Newt Gingrich va à l'essence du problème

Pierre Lemieux est professeur associé à l'université du Québec en Outaouais, auteur de « Une crise peut en cacher une autre » (Les Belles Lettres, 2010).
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Dans le programme que Newt Gingrich met de l'avant dans la course à l'investiture républicaine, tout n'est pas mauvais. On s'attend aussi à ce que, comme tout politicien digne de ce nom, il promette n'importe quoi pour être élu. Il le fait avec beaucoup d'enthousiasme.

Il promet de réduire le prix de l'essence à 2,50 dollars le gallon (un gallon équivaut à 3,8 litres), voire à 1,20 dollar, en comparaison de son prix actuel de 3,80 dollars en moyenne. Au pays de l'automobile, la promesse touche une corde sensible. Mais un chroniqueur du magazine américain Reason pose une bonne question : "Pourquoi Gingrich ne promet-il pas des glaces et des gâteaux gratuits pour tous, tous les jours, tant qu'à y être ?"

Le prix de l'essence dépend du prix du pétrole brut, qui représente les trois quarts de son coût. Or, le prix du brut est déterminé sur le marché international et le gouvernement des États-Unis y exerce peu d'influence.

Le génie de la promesse de M. Gingrich est qu'avec un peu de chance, elle se réalisera toute seule, du moins en partie. Une nouvelle récession ramènerait sans doute le prix de l'essence aux environs de 2,50 dollars. Et la résolution de quelques problèmes de production et de transport dans le monde de même que l'atténuation des risques au Moyen-Orient entraînerait éventuellement un résultat semblable.

Soyons justes envers M. Gingrich : il est vrai qu'alléger la réglementation sur le forage et le raffinage aurait un impact positif sur l'offre et pousserait les prix à la baisse (relativement à ce qu'ils auraient été autrement). Mais cet effet prendrait quelques années à se faire sentir, et ne réussirait pas nécessairement à compenser les autres pressions à la hausse. De plus, MM. Romney et Santorum, les deux candidats en tête, ont aussi, de manière plus impressionniste, il est vrai, promis une réduction du prix de l'essence. Ron Paul, le candidat qui traîne la queue, a résisté à la tentation : peut-être ceci explique-t-il cela.

Barack Obama lui-même a, fort justement, accusé Newt Gingrich de faire des promesses irréalistes.

M. Gingrich n'a pas grand-chose à perdre en promettant la lune. S'il est élu candidat républicain (ce qui est peu probable) et ensuite président des États-Unis, les électeurs lui en voudraient-ils pour une promesse non tenue quand, en 2016, il se représenterait pour un second mandat ? C'est peu probable. Il prétendrait qu'il a tenu une partie de sa promesse, et que le Congrès, la conjoncture économique ou la situation internationale l'ont empêché d'aller plus loin. Et la question se perdrait dans un nouveau panier électoral de mesures complexes comportant des conséquences touffues, lointaines et largement imprévisibles. Rationellement ignorant, l'électeur n'y verrait que du feu.

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