"Projet de budget 2013 pour l'UE : trêve de tollés, place à l'honnêteté"

Janusz Lewandowski est commissaire européen en charge de la Programmation financière et du Budget.
Janusz Lewandowski /Copyright © European Union, 2012

Le lendemain de la présentation du projet de budget 2013 par la Commission, j'ai eu une conversation avec un couple de bons amis polonais à Varsovie. Autour d'un café, l'un d'entre eux me fit gentiment ce reproche: "Janusz, tu ne devrais pas demander une hausse de 7 % de votre budget alors que toute l'Europe est en crise, ce n'est pas une chose à faire..."

Il n'y avait là rien de surprenant ; à quelques rares exceptions près, tous les États membres de l'UE se débattent avec des mesures d'austérité douloureuses et impopulaires, aux répercussions profondes (après avoir vécu au dessus de leurs moyens pendant de trop nombreuses années), et il est à première vue pour le moins déroutant qu'une augmentation de 7 % du budget de l'UE soit demandée. Or, le problème réside précisément dans ces trois mots: "à première vue".

Bien sûr, nous savons tous que les choses sont rarement ce qu'elles ont l'air d'être "à première vue" ; si l'on voit un homme déverser dans la maison de quelqu'un des tonnes d'eau par les fenêtres, on pense de prime abord qu'il cherche délibérément à causer des dégâts, alors qu'il s'agit en réalité d'un pompier qui tente de sauver cette maison des flammes et peut-être aussi les personnes qui y sont prises au piège!

C'est la raison pour laquelle il faut que les États membres fassent preuve d'un minimum d'honnêteté, notamment à l'égard de leurs propres citoyens, en leur disant simplement la vérité à propos du budget de l'UE en général et du projet de budget 2013 en particulier.

Voyez-vous, les États membres savent pertinemment que la Commission a les mains liées, que le budget de l'UE est constitué à 80 % environ de paiements obligatoires et que l'augmentation en question n'est pas un choix délibéré de la Commission, mais la conséquence de décisions antérieures prises par les États membres eux-mêmes.

Ne tuez pas le messager!

L'honnêteté consisterait, pour les États membres, à expliquer à leurs citoyens que la plus forte hausse concerne la rubrique «Croissance durable» à laquelle sont affectés quelque 45 % du budget total de l'UE, et qu'elle tient essentiellement à des paiements relatifs à des projets choisis antérieurement par les États membres eux-mêmes! Pour le dire crûment, que penseriez-vous des dirigeants d'une entreprise qui s'en prennent à leur directeur financier lorsque ce dernier leur annonce que la facture de leur carte de crédit est arrivée et qu'il lui faut davantage d'argent pour régler leurs achats?

Le volume du budget annuel de l'UE est dicté par le cycle financier de 7 ans au cours duquel les États membres choisissent et lancent des projets tels que la construction de ponts ou d'autoroutes qui seront en partie financés par l'UE. Ce système fonctionne de telle sorte que les États membres assurent le paiement de la totalité du projet avant de demander à la Commission européenne de leur rembourser la partie qui est financée par l'UE.

Au cours des premières années de ce cycle, les demandes de remboursement parviennent à la Commission au compte-gouttes à mesure que les nouveaux projets démarrent peu à peu dans les 27 États membres ; en revanche, lorsque la fin du cycle financier approche (2013 sera la dernière année du cycle en cours), les projets s'achèvent par milliers à travers l'Europe, ce qui ne laisse pas d'autre choix à la Commission que de demander une augmentation du budget de l'UE.

Ajoutez à cela quelque 35 % de paiements directs en faveur des agriculteurs dans toute l'Europe, et vous comprendrez que la Commission n'a pas de marge de man?uvre à l'égard de 80 % environ des paiements prévus dans le budget de l'UE!

Il ne faut pas être un génie des mathématiques pour comprendre que des économies réalisées sur les quelque 15 % restants du budget ne compenseront jamais une hausse mécanique qui touche plus de 80 % du budget.

