"Nous voulons mettre en lumière la nécessité d'une réforme fiscale"

Interview de Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances du Sénat
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 Le Sénat a voté la semaine dernière la partie recette du projet de loi de finances pour 2012 en le modifiant profondément. La ministre du Budget vous a reproché de créer 30 taxes, soit un « choc fiscal de 32 milliards d'euros supplémentaires ». Quelle stratégie poursuivez-vous ?

J'ai ainsi voulu montrer qu'en matière de recettes, la philosophie de gauche diffère de celle de la droite qui multiplie les mesures visant à chercher les recettes de proche, telle la taxe sur les boissons sucrées, que nous avons supprimée. Il s'agit de sa part d'une diversion liée au fait que la majorité présidentielle ne souhaite pas revenir sur son erreur du début 2007, à savoir réduire massivement et injustement socialement les impôts à hauteur de 10 milliards d'euros par an. Il est dit à tord que le gouvernement a détricoté la loi Tepa mais elle coûte encore 9,3 milliards d'euros par an ! Notre stratégie consiste à montrer qu'un autre chemin budgétaire, celui de la hausse des recettes de l'Etat via la fiscalité, est possible. Il s'agit pour nous de redonner de la progressivité à l'impôt sur le revenu mais aussi aux prélèvements sur le capital contrairement à la logique du prélèvement forfaitaire obligatoire proportionnel.
Concernant l'impôt sur les sociétés, il souffre d'un problème d'assiette. Nos amendements démontrent que cet impôt n'a plus de sens. En les additionnant, toutes les niches et exonérations sont plus coûteuses que le produit de l'impôt, sans compter le décalage entre grandes entreprises et PME. D'où nos amendements sur l'impôt plancher ou la limitation de l'avantage fiscal pour les rachats d'entreprise par endettement (LBO), qui rapporte à lui seul 17 milliards d'euros.
Quant à la partie crédits, nous allons les rejeter sachant que la LOLF nous empêche d'intervenir. Cela va néanmoins nous permettre de mettre en avant les sujets emblématiques d'opposition comme l'enseignement scolaire ou les collectivités locales qui doivent certes participer à l'effort d'économies mais avec lesquelles nous voulons passer un contrat de confiance.

Mais les députés de la majorité vont retoquer vos amendements....

Les députés de la majorité sont certes contraints notamment par l'échéance présidentielle. Mais il ne faut préjuger de rien. Nous avons par ailleurs montré au Sénat qu'en matière de rigueur nous sommes responsables. J'ai ainsi tenu bon concernant le plafonnement des taxes affectées aux opérateurs d'Etat. Autre exemple, nous avons rétabli l'exonération pour les jeunes entreprises innovantes (JEI) pour mettre en évidence les incohérences du gouvernement qui n'a rien prévu dans ses plans de rigueur pour encourager la croissance. Si les députés ne retiennent pas cette disposition... Plus globalement nous visons un objectif de dialogue qui nous a d'ailleurs permis d'obtenir des chiffres de Bercy et met en lumière la nécessité d'une réforme fiscale. La navette parlementaire va être emprunte d'une vertu publique et pédagogique et certaines dispositions pourraient passer.

Pour atteindre l'objectif d'un déficit à 3 % du PIB en 2013 et d'un équilibre en 2016, le gouvernement compte limiter la hausse de la dépense publique à 0,4 % à partir de 2013. Est-ce tenable selon vous ou faut-il selon vous renégocier ces objectifs ?
Tous les prévisions de la zone euro tablent sur une croissance très faible voire nulle en 2012. L'épure du gouvernement reste donc encore optimiste. Et limiter ainsi le niveau de la dépense publique n'a jamais été fait. Pour ma part, j'estime possible une limitation à 1 % en valeur, pas plus. Les marchés ne sont donc pas forcément rassurés par des plans à répétition. Personne ne peut nier qu'il faut stabiliser la dette au moins en 2014 pour lutter contre le déficit public, puisque le paiement de la dette obère nos marges de man?uvre, et pas seulement pour conserver le triple A. Arrêtons avec cette histoire de triple A, ce sont des billevesées. La France a bien bouclé son programme d'emprunts pour 2011. La BCE va peut-être baisser d'1/4 de point ses taux directeurs mais ce ne sera pas toujours le cas. Si les objectifs de réduction de déficit public doivent être renégociés, cela doit donc se faire au niveau européen et avant la modification des traités.

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Commentaires 2
à écrit le 28/11/2011 à 8:23
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Si la France est hyperendettée c'est parce que les riches ne paient pas assez d'impôts, c'est aussi simple que cela. FL/ing. diplômé en économie

le 28/11/2011 à 9:16
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Exact ! Les riches ne paient pas assez d'impôts. Sarkozy les a réduit de 10 milliards par an . En 5 ans 50 milliards de dettes en plus ! Pour équilibrer les recettes il n y a que deux solutions, après avoir réduit les dépenses. 1 L'Impôt; La solution...

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