Crise de la dette : réfutons les intégrismes

Gabriel François est conseiller économique de La Française AM.
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Certains, notamment parmi les responsables de la Bundesbank, s'efforcent d'imposer une vision trop restrictive et, pour tout dire, rétrograde du rôle d'une banque centrale en agitant à tort des fantasmes d'inflation. Les tribulations de la chancelière pour maintenir un cap réaliste en dépit de ce courant intégriste en disent long sur la nocivité de certaines idées : il est donc essentiel de les examiner de plus près et de dépasser une conception simpliste du phénomène qui est, en réalité, beaucoup plus complexe qu'on ne l'a cru longtemps.

D'abord, on peut concevoir un premier type d'intervention, de nature virtuelle mais parfois très efficace, c'est l'octroi d'une garantie. Lorsqu'une stratégie de la dissuasion est correctement appliquée, l'effet est obtenu par la seule menace d'intervention et l'on retrouve ici l'un des principes fondamentaux du jeu d'échecs qui est que la menace est plus forte que l'exécution. Toutefois, cette stratégie pour réussir pleinement suppose à la fois une puissance de feu sans réplique et une volonté absolue de l'utiliser en cas de besoin. A cet égard, il faut reconnaître que la BCE n'est pas actuellement dans la meilleure position pour imposer le respect au marché, tant les discussions et atermoiements divers ont sans doute atténué la crainte révérencielle que doit inspirer une banque centrale opérant dans sa propre monnaie. Le procédé aurait été très probablement fort efficace au début de la crise mais il n'est pas sûr qu'aujourd'hui il suffirait à lui seul.

Il serait donc probablement nécessaire de pratiquer aussi des interventions réelles et c'est là qu'il convient d'apprécier leurs conséquences selon les différents cas de figure. L'achat de dette par la banque centrale peut être neutralisé si elle émet parallèlement des titres de même nature. Dans ce cas, il n'y a pas de vraie création de monnaie mais seulement échange de signatures.

Enfin, troisième hypothèse, l'opération aboutit effectivement à une création de monnaie du fait d'un achat simple de dette par la banque centrale. Y a-t-il là un vrai risque pour la stabilité des prix ? Il ne le semble pas car il faut considérer le type d'usage qui sera fait de cette monnaie. Le titre vendu était incorporé dans un portefeuille d'actifs financiers et le produit de la vente restera selon toute vraisemblance dans le circuit des actifs financiers et non dans celui des biens et services où se mesure l'inflation courante. En définitive on peut, concernant l'effet inflationniste d'une création monétaire, évoquer la publicité bien connue pour le jeu de poker : ce qui compte à ce jeu, ce ne sont pas les cartes, c'est ce qu'on en fait. De même, ce qui compte ici, c'est ce qu'on fait de la monnaie. Celle-ci n'exerce pas le même rôle sur les prix selon qu'elle circule dans l'un ou l'autre des deux circuits très largement distincts, celui des actifs et celui des biens et services courants. La différence essentielle entre la situation présente et celle que l'on a constatée dans toutes les expériences d'inflation incontrôlée est que l'action de la banque centrale à présent ne financerait pas une dépense supplémentaire mais consoliderait la dette correspondant à une dépense ancienne. Une dette qui se crée pour financer une dépense nouvelle peut agir sur les prix ; au contraire une dette passée est un astre mort qui n'irradie plus d'inflation.

Bien sûr, la BCE ne réglera pas seule le problème de la dette dans la mesure où elle ne peut s'attaquer à la racine du mal qui se trouve du côté des fondamentaux, mais une intervention massive de sa part n'a pas cet objectif : il répond seulement à une condition nécessaire et non suffisante qui est de rétablir le calme sur le marché pour pouvoir ensuite procéder aux réformes de fond. Chacun peut comprendre qu'un médecin puisse vouloir faire tomber la fièvre d'un malade avant de lui appliquer la thérapeutique appropriée.

La crise actuelle est sans précédent car l'histoire n'offre pas d'autre exemple d'une monnaie unique dotée d'une banque centrale indépendante. Les conditions de sa survie sont à inventer. A problème nouveau solution nouvelle, et c'est pourquoi on devra s'affranchir de principes anciens qui ne sont plus adaptés à la réalité d'aujourd'hui. De toute façon, les événements finiront par contraindre à un ajustement des conceptions traditionnelles et il faut espérer que l'on parvienne à hâter la conversion des esprits pour que soit éliminé au plus tôt un stress inutile sur les marchés avant de s'attaquer à l'origine du mal qu'il faut chercher dans l'insuffisante compétitivité de certaines économies et ainsi entamer une reconstruction cohérente de la maison euro.

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Commentaires 2
à écrit le 10/12/2011 à 11:46
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J'adore ces brillants esprits qui nous expliquent comment en utilisant des montages sophistiqués et artifices, on peut vivre en dépensant plus que ce que l'on gagne. Ce sont ces personnes particulièrement intelligentes et instruites qui nous mènent ...

à écrit le 09/12/2011 à 14:58
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il est assez siderant de voir que personne ou presque pose la vraie question, comment on va rembourser ce paquet de dettes on a tout éssayé on va nous parler de maturité allongé, la france est endétté de 1800 milliards on fait des georges chaudes de ...

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