"Une Europe gouvernée par l'Allemagne ? Du pur fantasme ! "

Par Propos recueillis par Valérie Segond  |   |  461  mots
Copyright Reuters
Le directeur adjoint du Deutsch-Französisches Institut livre sa vision des exigences allemandes pour la résolution de la crise de la zone euro: un projet cohérent, dans lequel union monétaire et union politique sont inséparables.

Nicolas Sarkozy a affirmé avoir accepté une révision du traité de Lisbonne, pour imposer la convergence budgétaire, économique et fiscale, comme le demande Berlin. Va-t-on vers une Europe gouvernée par l'Allemagne ?

HU : Cette vision relève du pur fantasme ! La révision du traité de Lisbonne que demande Angela Merkel ne relève pas d'une logique « allemande » mais du pur bon sens : pas d'union monétaire sans union politique. En plus, l'Allemagne s'est toujours montré capable de réaliser des compromis : elle a accepté des réponses d'urgence même si elles heurtaient la doctrine allemande, contre l'assurance de règles afin d'éviter de nouveaux dérapages. Qu'elle ait publiquement reconnu hier que « de toute façon la BCE est indépendante » suggère qu'elle s'apprête à céder sur les demandes françaises. Mais ce ne sera pas sans qu'elle ait obtenu de véritables assurances sur sa capacité future à peser sur leur politique budgétaire. Ce sera contre l'obtention d'une véritable Union politique sur un socle démocratique. Pour créer une Union monétaire qui fonctionne, il faut créer les conditions politiques.

C'est donc bien la vision allemande qui prévaut désormais en Europe...

S'il y a quelque chose de véritablement germanique dans cette vision de l'Europe, c'est l'attachement à la stabilité budgétaire et monétaire, sur la base du respect des règles et de l'indépendance de la BCE. C'est l'esprit du contrat fondateur de la zone monétaire, auquel l'Allemagne tient très fortement, et qui avait été accepté à l'époque par tous les pays fondateurs de l'UEM !

La crainte française est de voir l'Allemagne profiter de l'accès de faiblesse de la France sur les marchés pour imposer ses vues...

Détrompez vous ! Les difficultés de la France ne réjouissent personne à Berlin, car si la France coule, l'Allemagne coulera avec ! Mais il est clair que l'Allemagne a repris l'initiative. Car c'est surtout l'occasion pour Berlin d'aller jusqu'au bout de la logique monétaire en proposant un approfondissement de l'union politique, logique qu'elle a toujours défendue .Si elle est prête à payer, elle redoute que cela ne désincite les Etats à faire les efforts budgétaires nécessaires. Elle ne veut pas avoir à payer pour les Etats structurellement déficitaires sans que l'Union européenne ait un moyen de contrôle efficace sur eux. Pour sortir de la crise, avec une vraie solution durable, il faut remettre de la cohérence politique dans le système ; dans ce sens, Angela Merkel souligne que les modifications des traités européens sont une partie intégrante des solutions à trouver. Les germes du compromis sont là. Mais l'Allemagne entend vendre cher ses nombreuses concessions.