant, prendre le leadership, lui qui avait résumé son ambition présidentielle à une seule promesse, qui englobe toutes les autres : faire en sorte que la jeunesse vive mieux en 2017 qu'en 2012. Au lieu de cela, cette crise sert de révélateur à l'immense malaise des jeunes générations face au monde du travail.

Le cap parlementaire

Désormais vidée de ses mesures les plus emblématiques, la loi El Khomri passera sans doute le cap du Parlement. Mais servira-t-elle à quelque chose ? Manuel Valls a réussi, pour l'instant, à sauver la redéfinition du licenciement économique, en tenant compte des réserves de la CFDT. Le patronat grogne mais s'en satisfait, tout en montrant les dents, au cas où le gouvernement exigerait une nouvelle surtaxation des CDD dans le cadre de la renégociation de l'assurance chômage. Ce serait alors le pompon. Non seulement la loi Travail édulcorée ne libérera pas l'embauche, pas plus celle des jeunes que celle des séniors. Mais avec des CDD plus coûteux, la situation pourrait bien s'avérer pire qu'avant sur le marché du travail. On en viendrait presque à se dire : par pitié, M. Hollande, SVP, ne touchez plus à rien ! Attendez 2017 que le peuple tranche, sur la base de projets politiques enfin clairement définis et clairement assumés. Mais jouer franc jeu, il faut bien le dire, vous n'avez jamais eu le courage ou la volonté de le faire, dans cette sorte de cynisme délétère dans lequel vous vous complaisez et qui suffit à lui seul à expliquer pourquoi plus personne ne vous écoute ni ne vous accorde de crédit.

Car, en fait de loi pour le travail au XXIe siècle, le projet El Khomri ne règle en vérité rien du tout. Cette réforme reste engluée dans des codes et des modes de pensée qui n'ont plus cours à l'heure de l'économie numérique. Et le pire, c'est que les politiques n'en ont même pas conscience. Son échec vient de ce qu'elle prend les salariés comme les employeurs pour des benêts.

Rendre possible l'emploi pour tous

Bien sûr que le modèle du CDI toute sa vie dans la même entreprise a vécu, merci, on est au courant, ont répondu les jeunes qui se sont mobilisés au mois de mars. Mais la loi ne traite pas les vraies questions, celle que vivent les vrais gens dans la vraie vie. Le sujet principal, ce n'est pas tant de donner plus de flexibilité - après tout, pourquoi pas -, mais d'apporter de nouvelles sécurités pour accompagner la mutation en cours des formes d'emplois.

Personne ne croit à la promesse d'un CDI pour tous, au prétexte que l'employeur pourra le rompre plus facilement ou pour moins cher. Ce qu'il faut, en revanche, c'est rendre possible l'emploi pour tous. Or, c'est tout à fait réalisable, à condition de compenser l'instabilité du travail, à l'heure du numérique, par de nouvelles protections pour les travailleurs, afin que, comme autrefois les salariés en CDI, ils puissent avoir des garanties contre les risques de la vie. Comment sécuriser l'accès au crédit, au logement, à une retraite décente dans les nouvelles formes d'emplois qui surgissent de la révolution numérique ? Voilà les réponses concrètes qu'attendent les jeunes. De ce point de vue, le fameux CPA, le compte personnel d'activité, aurait pu être une ébauche de sécurité sociale du XXIème siècle. Mais il est très, très loin de répondre à ces défis.