Sarkozy restera le leader des droites

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  1281  mots

Quinquennat oblige, le second tour de l'élection présidentielle détermine en fait l'ensemble des contours futurs de la scène politique française pour les 5 prochaines années. Nicolas Sarkozy a obtenu 48,3%. Il perd, mais gagne la bataille au sein des familles des droites. Contre Marine Le Pen, contre la tentative d'évasion d'une partie du centre et peut être même contre la sienne. Seul, il a livré la première bataille de la recomposition qui se prépare et qui s'achèvera dans la législative en mode proportionnelle en 2017.
Surtout, et quoi qu'il puisse se passer d'ici là, même s'il sort du jeu politique quotidien, s'il confirme son éloignement, il restera, qu'il le souhaite ou non, le leader des droites. Une figure tutélaire dont les citoyens raffolent. Un recours au moins imaginaire, même pour celles et ceux qui l'avaient détestés. Au grand dam des François Fillon, Jean-Pierre Raffarin et peut-être même Jean-François Copé et autres Alain Juppé ... et surtout de Marine Le Pen. Il est en train de réussir une sortie qui préfigure le lavage par les prochains mois des
scories négatives de son quinquennat.

Sarkozy restera dans le champ politique
Nicolas Sarkozy, n'en doutons pas, va choisir de rester dans le champ politique. Au delà des frontières limitées de l'UMP. Il ne fera pas du Jospin, ni même du VGE. Il ne fera pas du Schroeder, peut-être un peu de Blair, et encore davantage de Clinton. Certes il a été battu mais il a fédéré autour de sa candidature plusieurs millions d'électeurs, presqu'une moitié de France. Malgré une campagne désastreuse, ballotée, une campagne de riposte, trop courte, il est revenu de loin dans un contexte de bilan négatif et face à un front politique hétéroclite mais déterminé.
Le potentiel est là. Mais il doit trouver l'équilibre juste entre distance et engagement. Entre visibilité et mystère. C'est ce qu'aurait du faire dans la foulée de sa défaite, VGE en 1981.Ne pas s'effacer. Accepter le verdict des urnes républicaines, féliciter son vainqueur et promettre aux français une continuité. Le quinquennat est rapide comme le Monde digitalisé et globalisé loin de celui du septennat d'un autre siècle. Sarko sera même à terme, parions le, la personnalité politique préférée des Français.
A court terme, Nicolas Sarkozy a sauvé l'essentiel en résistant à la curée annoncée. L'UMP n'a pas explosé au soir de ce second tour. Car voici révélé un début d'échec de la stratégie du pire de Marine Le Pen qui visait à faire exploser la candidature de Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle avant de tenter de faire de même avec l'UMP à travers des triangulaires assassines. C'est donc un peu une défaite personnelle pour Marine Le Pen et c'est aussi l'aveu de faiblesse du Front National dans la capacité à fédérer seul l'expression d'une France qui s'oppose avant tout à la gauche et son projet sociétal davantage qu'à ses approches économiques. La recomposition imaginée par certains est repoussée aux législatives. Les 12,5% des inscrits ne priveront pas le FN de tout son potentiel de menace faute d'accord électoral. Nicolas Sarkozy parti, le choix reviendra à Jean-François Copé et aux autres leaders de l'UMP. Le FN n'a pas dit non même sans le demander. Marine Le Pen semble même tenter un discret baiser dans le cou de l'UMP. Les électeurs de l'UMP et ceux du FN respectivement pour 70 et 68 % d'entre eux l'attendent. La pression du terrain déjà très forte sera maximum dans l'approche de ce scrutin. Elle produira des effets quelle que soit l'attitude de l'état major de
l'UMP. Accord et l'UMP se divisera en 2 camps. Pas d'accord et les triangulaires provoqueront sa défaite certaine. Compliqué !

Une victoire teintée de flou pour Hollande

François Hollande peut observer tout cela depuis son QG de transition et bientôt depuis la hauteur de son bureau de l'Elysée. Il a obtenu un succès présidentiel réel et attendu mais cette victoire est teintée de flou. Il réalise un beau score mais loin de la victoire écrasante promise depuis des mois et qui devait se confirmer dans ce processus de soutien holistique au second tour, un véritable Front anti Sarkozy. Sa victoire en devient presque décevante. Surtout 55% des français qui se sont exprimés l'ont semble-t-il choisis pour barrer la route à Nicolas Sarkozy, 45% pour qu'il soit Président.
Il le sait, il ne peut s'afficher dans le rôle initialement prévu de sauveur de la France Anti Sarkozy et de leader d'une vague énorme de rejet. Il va devoir considérer cette presque moitié de France qui n'a pas voulu du retour de la gauche et de son projet pour la France et l'Europe.
Pas de vague donc mais pas d'attente illusoire non plus. Seulement 26% des Français pensent que ce sera mieux avec François Hollande. Il y aura moins de pression qu'en 2007 sur les épaules du nouveau Président. Il va pouvoir bâtir une autre relation, différente, plus normale. Il n'y aura pas vraiment d'Etat de grâce non plus. Les 100 premiers jours ne seront pas ceux de 1981. La crise est là. Presque vigilante ! Les ennemis déclarés de FH l'attendent déjà au prochain virage.
Avant les législatives, la première campagne décisive de François Hollande sera Européenne. La Grèce a viré extrême et Angela Merkel a perdu un Land de plus ! Le contexte bouge et ça n'est pas finis. Son agenda européen et international sera sa meilleure arme dans la campagne législative et pour orienter la future recomposition politique du pays s'il obtient des mouvements en phase avec ses annonces sur la stratégie de croissance et s'il confirme un nouveau positionnement au sein du G8 et surtout dans l'Otan et notamment s'il valide ses choix afghans annoncés durant la campagne.
La nomination du premier gouvernement de cette séquence intermédiaire sera aussi un élément fondateur d'un succès qui semble classique dans les enchaînements électoraux notamment depuis la mise en oeuvre du quinquennat.

La proportionnelle, arme de recomposition politique du pays
Ouverture aux centres, union des gauches, les 2 en même temps ? Quelle alliance législative avec un Front de Gauche qui sera aussi vigilant sur les mouvements européens et internationaux ? La balle est dans son camp. Il maîtrise l'agenda national et européen préparatoire à cette campagne et il peut en jouer aussi en direction de la géographie future des droites avant même d'introduire la proportionnelle qui finalisera la mise à jour de l'échiquier politique national.
Car au de là des résultats du second tour, au delà de ceux des futures législatives, le scrutin proportionnel sera l'arme principale de la recomposition politique du pays. Elle est entre les mains de François Hollande. L'UMP en sera l'otage, même en cas de victoire parlementaire future. Mais attention Mélenchon et le Front de gauche opposeront aussi la même équation au PS. Une pression latérale. Un soutien sans participation. La proportionnelle tant attendue propose toujours un poids réaffirmé des partis que le scrutin majoritaire affaiblit ou efface.
A vous de jouer Monsieur la Président !

Jean-Christophe Gallien est Conseil en communication d'influence
Professeur associé à Paris 1 La Sorbonne
Membre de la SEAP Society of European Affairs Professionals