Zone euro : le pire n'est pas encore sûr

Les théories du chaos ont ceci de séduisant qu'elles promettent en général l'émergence d'un monde nouveau, idéalisé, fantasmé dans lequel tous les problèmes auraient été résolus. Cela marche peut-être dans un certain nombre de domaines, mais concernant la zone euro, certainement pas.
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Le commissaire européen à l'Economie, Olli Rehn, a résumé hier, devant le parlement européen, et sans fioritures, la situation de la zone euro : où elle accepte une plus forte intégration ou elle casse... Même si c'est une façon de faire monter les enchères avant le sommet des 8 et 9 décembre prochains, cette déclaration donne une assez bonne idée de la bataille qui se joue aujourd'hui autour du futur de la zone euro, mais aussi de l'avenir de l'Union européenne comme espace économique et financier. Les théories du chaos ont ceci de séduisant qu'elles promettent en général l'émergence d'un monde nouveau, idéalisé, fantasmé dans lequel tous les problèmes auraient été résolus dans un processus mystérieux.

Cela marche peut-être dans un certain nombre de domaines, mais concernant la zone euro, certainement pas. Ne nous faisons aucune illusion : du chaos émergera le chaos et non une Europe idéale où chacun retournera dans l'enthousiasme à sa monnaie nationale et se livrera aux charmes sulfureux des dévaluations compétitives. Pour l'Union européenne et pour la zone euro, le chaos n'est pas une option. Quelles sont les autres ? L'Europe allemande, s'indignent les contempteurs d'Angela Merkel...

Que veulent donc les Allemands qui nous poussent si promptement contre eux ? Une assurance que, dans l'avenir, les principes de l'orthodoxie financière seront strictement respectés au travers d'un Pacte de stabilité. Comment comptent-ils parvenir à ce résultat : par une modification du traité de Lisbonne ainsi que le propose Wolfgang Schäuble, ministre des Finances d'Angela Merkel. Cette modification autoriserait que l'on puisse traduire devant la Cour européenne de justice les pays qui enfreignent de manière répétée (la précision n'est pas neutre) les règles du Pacte de stabilité. Les Allemands voudraient aussi que l'on place les pays "fautifs " sous tutelle, dans des conditions qui ne sont pas connues, mais sous l'autorité d'un nouveau commissaire européen, qui serait chargé du maintien de la stabilité monétaire. Les pays membres de la zone euro devraient renoncer à une part de leur souveraineté, une décision "structurelle " puisque les politiques budgétaires sont liées à un projet politique et appartiennent donc aux choix des électeurs de chacun des pays.

Cette démarche proposée par l'Allemagne peut-elle faire consensus ? Aujourd'hui non... La France défend, on le sait, une tout autre approche, celle de la solidarité et de la mutualisation des risques, discipline ou solidarité, tels sont les termes du débat qu'il ne faut d'ailleurs pas réduire à une opposition franco-allemande. Quoi qu'il en soit, la question devra être tranchée dans les dix jours qui viennent. L'issue n'est naturellement pas certaine. Que nous disent les décisions, déclarations ou analyses qui émanent ces dernières heures de Bruxelles ou des gouvernements de la zone euro ? Une sorte de "troisième voie " semble prendre corps, qui placerait le FMI au centre du jeu. Puisque la BCE ne peut pas prêter aux États et que sur ce point au moins, l'Allemagne est intransigeante, les ministres des Finances de la zone euro, réunis hier à Bruxelles, ont émis l'idée que les pays de la zone augmentent leurs contributions au FMI afin que ce dernier puisse jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. Wolfgang Schäuble serait ouvert à une telle solution, ce qui n'est pas rien car, voici trois semaines, il s'y était opposé...

Pour l'instant, aucun chiffre n'a été mis sur la table. Il pourrait s'agir soit d'une augmentation des DTS, soit de prêts bilatéraux accordés par les pays membres de la zone euro. À quelle hauteur ? Les ressources disponibles du FMI sont de l'ordre de 390 milliards de dollars (environ 290 milliards d'euros), ce qui est bien loin des 1.000 ou 1.500 milliards d'euros qu'il faudrait mobiliser en cas d'aggravation de la situation financière en Italie ou en Espagne. Autre motif d'optimisme : le FESF n'a pas l'air tout à fait aussi mort que certains le disent. Les ministres de la zone euro ont l'air de croire en lui, même si sa force de frappe n'atteindra probablement jamais les 1.000 milliards d'euros, d'après ce qui se disait hier soit à Bruxelles.

Tout cela fait-il la rue Michel ? Pas encore. Mais un schéma prend forme, peu à peu : une gouvernance renforcée, une mise en mots acceptable des modalités du contrôle des politiques budgétaires, une amélioration du concept de sanctions automatiques, un rôle accru du FMI qui permettrait de préserver la "virginité " de la BCE, un FESF rendu opérationnel... Accordons à ceux qui ne croient pas possible un sauvetage de la zone euro, que les progrès observés ces jours-ci sont encore ténus, qu'il faudra poser des chiffres sur la table et préciser les mécaniques à mettre à l'oeuvre. Mais à chaque jour suffit sa peine. Rendez-vous le 9 décembre pour le grand final.

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Commentaires 3
à écrit le 04/12/2011 à 20:33
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L'Euro ne peut pas être la somme du Mark, de la Lire, du Franc, de la Drachme, de la Peseta ni bien sûr de la Livre (anglaise). L'Euro ne peut donc pas exister, et toutes les combinaisons politiques, convergences économiques, fiscales...n'y changeron...

à écrit le 04/12/2011 à 12:37
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Rien ne sert de jouer aux fantoches, les faits parlent d'eux-mêmes. Il n'y a pas 36 solutions pour sortir du pétrin, et sans passer sous les fourches caudines allemandes, il va bien falloir regarder la réalité en face et, se plier à des règles plus s...

à écrit le 02/12/2011 à 17:52
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Ce qui est exaspérant, c'est cet acharnement à défaire par un bout ce qui est en train de se construire à l'autre bout : on ne peut pas faire sans l'Euro, puisqu'il est là. Défaire l'Euro, c'est reculer pour plusieurs siècles, et c'est porter le coup...

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