Vers une aggravation de la crise boursière

Par Jean-Yves Lefevre, chargé de Cours à l'université Paris-dauphine, dirigeant du Cabinet Lefevre et associés  |   |  1046  mots
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Pourquoi faut-il craindre une aggravation de la crise financière et donc boursière ? Pour répondre à cette question, il faut remonter au « tsunami boursier » de l'année 2008, où près de la moitié de la richesse mondiale capitalisée sur les marchés d'actions a été détruite. Et voir ce qui a changé...

Il est désormais unanimement admis que cette crise majeure a été la résultante de l'utilisation abusive des effets de levier en matière d'investissement, depuis trente ans. En fait, après les Trente Glorieuses d'après guerre, il y a eu encore trente années de croissance, mais celles-ci ont été principalement financées à crédit. Ce recours au crédit a été généralisé et excessif pour tous les acteurs :- les ménages (aux États-Unis on a même prêté à des ménages que l'on savait insolvables) ;- les entreprises (dans les pays anglo-saxons toujours, avec la pratique de l'OBO - Owner Buy Out -qui consiste pour une entreprise à emprunter l'équivalent de sa valeur, afin d'investir puissamment sur les marchés notamment) ;- les banques, qui ont considérablement développé leurs propres investissements à crédit et la pratique des ventes à découvert sur les marchés financiers ;- Les États, qui recourent à l'emprunt (par l'émission d'obligations) non plus pour investir, mais pour fonctionner ou parfois seulement pour payer leurs dettes.
Or, le crédit consiste à prendre immédiatement la richesse de demain (en anticipant sur des revenus futurs). Évidemment, si ces recettes futures ne se fabriquent pas, c'est la panique !

2008, année de la panique et de la récession

C'est exactement ce qu'il s'est passé en 2008. L'économie mondiale a connu un moment de récession - moment de respiration normal dans une économie de marché. Sauf que la puissance de la récession face à l'importance de l'endettement a généré une panique : la peur du spectre de la crise de 1929. Cette panique, par un flux de ventes généralisées, a entraîné une baisse considérable des cours (de 50 % en moyenne), générant le désastre boursier que nous avons connu partout dans le monde. Nous avons alors redécouvert que les établissements financiers (les banques et les compagnies d'assurances) pouvaient faire faillite comme toute entreprise et que notre économie financiarisée à outrance était en fin de compte devenue très fragile et systémique (c'est-à-dire qu'un établissement ou un État qui fait défaut peut entraîner les autres). Nous avons donc aussi redécouvert que les États pouvaient se retrouver en difficulté, voire en faillite.
Pour y voir plus clair sur la situation d'aujourd'hui, nous pouvons faire l'état des lieux de ce qui a été fait depuis 2008 dans le but de lutter contre les dysfonctionnements d'un système économique et financier dont on perdait le contrôle, car c'est bien de cela dont il s'agit : la perte de contrôle.
Dès 2008, il a été mis en place des relations très coopératives entre les banques centrales et le système financier. En d'autres termes, la Réserve fédérale des États-Unis (FED) et la Banque centrale européenne (BCE) ont injecté des milliards de liquidités en prêtant aux banques à des taux proches de zéro. Une bonne partie de cet argent fabriqué de toutes pièces (en somme, une masse monétaire sans fondement puisque sans richesse en contrepartie) a été replacée sur les marchés financiers, d'où la remontée des cours.
En Europe, la scission entre les banques de crédit et celles d'investissement est en cours pour éviter les abus d'hier. Aux États-Unis, non ! La récession qui dure en Europe ne nous aide pas à résorber l'endettement des États membres (qui a doublé entre 2008 et 2012). Donc des politiques d'austérité ont été mises en place (salaires bloqués ou diminués, augmentation de la pression fiscale...).

L'illusion du redressement des Etats-Unis

Aux États-Unis, en apparence, la situation serait meilleure, avec des indices économiques encourageants. Mais en réalité, l'endettement fédéral a doublé depuis 2008 (15 milliards de dollars) ; le chômage aussi, plongeant un tiers de la population en dessous du seuil de pauvreté ; l'immobilier ancien (qui a été le déclencheur de la crise avec les « subprimes ») n'arrive toujours pas à s'écouler ; et malgré la baisse du dollar de 30 %, la balance commerciale américaine atteint un niveau de déficit historiquement haut.
On constate, avec cet inventaire, que les mesures qui ont été prises sont en réalité « des interventions de pompiers » certainement nécessaires, mais les mesures qui viendraient embellir l'avenir n'ont pas été mises en place. Ainsi, même si notre système de croissance et de développement d'hier (fondé sur le crédit) ne fonctionne plus, en cinq ans, nous avons doublé l'endettement étatique, sans mettre en place les réformes nécessaires.
L'Europe perdure ainsi dans sa crise d'adolescence et, pire encore, l'illusion du redressement des États-Unis va bientôt s'effondrer sous le poids de sa dette et des dollars artificiels (ceux mis sur le marché par milliards, sans vraie richesse en contrepartie). Pourtant les cours du Dow Jones sont revenus à ceux d'avant la crise, un peu comme si tout était rentré dans l'ordre, tandis que l'on observe que les cours des valeurs européennes sont, eux, restés à -30 % en moyenne.

Prendre des mesures pour préserver son patrimoine...

En Europe et aussi dans le monde anglo-saxon, la situation porte en elle une forte probabilité de faillites bancaires et aussi de compagnies d'assurance. Ce phénomène a déjà commencé en 2011 et pourrait bien s'accélérer dès cette année avec comme toile de fond, d'une part, la crise des dettes souveraines qui impacte massivement les établissements financiers et, d'autre part, la désillusion qui viendra des États-Unis dans les prochains mois, avec son cortège de banques en difficulté.
Dans un tel contexte de risque, il s'avère certainement prudent de prendre des mesures pour préserver son patrimoine, en bon père de famille. Il ne faut pas hésiter à protéger ses portefeuilles de valeurs mobilières et plus généralement tous ses actifs financiers afin de pouvoir mieux rebondir en sortie de crise et saisir des opportunités qui ne manqueront pas de se présenter.
En attendant, il faut bien choisir ses banques, ses compagnies d'assurance et privilégier les solutions d'investissement patrimonial sécurisé par des établissements dont on peut valider la solvabilité.

Capitalisation boursière en millions de dollars
1995 17000
2003 31000
2007 50000
2008 27000
2011 47000