Voter Macron, oui, mais pour quoi faire  ?

Par Philippe Mabille et Robert Jules  |   |  998  mots
Le choix de voter en faveur d'Emmanuel Macron est d'abord celui d'éliminer le programme néfaste et décousu du Front national. Il n'en reste pas moins que le probable futur président de la république devra convaincre un grand nombre de Françaises et de Français qui oscillent entre opposition et scepticisme. Les défis auxquels devra s'attaquer Emmanuel Macron sont énormes. Ils peuvent être résumés par un seul: réduire considérablement le nombre de chômeurs.

Au premier tour, on choisit. Au second tour, on élimine ! C'est le jeu normal, démocratique, de nos institutions sous la Ve République. On peut certes contester, avec des arguments valables, le caractère monarchique de ces institutions, souhaiter une nouvelle république, plus de démocratie réelle, un régime plus respectueux des droits du parlement. Cela a été débattu au premier tour, amplement, et pour l'instant tranché. Mais dimanche 7 mai, c'est bien dans le cadre des institutions actuelles, celles que l'on connaît depuis que le général de Gaulle a institué le suffrage universel direct à deux tours pour l'élection présidentielle, qu'il faut éliminer pour choisir.

S'abstenir est un risque

S'abstenir est un droit, tout comme voter blanc ou nul. Mais dans le cas particulier de cette élection, qui voit, pour la seconde fois en quinze ans, le Front national se hisser aux portes du pouvoir, s'abstenir est un risque. Un trop grand risque alors que le front républicain qui avait fait barrage à son père en 2002 face à Jacques Chirac est en train de se fissurer, à droite, avec le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen, à gauche avec le refus de Jean-Luc Mélenchon d'appeler à voter pour Emmanuel Macron. Dans le doute, on ne s'abstient pas, car ce serait s'exposer à voir le Front national arriver en tête, à l'insu de notre plein gré. Or, ce n'est pas du tout ce que souhaitent deux Français sur trois, si l'on en croit les derniers sondages publiés ce vendredi, alors que s'achève la campagne électorale la plus folle et la plus stressante jamais vécue.

On a vu, lors du débat de l'entre-deux-tours, le vrai visage de Marine Le Pen. Elle tient un discours du repli sur soi, anti-européen, anti-étrangers, sans rien proposer de cohérent pour répondre aux causes de la colère dont se nourrit son parti. La présidente du Front national a fait la démonstration qu'elle ne maitrisait rien des dossiers économiques, en particulier sur l'aventure de la sortie de l'euro à propos de laquelle elle s'est livrée à des explications alambiquées entre retour au franc, coexistence de deux monnaies avec l'ECU, qui ont plus inquiété que rassuré y compris dans son propre camp.

Un gros "STOP"

Voter Macron pour éliminer Marine Le Pen avec le plus gros score possible est donc la meilleure solution pour être certains du résultat dimanche à 20h00. Le pays des Lumières adresserait ainsi un gros « STOP » à la vague populiste qui déferle sur le monde : Brexit en Grande-Bretagne, en juin 2016, Trump aux Etats-Unis en novembre, inutile d'ajouter Marine Le Pen en France en mai 2017 à ce triste tableau.

Plus le nombre des suffrages en sa faveur sera élevé, moins son élection signifiera une adhésion pleine et entière à son projet. Emmanuel Macron le sait bien, ce ne sera pas un chèque en blanc. Il n'aura pas d'état de grâce. Le nouveau président sera peu populaire, si ce n'est dans le socle de ceux qui lui ont fait confiance, à 24% des suffrages exprimés, dès le premier tour.

Mais faire barrage au Front national ne suffira pas à résoudre la crise politique que traverse la France comme tant d'autres démocraties dans le monde. Ce qu'il faut surtout, c'est qu'Emmanuel Macron une fois élu président s'attaque aux causes du mal français. Il faudra qu'il rassemble un pays où près de la moitié des électeurs du premier tour ont exprimé un vote de défiance à l'égard de l'Europe et d'une France ouverte sur le monde.

"En même temps" libéral et social

Ce mal français a un nom et un visage : ce n'est pas l'euro ou l'union européenne, bouc-émissaires qui masquent nos propres impuissances. C'est le chômage endémique, celui des jeunes qui n'arrivent pas à rentrer dans le monde du travail, ou des moins jeunes qui en partent trop tôt, dans une économie où l'emploi se raréfie. C'est l'abandon que ressentent des millions de Français, surtout dans les périphéries des métropoles et dans les territoires ruraux où les services publics disparaissent. Pour lutter contre ces maux, Emmanuel Macron a un projet et un programme. Il est « en même temps » libéral et social. Il prévoit des réformes profondes, du marché du travail, de l'assurance-chômage, pour libérer l'initiative et l'emploi, qui ne seront pas facile à faire accepter aux salariés et aux chômeurs ; mais aussi de nouveaux droits, de nouvelles sécurités pour tous. Ce projet est clairement européen : il veut une France forte dans une Europe forte, une France qui balaye devant sa porte et fait les réformes nécessaires pour être crédible dans son dialogue avec l'Allemagne. On peut contester cette vision et ces réformes. Mais plus difficilement le fait que la France est aujourd'hui dans une situation politique, économique et sociale qui commande d'agir vite.

Clarification indispensable

L'élection de dimanche ne sera certainement pas un vote d'adhésion au projet d'Emmanuel Macron. Mais ce sera l'occasion d'une clarification indispensable. La France doit dire si elle veut rester dans l'Europe avec Emmanuel Macron ou bien en sortir avec Marine Le Pen. Si Emmanuel Macron l'emporte, ce qui est plus que probable, son défi sera de réconcilier le pays et de convaincre que ses réformes seront efficaces pour sortir de la crise. Adepte du droit à l'erreur et à l'expérimentation pour les créateurs d'entreprise, Emmanuel Macron président n'aura lui pas le droit d'échouer. Car sinon, il se pourrait bien qu'il soit le dernier président avant l'accession au pouvoir du Front national en 2022. Pour que le 7 mai 2017 ne soit pas un sursis, il est donc de l'intérêt de tous et de la France que ce prochain quinquennat ne soit pas à l'image de celui qui s'achève.