Sortie de crise : bons baisers d'Islande

Alors que la région la plus riche du monde, l'Europe, ne parvient pas à en finir avec la crise économique arrivée des Etats Unis en 2008, il est intéressant de rappeler qu'une île, peuplée de 320 000 habitants, perdue sur le cercle polaire arctique, sans industrie ni agriculture puissante, a été le premier pays européen touché et pourtant celui qui s'en est sorti le mieux. Il s'agit bien sûr de l'Islande.
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Faisons préalablement un bref rappel historique pour analyser ensuite ce « miracle islandais », et les leçons que l?on peut en tirer pour la zone euro.

 

Commençons par décrire la structure de son économie avant l?arrivée de la crise. L?Islande avait misé sur le secteur bancaire et des politiques d?inspirations néolibérales qui lui ont assuré un fort développement économique et une élévation du niveau de vie. Mais cette évolution est en fait virtuelle car ce secteur financier demeure hypertrophié en comparaison de l?économie réelle. La croissance économique ne repose alors sur rien de concret mais uniquement sur des capitaux investis par des étrangers dans ce que l?on considère comme un nouvel El Dorado financier.

C?est pourquoi, en 2008, lorsque la crise financière américaine devient contagieuse, le pays est très durement frappé. Rapidement, les trois principales banques du pays (Kaupthing, Landsbanki et Glitnir) furent incapables d?y faire face, n?ayant pas conservé suffisamment de fonds propres par rapport aux montants colossaux de leurs prêts (équivalents à 11 fois le PIB de l?Islande !)

 

Mais « l?exception islandaise » est caractérisée par un comportement unique en Europe qui consiste purement et simplement à laisser couler les banques, considérant que ce sont des organismes privés et que le contribuable islandais n?a pas à payer les dettes des banquiers à leur place. Ce sont les actionnaires, majoritairement étrangers, qui ont dû supporter les pertes des banques, tandis que les dépôts islandais ont été garantis par l?Etat.

L?Etat a ensuite nationalisé les banques (ce qui lui a coûté tout de même 80% de son PIB), tout en dévaluant la couronne islandaise de 60% de sa valeur en six mois. Les ménages qui avaient contracté des prêts immobiliers en masse, dont les taux d?intérêt étaient indexés sur la valeur de la livre sterling ou de l?euro, ont vu leurs mensualités exploser. Le système entier s?est alors grippé et l?Etat islandais est entré en faillite.

Cependant, très vite, le FMI, la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et l?Allemagne ont débloqué un prêt de près de 8 milliards de dollars en contrepartie d?une cure d?austérité pour un assainissement des finances publiques islandaises.

Le gouvernement, alors de couleur sociale-démocrate, a su rester fidèle au principe de différence de John Rawls, qui demande à ce qu?on vienne en aide en premier aux plus démunis d?une société. En effet, l?Etat a par exemple trouvé la force de rallonger la durée du versement des allocations chômage de 3 à 4 ans. La mise en place en parallèles des efforts de rigueur et de la dévaluation compétitive de la couronne islandaise, ont permis à la balance commerciale de redevenir excédentaire et à la croissance économique de revenir. En revanche, si l?Etat a garanti les dépôts islandais, il ne l?a pas fait pour les avoirs étrangers. Ce qui a donné lieu à l?affaire « Icesave ».

 

Cette affaire a démontré le courage des citoyens islandais qui ont refusé à 93% au cours d?un référendum de rembourser à la place des banquiers les déposants britanniques et néerlandais d?Icesave, filiale de Landsbanki. Après de fortes tensions entre les Etats concernés, le gouvernement islandais parvient à recapitaliser et à reprivatiser les banques de l?île, qui ont ainsi pu commencer à rembourser elles-mêmes leurs déposants à partir de décembre dernier.

L?Etat islandais aura ainsi tenu tête aux marchés et aux pressions internationales à la fois. Le résultat est sans appel. La croissance islandaise pour 2012 est prévu à 3%, lorsque la croissance dans la zone euro est de -0,3%. Son taux de chômage a perdu un point entre 2011 et 2012, lorsque celui de la zone euro continue de grimper. Son déficit public va même passer sous la barre des 3% du PIB. Enfin, l?Etat a réussi à rembourser en avance une partie de sa dette !

