L'Afrique s'est éveillée

Alexandre Kateb est économiste et directeur du cabinet Compétence Finance. Il est l'auteur de "Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde" (Ellipses, 2011).
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L'Afrique a toujours suscité des passions à la mesure de son immensité, de ses paysages grandioses et de la diversité de ses peuples et civilisations. Saignée par l'esclavage et la colonisation, et traversée de grandes fièvres idéologiques, l'Afrique est encore associée dans l'imaginaire occidental aux conflits - civils ou interétatiques -, à la corruption des élites économiques et politiques, aux famines, et aux pandémies telles le VIH. L'Afrique a longtemps était vue comme un « grand corps malade », livré au bon soin des ONG occidentales alors même que, dans le même temps, des multinationales sans scrupules ne se gênaient pas pour piller le continent de ses ressources naturelles. Mais cette vision est historiquement datée. Le continent a connu plus de transformations au cours des dix dernières années qu'il n'en a connu au cours des quarante premières années qui ont suivi les indépendances.

Il y a eu l'arrivée des Chinois bien sûr ou plutôt un regain d'intérêt de la Chine pour le continent africain, pour des raisons essentiellement d'ordre économique, contrairement à la teneur idéologique des premiers partenariats, il y a quarante ans, lorsque le Premier ministre Zhou Enlai sillonnait le continent africain pour engranger les soutiens diplomatiques,afin de rompre l'isolement international de la jeune République Populaire de Chine. Beaucoup a été dit sur le caractère néo-impérial ou néocolonial de ces nouvelles relations sino-africaines : échange de matières premières africaines contre des produits manufacturés chinois "lowcost", assorti de la livraison d'infrastructures « clés en main » (autoroutes, ports, hôpitaux, etc.), construites par des sociétés chinoises avec une main d'?uvre chinoise.

Certes, ce genre de pratiques a pu exister et existe encore, mais les Africains ne sont pas dupes. Ils demandent aujourd'hui de plus en plus à leurs partenaires chinois des transferts de technologie, une indigénisation de la main d'?uvre employée sur les chantiers, et une aide au développement d'industries manufacturières créatrices d'emplois, sous la forme de joint-ventures sino-africaines dans l'agroalimentaire ou le textile, comme c'est le cas en Ethiopie, en Zambie, en Angola et dans d'autres pays du continent.

En outre, ce serait une erreur d'attribuer la dynamique nouvelle du continent africain uniquement à la Chine et à son appétit de matières premières. Les Africains eux-mêmes se sont saisis de leur destin et ont décidé d'accélérer l'intégration économique et politique à l'échelle du continent. L'Afrique du Sud post-apartheid a joué un rôle moteur dans cette prise de conscience que « l'Afrique appartenait aux Africains ». Le NEPAD lancé en 2001 par le président sud-africain Thabo Mbeki avec le soutien du Secrétaire Général des Nations Unies de l'époque, le Ghanéen Kofi Annan, reflète les ambitions de puissance régionale de la nation « arc-en-ciel ».

L'Afrique du Sud a également joué un rôle déterminant dans la création en 2003 de l'Union Africaine (UA), sur la base de la vieille Organisation de l'Unité Africaine (OUA) créée en 1963 dont le rôle avait été jusque là desplus limités. L'UA s'est affirmée comme une enceinte de discussion et de résolution des problèmes sécuritaires régionaux, mais aussi d'élaboration d'une position africaine commune sur les grands enjeux mondiaux. Des pays comme le Nigéria, l'Angola, voire l'Ethiopie, aspirent également à jouer un rôle de leader régional. Ainsi, Addis Abeba, moins bien dotée en ressources naturelles que ses rivales, a réussi à entretenir une croissance à la chinoise au cours des dix dernières années, ce qui s'est traduit par un triplement du PIB et une amélioration sensible des indicateurs éducatifs et sanitaires.

Beaucoup reste à faire : un Africain sur deux vit encore sous le seul de pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour), les pandémies et les maladies infectieuses continuent de faire des ravages au sein des populations, l'accès à l'eau potable et à l'énergie reste limité, et les pratiques de corruption et de clientélisme sont encore profondément ancrées dans les m?urs. Mais on constate aussi des améliorations : le nombre de séropositifs bénéficiant de trithérapies a fortement augmenté, les situations de conflits ouverts sont circonscrites à certaines zones (Corne de l'Afrique, delta du Niger, Sahel), et on observe une consolidation de la démocratie dans des pays comme le Sénégal, le Ghana et la Côte d'Ivoire, ainsi qu'une diffusion de bonnes pratiques en matière de gouvernance économique au Gabon, au Kenya ou en Tanzanie. En outre, la pénétration stupéfiante des nouvelles technologies telles que la téléphonie mobile permet de compenser certains handicaps du continent (dispersion des populations) et de combler le fossé numérique avec le reste du monde.

