Quelle allocation d'actifs face aux bouleversements économiques ?

Par Olivier Raingeard, économiste, et Philippe Bruneau, directeur central (Banque Neuflize OBC).
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Il est aujourd'hui possible d'identifier trois grandes tendances de l'économie mondiale qui auront des conséquences sur les cycles économiques et, par conséquent, pour les allocations d'actifs financiers. D'abord, les pays développés sont entrés dans une phase de désendettement. L'observation de leurs soldes budgétaires, régulièrement déficitaires depuis le début des années 1980, signifie que le processus sera vraisemblablement long et chaotique. Pour pallier les effets récessifs de politiques budgétaires restrictives, les banques centrales devront maintenir les taux directeurs à des niveaux extrêmement bas pendant plusieurs années. Par ailleurs, les outils non conventionnels de politique monétaire, connus sous les termes de "quantitative" ou de "credit easing", deviendront les moyens usuels des banques centrales. Ainsi, il est probable que les opérations d'assouplissement quantitatif soient, à l'avenir, appelées à se répéter.

Ensuite, les pays émergents, et en particulier la Chine, doivent orienter leur économie de production vers un modèle de consommation. Il conviendra non seulement de doper cette dernière, qui ne représente par exemple que 35 % du PIB chinois, mais également d'assurer "l'atterrissage" d'un surinvestissement probable. Les politiques de taux de change se substitueront alors aux taux d'intérêt - leviers traditionnels de la politique monétaire - pour soutenir le changement de modèle économique.

Enfin, la réduction de ces déséquilibres économiques mondiaux s'opérera dans un contexte de rareté des matières premières, dans lequel est entrée l'économie mondiale. Par conséquent, toute accélération de la croissance économique provoquera une hausse des prix des matières premières, source de pressions inflationnistes qui altéreront l'activité, en particulier celle des pays développés. Une nouvelle norme économique devrait donc émerger. La croissance mondiale pourrait être, en tendance, moins soutenue que par le passé, de l'ordre de 3,5 % contre 5 % au cours des années 2000. Par ailleurs, la volatilité du cycle économique devrait être plus forte. En d'autres termes, les récessions pourraient être plus fréquentes en raison d'une croissance plus fragile et de leviers de politiques économiques moins puissants ou dont les effets sont mal appréciés. L'inflation, pour sa part, connaîtrait un comportement plus heurté, évoluant au gré des prix des matières premières, sensibles à toute variation conjoncturelle en raison du phénomène de rareté.

Ce nouveau paradigme économique devrait générer une forte volatilité sur les marchés financiers, affectant l'ensemble des classes d'actifs. La valorisation des actions par exemple intègre déjà en grande partie un environnement de croissance moins soutenue. Par ailleurs, les récessions étant susceptibles d'être plus fréquentes, les marchés actions devraient alterner les phases de hausse et de baisse prononcées. Les obligations des pays développés évolueront au gré de leurs déterminants traditionnels, croissance et inflation, et de leurs nouvelles variables que sont le risque de crédit et la politique monétaire non conventionnelle. Les obligations d'entreprises seront toujours fonction des taux de défaut, mais une volatilité structurellement plus élevée pourrait produire des chocs récurrents sur la prime de liquidité. Enfin, les matières premières connaîtront des évolutions plus heurtées, en fonction de la conjoncture. La question de savoir si cette classe d'actifs s'inscrira dans un marché tendanciellement haussier renvoie à celle du caractère définitif ou non de l'état de rareté. Ainsi, la réduction progressive des déséquilibres mondiaux dans un contexte de rareté des matières premières produira une nouvelle norme économique. La volatilité plus importante du cycle économique devrait logiquement se matérialiser par une volatilité plus forte pour l'ensemble des classes d'actifs. Les orientations d'allocation d'actifs dites flexibles semblent donc, aujourd'hui, les mieux à même de répondre à l'environnement économique et financier qui se dessine.

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