La France qui tombe...

Par Philippe Mabille  |   |  468  mots
Copyright Reuters
Lundi 9 avril sera donné le coup d'envoi officiel de la campagne présidentielle. Mais le vrai moment symbolique viendra plus tôt puisque l'agence Standard & Poor's doit rendre publique avant mercredi 18 janvier, jour du sommet social à l'Elysée, sa décision concernant la notation de la France (et des autres pays de la zone euro).

Dans sa lettre aux Français, publiée dans Libération, François Hollande a anticipé la perte de notre AAA en évoquant une France "dégradée" sous Nicolas Sarkozy. Pour l'opinion, cette nouvelle, certes annoncée de longue date, résonnera comme un coup de tonnerre et la triste confirmation du déclin prédit dans "La France qui tombe", l'essai à succès de l'historien Nicolas Baverez, publié un an après le choc du 21 avril 2002, où Jean-Marie Le Pen avait éliminé Lionel Jospin de la course à l'Elysée.

Pour l'heure, rien ne permet d'affirmer que l'élection de 2012 connaîtra un nouveau 21 avril, à l'endroit ou à l'envers. Mais rien ne permet non plus de l'exclure. Assise sur un socle d'intentions de vote plus élevé que son père en 2002, Marine Le Pen espère bien créer la surprise le 22 avril prochain, jour du premier tour. Sa campagne, basée sur la sortie de l'euro et le protectionnisme, séduit la France ouvrière, déçue par les promesses non tenues du quinquennat et celle des "invisibles", cette France mi-rurale, mi péri-urbaine, qui se sent abandonnée dans la crise.

Pour Hollande comme pour Sarkozy, cette situation - la perte du AAA et la force du Front national - crée une responsabilité inédite. Au lieu de s'invectiver, ils devraient prendre garde à cette France qui gronde, ne croit plus à l'Europe ni à la politique. Entre la crise économique, le chômage, les menaces sur la zone euro et la dette, ils ont largement de quoi relever leur niveau de jeu. Hollande parle d'un nécessaire "redressement national". Sarkozy met en avant le "courage" et se pose en "homme providentiel". On peut d'ores et déjà parier que l'un, ou l'autre, sera le prochain locataire de l'Elysée. "Le choix : Hollande ou Sarkozy", titre The Economist dans son édition "The World in 2012" Oui, mais pour quoi faire ? Ce que l'on pourrait espérer de mieux des deux candidats, c'est qu'ils fassent une seule promesse : s'engager à retrouver le AAA en dix ans, la durée qui a été nécessaire pour le Canada, dégradé en 1991.

Dans la dure bataille qui s'annonce, il est toutefois un élément de différenciation, jusqu'ici peu mis en avant, et dont personne ne sait s'il sera un atout ou un handicap pour le président sortant : s'il est réélu, Nicolas Sarkozy sera le premier président de la cinquième République qui ne pourra pas se faire réélire une troisième fois, en vertu de la réforme constitutionnelle qu'il a fait adopter en 2007. De quoi avoir les mains libres pour la rupture, la vraie ? Mais pas de quoi gouverner dix ans. Dix ans d'efforts, ce qu'a promis Angela Merkel aux pays laxistes de la zone euro.