Dans ce contexte, les signes d'intérêt pour le continent se multiplient. Et pas seulement de la part des Chinois. Les investisseurs étrangers affluent, attirés par un marché d'un milliard d'habitants dont la population pourrait doubler à l'horizon 2050. Cette année, l'Assemblée annuelle de la Banque Africaine du Développement (BAD), qui se tient du 28 mai au 1er juin à Arusha en Tanzanie, a pour thème : « L'Afrique dans la nouvelle donne émergente mondiale ». L'accent est résolument mis sur la croissance et l'investissement. L'Afrique ne se considère plus comme un problème mais comme une solution à la crise mondiale.

Richard Attias, l'ancien grand ordonnateur du Forum de Davos, qui aime à rappeler ses origines africaines, ne s'y est pas trompé en organisant du 8 au 10 juin à Libreville au Gabon, le New York Forum Africa, un sommet panafricain réunissant responsables politiques, chefs d'entreprises, investisseurs, experts et représentants de la société civile. Qu'ils soient fondés sur des initiatives publiques ou privées, ces forums qui se multiplient attirent l'attention du monde sur une région en pleine transformation, et montrent à ceux qui en doutaient que l'Afrique s'est bien éveillée !

 

Retrouvez le blog d'Alexandre Kateb, "Nouveaux mondes, nouvelles puissances".

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Commentaires 18
à écrit le 11/06/2012 à 10:28
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Et qu'exportent-ils donc d'autre que des matières premières?

à écrit le 30/05/2012 à 21:17
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La dernière étude d'un grand cabinet des Big 4 allait dans le même sens; si l'Afrique n'est pas encore un continent "socialement développé", le continent commence à présenter des vraies opportunités économiques. Les investissements en infrastructure ...

à écrit le 30/05/2012 à 17:22
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Ce n'est pas le premier articile de désinformation sur ce thème !!! Où alors l'auteur prend-il ses désirs pour des réalités ?

à écrit le 30/05/2012 à 15:46
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M. Alexandre Kateb, l'Afrique n'est pas juste une série de chiffres de 4 ou 5 pays. Votre article est très très éloigné de la réalité, peut-être que dans 15 ans il semblera un peu moins sorti "d'une dimension parallèle". Je vous invite à regarder ce ...

à écrit le 30/05/2012 à 15:15
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"L'Afrique a longtemps était vue..." ->"L'Afrique a longtemps été vue..."

à écrit le 30/05/2012 à 13:33
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L'Afrique s'est eveillee. Tout le monde en reve, la realite est sans doute plus cruelle. Les signes positifs sont reels, mais les vieux demons encore bien presents. Chacun peut en donner son interpretation, son opinion, aux autres d'en juger la porte...

à écrit le 30/05/2012 à 11:29
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Un économiste ou un humoriste ? Des faits : 3% du PIB mondial, sans changement depuis 50 ans. Une démographie suicidaire. 50% des conflits de la planète. Juste sous perfusion des ONG. Bien sûr, les responsabilités ne sont pas toutes africaines, mais ...

à écrit le 30/05/2012 à 9:11
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Oui le PIB du Mali va rattrapper celui de la Chine, il faudra parler de BRICSM.

le 30/05/2012 à 11:12
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A condition que ce pays conserve son unité et qu'il ne soit pas miné par l'activisme des « fous de Dieu » en armes.

le 30/05/2012 à 11:40
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gnié??? le PIB du Mali rattraper celui de la Chine????? C est cynique?

à écrit le 29/05/2012 à 23:47
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Cette analyse pleine de bon sens économique, ne traite pas d'un phénomène croissant et continu que l'on observe depuis quelques année. La radicalisation religieuse de certains groupes dans des pays comme le Nigeria, le Mali, la Mauritanie, le Soudan,...

à écrit le 29/05/2012 à 20:38
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L'afrique a longtemps été vue et non était vue !

à écrit le 29/05/2012 à 13:56
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Il s'agit d'un point de vu Capitaliste. Tout va bien pour les entrepreneurs pour exploiter le pays. Le reste, les gens, la misère, tout ça.... on s'en fout. On est dans le gavage de l'andouille, et y a que ça qui compte.

à écrit le 29/05/2012 à 13:49
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+1 Il s'avère que la situation au Nigéria s'aggrave de plus en plus. La criminalité explose ! Nos partenaires (Noir de peau) à Lagos sont obligés de se déplacer avec une milice à cause du surnombre d'attaques et de kidnapping. Le PIB monte mais la s...

le 29/05/2012 à 20:00
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Tu n'as surtout pas de leçon à donner. Pauvre petit frustré. Tu te tais si tu ne connais pas la réalité. Tu ne vois l'Afrique et les africains qu'à la Télé. Ton commentaire est merdique!!!!

à écrit le 29/05/2012 à 12:20
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Franchement cet article me laisse dubitatif.Ce n est pas du tout le ressentit des populations .J ai des clients originaires du Mali, Cote D'Ivoire ,Sénégal, Congo ...tous sont unanimes : ça va de plus en plus mal Que penser de l attitude des chinois ...

le 29/05/2012 à 20:02
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vs vs défoulez

le 30/05/2012 à 11:41
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c est un peu court Warum si vous avez des contre arguments donnez les Moi je vous ce que me disent des gens qui vivent ou qui vont réguliérement dans ces pays

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