Tous les États membres sont convenus de la nécessité d'établir de nouvelles instances de l'UE pour surveiller les finances, les banques et les pensions. D'accord, elles sont effectivement nécessaires, mais il leur faudra du personnel, des bureaux et des équipements pour fonctionner! Les États membres sont également convenus que l'UE avait besoin d'un Service pour l'action extérieure, mais celui ci est encore essentiellement en cours de constitution. Les États membres sont convenus que la Cour de justice de l'Union avait besoin de 12 juges supplémentaires pour accélérer ses travaux, et ainsi de suite.

En bref, les États membres veulent de nouveaux outils, mais refusent de les financer. Surprenant, n'est-ce pas? Pire encore, certains déclarent publiquement que les «demandes de Bruxelles» visant à augmenter les dépenses administratives sont «incompréhensibles». Sans doute un cas d'amnésie auto-induite...

Ces mêmes États membres oublient également que le budget de l'UE est actuellement inférieur de 66 milliards d'euros au plafond de dépenses fixé par eux pour la période financière 2007-2013. De même, ils oublient que le budget de l'UE ne représente que 1 % des RNB cumulés des États membres, et que ce pourcentage de leur richesse, si faible soit-il, apporte d'immenses avantages financiers liés par exemple au marché intérieur, aux subventions accordées aux PME, etc. Ici encore, c'est l'amnésie...

Pour la croissance et l'emploi

Comme la collaboration entre chercheurs de divers pays permet d'éviter les travaux parallèles et de réaliser des économies d'échelle, le projet de budget 2013 demande une augmentation de 28 % pour le programme cadre de recherche ; puisque les entreprises européennes ont besoin de pouvoir transporter rapidement des marchandises dans toute l'Europe, notre projet de budget prévoit une augmentation de 10 % dans le domaine des infrastructures, ainsi qu'une hausse de 7 % pour les mesures axées sur la compétitivité et l'innovation.

N'oubliez pas que ces augmentations correspondent à des projets de l'UE déjà réalisés ou sur le point d'être achevés; cela signifie que des chercheurs, des scientifiques et des entreprises privées européennes utilisent pleinement le budget de l'UE!

Le budget de l'UE profite à ses bénéficiaires: les États membres, 500 millions d'Européens, quelque 100.000 autorités locales et régionales, ainsi que des dizaines de milliers d'entreprises. Ne l'oublions pas.
 

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Commentaires 6
à écrit le 21/05/2012 à 12:45
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@Espinassons : s'il vous plait, ne racontez pas n'importe quoi, le pont sud de riga est en service depuis 2008, ce n'est pas un pont dans le vide comme vous le sous-entendez.... Pour ce qui est des fonctionnaires ou politiques européens, ils ne so...

à écrit le 18/05/2012 à 17:05
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Et si on retournait à la source du problème, à savoir une dette privée "transformée" end dette publique, et demandions des comptes aux vrais responsables? Oups, désolé si ceci est tabou dans notre jolie presse que ceux-ci dirigent

à écrit le 17/05/2012 à 10:47
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Tout cela est bien beau... en théorie. La réalité est que l'argent perçu comme "venant de l'Europe" est dépensé à tort et à travers, comme le pont de Riga, le plus cher du monde au mètre linéaire, qui n'aboutit à rien car les fonds ont manqué pour fa...

à écrit le 17/05/2012 à 9:59
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Faut il tous ces traducteurs, tous ces ors? Et surtout autant de parlementaires pour un travail qui ne justifie pas cet effort en temps de crise

à écrit le 16/05/2012 à 17:35
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avant de demander une augmentation ils doivent pourtant faire du ménage dans leur institution .regarder les priviléges des élus et des salaries de bruxelles,les demenagement tous les six mois ,les trois présidents ,etc etc

le 16/05/2012 à 19:19
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Franchement, ce qu'ils savent le mieux faire à l'UE, c'est parler !!!

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