L'introuvable modèle économique idéal

Les critiques pleuvent sur le système capitaliste anglo-saxon et européen. Mais force est de constater que le monde est une cacophonie de modèles économiques qui échouent les uns après les autres.
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La crise financière et économique prolongée a tout d'abord discrédité le modèle américain de capitalisme, puis, dans un deuxième temps, sa version européenne. Il semble maintenant que le modèle asiatique soit lui aussi sur le point d'être ébranlé. Après l'échec du socialisme, cela signifie-t-il qu'il n'existe pas de modèle économique idéal ? Après l'effondrement de Lehman Brothers, on a présenté les États-Unis comme l'exemple d'une déroute. Quiconque se prenait à rêver au style de vie américain passait pour un imbécile. Selon le ministre allemand de l'époque, Peer Steinbrück, "la crise financière est avant tout un problème américain. Les autres ministres des Finances du G7 d'Europe continentale partagent ce point de vue".

Puis vint la crise de la dette souveraine de la zone euro due à la politique financière laxiste de quelques pays et qui frappe les obligations "les plus sûres qui soient". Ce n'est pas tout. Le président de China Investment Corporation, Jin Liquin, a fait preuve de scepticisme à l'idée d'un plan de sauvetage chinois pour l'Europe en qualifiant le continent de "société décadente basée sur l'assistanat".

Les critiques concernant un transfert de richesses excessif au sein des pays européens sont peut-être justifiées dans la mesure où les fonctionnaires français, grecs et italiens peuvent prendre leur retraite à un âge guère avancé. Et des législations du travail restrictives découragent nombre de firmes d'embaucher. Mais ce n'est pas là que réside l'essentiel des difficultés de l'Europe. Les problèmes budgétaires de la Grèce et de l'Espagne sont aussi la conséquence de projets de haute technologie, de dépenses de prestige ou de modèle de croissance fondée sur le boom de l'immobilier.

En Chine, on évoque fréquemment le "xìng zãi lè huò", le fait de se réjouir du malheur d'autrui, la satisfaction éprouvée à voir d'autres pays glisser sur une énorme peau de banane politique. Les Asiatiques qui critiquent l'Amérique et l'Europe pouvaient facilement se persuader que le modèle occidental de capitalisme démocratique était en train de s'effondrer. Pourtant, la transformation de la Chine depuis les années 1990 ne tient-elle pas aussi à des dépenses d'équipement et à un boom immobilier tout à fait analogues ? Les Chinois sont non seulement déçus par les défauts de plus en plus évidents de leurs trains à grande vitesse et leur inadéquation à leurs besoins, mais ils se demandent si leur gouvernement a choisi les bonnes priorités.

D'autres pays ont voulu bâtir sur l'échec d'autrui. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine, et la présidente argentine Christina Kirchner se plaisaient à croire que leur modèle d'économie contrôlée, construit peu après la crise de la dette, offrait une alternative viable au capitalisme cosmopolite international. Tous deux doivent maintenant faire face à une population désillusionnée.

Autrement dit, les principales économies de la planète partagent, plus que l'on ne croit, nombre de points faibles. Réagir aux défis économiques mondiaux simplement en se réjouissant des malheurs qui frappent autrui risque d'engendrer un sentiment de satisfaction provisoire, car on glisse rapidement sur sa propre peau de banane : l'économie mondiale est une cacophonie de modèles économiques qui échouent les uns après les autres. Et demain la cacophonie sera encore plus forte. On peut donc se demander s'il existe un modèle économique idéal. S'il s'agit d'un modèle qui garantisse sécurité ou domination à très long terme, la réponse est non.

On compare les différents modèles dans l'espoir de trouver le moyen absolument sûr de garantir richesse et prospérité. Dans une économie de marché, du fait de la concurrence, les bénéfices importants liés à une innovation ne durent généralement qu'un temps, à l'image des techniques de gestion d'entreprises à succès. Lors de la révolution industrielle en Europe, les pionniers dans le domaine du textile, de la métallurgie ou des voies ferrées n'ont dans l'ensemble pas fait fortune : leurs bénéfices ont fondu du fait de la concurrence. La fin du XIXe siècle et le XXe siècle ont engendré une autre forme de croissance, car les mesures politiques et les ressources permettaient de protéger les richesses accumulées contre l'érosion due à la pression de la concurrence.

La recherche d'un modèle idéal reposait sur la croyance qu'un gouvernement efficace peut garantir et pérenniser les fruits du succès économique. Que cela plaise ou non, les gouvernements n'y réussissent pas mieux que les individus.

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Commentaires 6
à écrit le 10/01/2012 à 17:48
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Notre système européen de solidarité n'a pas échoué ! il est menacé par la mondialisation du fait du dumping de certains pays et du chacun pour soi qui refuse aussi une certaine équité sociale ....

à écrit le 10/01/2012 à 17:46
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Le modèle US n'est pas très démocratique et injuste ! quand on est pauvre on renoncerait à des séances de radiothérapie par ex pour un cancer du sein et on en succomberait encore davantage ?

à écrit le 10/01/2012 à 14:05
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Déjà, si au lieu de taxer les revenus ou le patrimoine, l'état taxait à la place et de manière progressive la croissance du patrimoine (d'une année à l'autre) beaucoup des difficultés actuelles disparaitraient (Incitation à la consommation, égalité, ...

le 12/01/2012 à 9:27
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Taxer la croissance du capital, ça revient à taxer les revenus... qu'ils soient financiers ou du travail...

à écrit le 10/01/2012 à 13:25
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Tribune intéressante. Bien-sûr on reste sur sa faim parce que malgré tout on espère qu'1 modèle émerge, peut-être pas idéal mais tout au moins viable. L'une des raisons à mon sens des échecs des différents modèles (mais le sont-ils tant que ca?), es...

à écrit le 10/01/2012 à 13:25
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Une économie basée sur le financement islamiques c'est la solution car il n y a ni dettes ni intérêts.

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