Zlatan Ibrahimovic au PSG... ou la perpétuelle stratégie d'un football sans frontières

Depuis l'arrivée du qatari Nasser el-Khelaïfi à la présidence du PSG, l'objectif est clair : hisser le club de la capitale parmi les grands d'Europe. Pour y arriver, le président n'hésite pas, avec l'aide de son directeur sportif Léonardo (Brésil), à recruter quelques des plus grandes stars étrangères du ballon rond, au prix fort.
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L'internationalisation du PSG a débuté lors de l'été 2011 avec le transfert de Javier Pastore (Argentine) et a été amplifié lors de l'hiver 2012 avec l'arrivée du technicien Carlo Ancelotti (Italie) au poste d'entraîneur et le vrai-faux transfert de David Beckham (Angleterre). L'été 2012 est celui de tous les records avec l'arrivée au PSG du géant Zlatan Ibrahimovic (Suède), considéré comme l'un des meilleurs attaquants au monde, quelques jours seulement après celles du défenseur Thiago Silva (Brésil) er de l'attaquant Ezequiel Lavezzi (Argentine). Le club parisien imite ainsi la légendaire politique des « Galactiques » du Réal Madrid CF initiée par le Président Florent Perez, et aussi celle menée en Angleterre par Chelsea FC et Roman Abramovitch (Russie), ou encore celle récente de Manchester City.

Les meilleurs avec les meilleurs

Le recrutement de stars étrangères n'est pas nouveau, même à une période où la présence des joueurs étrangers était limitée dans les clubs en raison des « quotas ». Les meilleurs ont toujours été avec les meilleurs. Marcel Desailly, un des plus grands joueurs de l'histoire de l'équipe de France de football, n'hésite pas à affirmer dans la préface de notre ouvrage « Le Sport et l'Europe - les règles du jeu » : « j'ai joué au Milan AC. C'est peut-être ma plus belle expérience de footballeur. C'est sans doute en Italie que j'ai le plus progressé car j'ai côtoyé ce qui se faisait le mieux au monde ». Si nous consultons la prestigieuse histoire des clubs, leur légende s'est bâtie grâce aux exploits de leurs joueurs étrangers : Alfredo Di Stefano (Argentine), Ferenc Puskas (Hongrie), Raymond Kopa (France) au Réal Madrid, Johan Cruyff (Hollande) au FC Barcelone,... Dans les années 1980-1990, les présidents du Milan AC et de l'OM n'hésitaient pas à recruter les meilleurs étrangers. Si le trio néerlandais Frank Rijkaard - Marco Van Basten - Ruud Gullit a fait les beaux jours du Milan AC, l'OM avait acheté au prix fort Chris Waddle (Angleterre) et embauché Rudi Völler, Champion du Monde avec l'Allemagne. Le club phocéen qui avait recruté comme entraîneurs le célèbre « Kaizer » Franz Beckenbauer (Allemagne), un des deux seuls à avoir gagné la Coupe du Monde comme joueur et entraîneur, et « Raymond la Science » Goethals (Belgique), souhaitait même recruter le prodige Diego Maradona !

L'Union européenne a modifié les règles de recrutement

La construction européenne, par ses aspects économiques, a bouleversé le paysage sportif et accéléré l'internationalisation de la composition des équipes européennes. Les arrêts Bosman de 1995 (liberté de circulation des travailleurs communautaires posée par le Traité de Rome) et Malaja de 2002 (interdiction de la discrimination en raison de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail posée par les accords européens) ont permis aux clubs de « s'engouffrer » dans la voie de la mondialisation. C'est ainsi que des clubs anglais et italien ont débuté des matches avec une équipe composée de 100% de joueurs étrangers : Chelsea FC en 1999, Arsenal et l'Inter Milan en 2005. De même, l'Inter Milan, vainqueur en 2010 de la Champions League a remporté la finale avec 92,85% de joueurs étrangers et le seul joueur italien est entré sur le terrain à une minute de la fin ! L'étude Légisport « Sport et Nationalités » (9ème édition, Décembre 2011) démontre que grâce à la construction de l'Union européenne, un club peut jouer avec exclusivement des joueurs non-nationaux, ce qui n'était pas possible avant en raison de l'application des « quotas ». Nous comprenons mieux la phrase prophétique de Jean Monnet, un des pères fondateurs de l'Europe : « nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes ». Oui, le sport est précurseur du brassage et de la rencontre des hommes.

Et le fair-play financier ?

Même s'il est toujours difficile de prédire l'avenir, le fair-play financier ne concerne pas, à première vue, la limitation des transferts des joueurs mais plutôt l'assainissement des finances des clubs en raison de leur endettement. La loi française du 2 Février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport veut favoriser l'équité sportive, la pérennité des compétitions en évitant l'explosion de la masse salariale (souvent contractée par l'achat à prix d'or de stars étrangères) et l'endettement catastrophique des clubs.

Les mesures de fair-play financier pourront aboutir à une réduction des mouvements des joueurs mais favoriseront, comme par le passé, les clubs les plus riches. Mais le talent d'exception repousse, par définition, les limites de la pratique normale des prix. Lorsque nous commencions à nous intéresser au football, le transfert le plus cher était celui de Diego Maradona (Argentine) à Naples, aujourd'hui c'est Cristiano Ronaldo (Portugal) au Réal Madrid. Imaginons si le prodige Lionel Messi (Argentine), triple Ballon d'or quitte le Barça... Le talent n'a pas de prix. Les appétits existent toujours, l'exemple du Qatar en est la parfaite illustration.

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Maître Michel Pautot est docteur en droit, avocat au barreau de Marseille, à l'origine de l'arrêt Malaja. Il est l'auteur de l'ouvrage « Le Sport et l'Europe - les règles du jeu » (Presses Universitaires du sport, Ed. Territorial) et de l'étude annuelle Légisport « Sport et Nationalités »

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Commentaires 2
à écrit le 17/08/2012 à 10:56
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Entièrement d'accord avec Local, rendez vous dans quelques mois.

à écrit le 08/08/2012 à 3:23
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Voici un club totalement etranger et qui va échouer comme échoue l 'idéologie libérale européenne, souvent confondante de naïveté. L'argent qatari ne remplacera pas l'esprit sportif. une équipe repose sur une conception de jeu et la formation...

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