Pour une transparence accrue des frais de gestion des OPCVM

Dans un souci d'améliorer l'information financière des fonds d'investissement (ou OPCVM) en direction des particuliers, l'Autorité des marchés financiers (AMF) impose désormais aux sociétés de gestion la communication du Document d'informations clés pour l'investisseur (DICI) qui comporte « de façon claire et synthétique les informations essentielles sur l'OPCVM » (AMF) et est remis à l'investisseur avant toute souscription. D'un format recto verso, il remplace l'ancien prospectus qui ne discriminait pas suffisamment entre les informations essentielles et les considérations techniques.
Alexis Direr, laboratoire d'Economie d'Orléans et Ecole d'Economie de Paris

Une des principales avancées du DICI est une présentation améliorée des frais de gestion qui comptabilisent les frais courants effectivement prélevés par le gestionnaire rapportés à l'actif et remplacent les frais maximums de l'ancien prospectus.

Ces progrès dans la comptabilisation des frais des OPCVM ne règlent pas la question des frais des fonds de fonds. Alors qu'un nombre croissant d'OPCVM achète des parts d'autres OPCVM, les frais indiqués dans le DICI sous-estiment les frais totaux prélevés en ne comptabilisant que les frais du premier fonds. Les frais sont pourtant une donnée essentielle pour l'investisseur qui souhaite sélectionner les meilleurs fonds. La politique d'investissement des gérants étant confidentielle, il n'est pas possible de remonter jusqu'aux frais prélevés par les fonds sélectionnés. Prenons l'exemple concret du fonds « V. actions » géré et commercialisé par une banque bénéficiant d'un réseau de guichets parmi les plus importants de France. La lecture du prospectus montre que cet OPCVM est un fonds de fonds interne et qu'il investit dans les autres OPCVM de la banque. La présentation des frais est trompeuse puisqu'au 1,2 % de frais de gestion prélevés par le fonds, il faut ajouter à peu près le même taux prélevé par les « OPCVM maison » dans lesquels le fonds investit, soit un total estimé de 2,4 % (sans compter les frais de gestion du contrat d'assurance vie dans lequel le fonds est logé). Un investisseur individuel peut certes tenter de juger de la qualité des fonds sur la base du rendement net historique mais d'une part les rentabilités passées sont souvent présentées sur des durées trop courtes pour être véritablement appréciées (de 1 à 5 ans) et d'autre part les fluctuations importantes des rendements des marchés financiers peuvent masquer la sous-performance provenant du poids excessif des frais.

Cette opacité est parfois exploitée par la société de gestion ou le distributeur pour maximiser les frais des contrats. Pour reprendre l'exemple précédent, ce même fonds est commercialisé en tant qu'unique support de l'offre d'unités de compte d'un contrat d'assurance vie commercialisé par cette même banque et qui cible les petits épargnants peu sensibilisés à l'importance des frais. Les détenteurs de ce contrat souhaitant investir une partie de leur épargne en unités de compte sont de fait contraints d'acquérir cet OPCVM dont les frais de gestion complets sont pourtant particulièrement élevés. La rentabilité passée du fonds est ainsi très faible : alors que le fonds est plus risqué que son indice de référence (ce qui contredit dans le cas présent l'idée répandue que les fonds de fonds ont l'avantage d'être mieux diversifiés), le rendement cumulé sur trois ans est inférieur à ce même indice de 8,5 points de pourcentage (sources Quantalys).

V. Sandhya, économiste à l'Université de Géorgie analyse dans un article récent (« Agency Cost in Target Date Funds ») le rendement et la composition des fonds vendus aux Etats-Unis. Elle montre que les sociétés de gestion utilisent les fonds de fonds pour rediriger l'épargne vers des fonds gérés par leur propre société dont les frais de gestion sont élevés et les rendements passés (corrigés du risque) faibles. Cette étude montre clairement comment une défaillance d'information sur les frais combinée à un manque d'attention des épargnants conduit à l'extraction d'une rente par la société de gestion.

Ce défaut d'information pourrait être partiellement comblé sur le plan réglementaire en demandant aux sociétés de gestion qu'elles publient dans le Document d'information deux informations supplémentaires constatées sur l'exercice : la fraction moyenne de l'actif sous gestion investie dans d'autres OPCVM et les frais de gestion moyens de ces OPCVM pondérés par les proportions investies. La première information permettrait de mieux identifier les fonds investissant dans d'autres fonds car si certains OPCVM sont ouvertement classés dans la catégorie des fonds de fonds, beaucoup d'autres investissent parfois des parts importantes de leur actif dans d'autres fonds sans être classés dans la catégorie des fonds de fonds. La seconde information permettrait de juger de la capacité du gérant à sélectionner des fonds qui ne soient pas excessivement chargés en frais. Enfin, le produit des deux indicateurs donnerait une approximation des frais de gestion moyens prélevés sur le rendement final du fonds, auxquels il faudrait ajouter les frais de gestion du fonds lui-même pour obtenir une estimation des frais de gestion complets. Cette exigence accrue de transparence ne remettrait pas en cause le caractère confidentiel de la politique d'investissement des gérants. Cela contraindrait les sociétés de gestion et inciterait les investisseurs individuels à porter une plus grande attention sur les frais de gestion pour un meilleur fonctionnement du marché financier.

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2013 à 9:41
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L'AMF a prévu ce cas dans l'élaboration du DICI mais la pratique montre que les gérants d'OPCVM ne sont pas pressés de s'y conformer. Plus d'un an après l'application du DICI, quels OPCVM "fonds de fonds" indique les informations sur ses participatio...

à écrit le 10/07/2012 à 11:42
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Il semble que l?auteur de cet article n?est pas bien lu la réglementation. En effet je vous invite à aller sur le site de l?AMF de trouver l?instruction 2011-19 et particulièrement l?article 31-3 qui traite des 2 manquements soit disant du DICI. Ains...

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