Les classes moyennes risquent d'être les grandes perdantes

Par I.B.  |   |  631  mots
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Par Ivan Best, journaliste à La Tribune.

Si le gouvernement décide vraiment de passer outre l'absence de consensus sur la TVA sociale, en faisant voter un relèvement de cet impôt, il s'engagera dans une réforme aux résultats que la plupart des économistes jugent incertains. "Une expérimentation hasardeuse", diront les plus critiques, reprenant l'expression de Jacques Chirac moquant les 35 heures de Lionel Jospin. Peu suspect de sympathies gauchisantes, un économiste comme Jean-Charles Simon, ex-directeur général adjoint du Medef, soulignait récemment dans La Tribune combien les conséquences de cette réforme seraient "difficiles à appréhender".

 

Tout dépendra, bien sûr, des arbitrages de Nicolas Sarkozy. Baisse des seules cotisations patronales? Ou allégement, aussi, pour une part des cotisations des salariés ? Hausse limitée de la TVA, assortie d'un relèvement de la CSG, ou augmentation importante - deux à trois points - de la TVA ? Une hausse modérée - un point - pourrait n'avoir qu'un impact réduit sur les prix, les entreprises ne le répercutant qu'à la marge. En revanche, s'il s'agit de deux à trois points de plus, l'inflation s'en ressentira. Qui paiera, alors?

 

Alors que le débat public, alimenté depuis de longs mois par la TVA sociale, les avait oubliés, il est beaucoup question aujourd'hui des retraités et des chômeurs, qui seraient les premiers perdants. Un chef d'entreprise, très favorable à cette réforme, estime que l'Etat a agi suffisamment en faveur des retraités. En fait, ces catégories ne seraient pas nécessairement les plus lésées.

 

Les pensions de retraite comme les prestations chômage sont indexées sur l'inflation. Bien sûr, il y aurait un décalage temporel entre la hausse des prix consécutive au relèvement de la TVA, et la majoration de prestations, mais, in fine, un rattrapage aurait lieu. Il en va de même pour les minima sociaux. A moins de jouer à fond, à l'allemande, la carte de la compétitivité, assumant la baisse des revenus de la majeure partie de la population, y compris la moins bien lotie, on voit mal un gouvernement, quel qu'il soit, refuser d'augmenter le RSA aussi vite que les prix. S'agissant des salariés, les smicards auraient droit, eux aussi, à une compensation rapide.

 

Ce système de rattrapage soulève bien sûr des questions: comment compenser le déséquilibre des comptes sociaux provoqué par la hausse de la TVA, puisqu'il faudra bien financer la majoration des pensions et des minima sociaux, notamment ? Va-t-on augmenter des cotisations sociales qu'on vient de diminuer ? S'agissant du Smic, les entreprises devraient assumer là une hausse du coût du travail, sans compensation, puisqu'il n'existe plus de cotisations sociales à baisser, au niveau du Smic... La question du sort réservé aux fonctionnaires se pose aussi. Alors que le point d'indice est gelé, peut-on leur imposer une rigueur supplémentaire? Peut-être pas, en tout cas, pour ceux en bas de l'échelle, qui bénéficieraient de système de rattrapage.

 

En revanche, les fonctionnaires "moyens", comme les salariés du privé, risquent d'être les perdants de l'affaire. Laurence Parisot affirme que "tout le monde sera gagnant". Mais le fruit du relèvement de la TVA peut difficilement servir deux fois, à baisser à la fois les cotisations des employeurs et des salariés. Si les seconds sont privilégiés, les entreprises seront oubliées. Exit alors le gain de compétitivité, ce qui est exclu. En cas de hausse des prix, il y aurait donc bien amputation du pouvoir d'achat des salariés moyens. Des économistes favorables à cette TVA sociale, tel Jacques Le Cacheux (OFCE), admettent l'existence de ce risque pour les classes moyennes. Celles-là même que le gouvernement affirme vouloir ne plus oublier...