Hausse des droits d'inscription à l'université : un choix de société

Par Olivier Bos  |   |  736  mots
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Olivier Bos est maître de conférences en économie à l'université Panthéon-Assas.

David Cameron pourra s'en vanter : sous sa mandature, les étudiants se seront mobilisés et organisés. Outre-Manche, le Premier ministre a su, il est vrai, inciter à la manifestation, en proposant un triplement du plafond des droits universitaires. Plus modestement, la Cour constitutionnelle allemande a délégué en 2005 la régulation des droits d'inscription à l'université aux régions.

Si certaines universités, comme à Mannheim dans le Bade-Wurtemberg ou encore à Cologne dans la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en ont profité modérément, le débat public reste vif. Le SPD a même fait du retour aux frais d'inscription passés une promesse électorale. Victorieux en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en 2010, la promesse est tenue. L'accès à l'éducation supérieure et les frais de scolarité associés sont devenus un sujet récurrent dans de nombreux pays européens dont la France ne fait pas exception. Récemment, deux think tanks ont suggéré une augmentation des frais de scolarité dans les universités françaises.

Les opposants à ce type de réforme avancent habituellement un argument qu'ils pensent être de justice sociale : la hausse des frais de scolarité conduit les plus modestes à recourir à l'endettement, voire à renoncer à leur projet d'études. Or l'égalité face aux droits d'entrée à l'université n'implique pas toujours l'équité.

L'Observatoire des inégalités relève que, pour l'année 2008, les bacheliers issus de classes sociales privilégiées (cadres et professions libérales), qui représentent 15 % des emplois, occupent plus de 30 % des bancs universitaires et 48 % de ceux des écoles d'ingénieurs.

Autrement dit, les étudiants issus de catégories sociales privilégiées sont surreprésentés dans l'éducation supérieure. Des frais d'inscription faibles et identiques pour tous sont ici une source d'injustice sociale, les impôts des catégories sociales défavorisées finançant les études de ceux issus de catégories sociales plus favorisées. La justice sociale conduirait-elle donc à augmenter les droits de scolarité dans l'éducation supérieure ? Cette hausse pourrait être uniforme, l'accès à l'éducation supérieure devenant coûteuse pour tous, ou encore progressive. Dans ce cas, les droits de scolarité ressembleraient alors à l'impôt sur le revenu. Il est facile d'imaginer un schéma progressif, et non seulement proportionnel, où les classes sociales favorisées, surreprésentées dans l'éducation supérieure, financeraient les études des moins aisés. Il s'agirait d'un complément à l'impôt sur le revenu actuel, qui, dans sa globalité, n'est que peu ou pas progressif.

Il est naturel de penser que des droits de scolarité conséquents facilitent les étudiants à internaliser le coût de leurs études.

Dans une France au taux d'échec non négligeable en premier cycle (seuls 45,5 % des étudiants ont obtenu leur premier cycle universitaire, Deug, en 2001 sans redoubler), l'argument mérite qu'on y prête attention. Supporter le coût financier d'une formation induit une réflexion en amont sur les choix d'orientation, l'effort à fournir, le risque d'échec, mais aussi sur l'utilité sociale des études entreprises ; réflexion qui pourrait ainsi améliorer cette statistique.

Malheureusement, la hausse des frais de scolarité s'accompagne aussi d'effet pervers, non désirés et, il me semble, non désirables. L'objectif des études supérieures ne réside pas en le seul apprentissage de compétences en vue d'exercer un métier hautement qualifié. Il s'agit tout autant, sinon plus, d'éveiller la curiosité intellectuelle, de donner envie à l'étudiant d'accéder à toujours plus de connaissances, d'en vivre et d'en devenir un acteur au quotidien.

L'accès à la connaissance et à une éducation de qualité nécessite du temps, une dimension temporelle difficilement conciliable avec un coût d'accès élevé. La marchandisation des diplômes conduit, par essence, à un rendement espéré quantifiable sur le marché du travail. Bien au contraire, la motivation à compléter une formation initiale par une seconde plus courte, par exemple un master d'économie et une licence de philosophie, réside dans la quête d'un savoir pour une meilleure réflexion, compétence additionnelle non rémunératrice. Une telle quête semble difficile, sinon impossible, à assouvir dans un système éducatif onéreux, pour ne pas dire de valeur marchande.

Conserver un système éducatif dont l'accès au savoir pour tous demeure la pierre angulaire ou adopter une éducation à valeur marchande demeure un choix de société qu'il nous faut prudemment garder à l'esprit.