Les financiers responsables de l?effondrement du système financier islandais ont pour la plupart été rattrapés par la justice islandaise, même hors du territoire national, apportant encore une dimension morale et juste à cette sortie de crise, décidément bien originale.

 

Certes, ce modèle de sortie de crise n?est pas transposable à la zone euro, à cause de l?importance des banques européennes dont la faillite serait dévastatrice pour l?économie mondiale. Certes, les institutions européennes nous interdisent de dévaluer la monnaie unique et de faire jouer à notre banque centrale le rôle de prêteur en dernier ressort. Mais force est de constater que ce furent pourtant des armes essentielles pour l?Islande dans sa bataille contre la crise?

Le cas islandais nous aura appris qu?un Etat peut sortir de la crise en sauvegardant les intérêts de sa population et en tenant tête à ses créanciers, tout cela, dans le respect de principes sociaux-démocrates ; priorité aux plus démunis et égalité des chances pour tous. Nous pouvons les remercier de la leçon et prendre bonne note.

 

 

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Commentaires 34
à écrit le 10/01/2013 à 15:11
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Donc pour sortir de la crise la solution miracle consiste à ne pas honorer ses dettes ? Tellement facile.... On avais pas besoin de l'Islande pour savoir qu'en étant malhonnête c'est plus facile qu'en étant honnête. Ça s?appelle une faillite fraudule...

le 29/05/2013 à 10:14
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Bonjour, Savez-vous à quoi correspond une dette? C'est quelque chose de "malhonnête" du point de vue d'un français qui n'a pas demander d'être endetté. Tout le monde, à part vous, connait comment a "démarré" cette "dette"...A noter que certains ne v...

à écrit le 10/10/2012 à 10:33
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A masse monétaire égale (déficit public = 0), si certains deviennent plus riche, les autres deviennent plus pauvre. L'état s'est endetté pour (entre autre) permettre à chacun de nous de devenir un peu plus riche. Si il faut rembourser ... ce que l'ét...

à écrit le 03/09/2012 à 12:57
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L'Islande a bien identifié que c'était une dette odieuse et a refusé de payer. Rien n'anormal là-dedans au contraire de ce qui se pratique aux USA et un peu partout en Europe depuis le début de la crise. Pour sauver un système qui est en train de cre...

à écrit le 03/09/2012 à 12:56
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"Enfin, l?Etat a réussi à rembourser en avance une partie de sa dette" ... Et ils en sont à combien, donc, là..?? Car au niveau intérêts, ça va leur coûter une véritable FORTUNE ! C'était le but, notez. Eviter une contagion.

à écrit le 03/09/2012 à 11:23
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Un titre réjouissant à la place : " BONS BAISÉS D'ISLANDE " !

à écrit le 03/09/2012 à 7:56
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Pas de miracle .C'est plus facile quand on ne paie pas ses dettes ....et qu'on dévalue aussi . Comme en Argentine et comme d'aures pays qui font régulièrement faillite .Ceux qui trinquent sont les épargants ,plus communément appelés banquiers ( en ef...

le 03/09/2012 à 12:54
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Pourquoi ne pas prendre en référence l'Equateur...?? Car la privatisation massive de l'Argentine, au bénéfice américain, j'aurais su le faire aussi...

à écrit le 02/09/2012 à 23:19
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Bravo pour cet article/rappel. A ce jour, la BCE a choisi de sauver l'oligarchie de banquiers européens en faisant payer indirectement les contribuables, via leurs états respectifs qui sauveront les banques nationales à cout de milliards d'euros, ave...

le 03/09/2012 à 0:34
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les deficites sont des montants qui ont ete consommes et que d'autres devront payer.

à écrit le 02/09/2012 à 15:28
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"ne parvient pas à en finir avec la crise économique arrivée des Etats Unis en 2008"... Quesque les etats unis ont a voire avec une crise europeenne qui est causee par un manque de competitivete, une population qui veillit, des deficites publiques di...

le 16/10/2012 à 14:52
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Tout à fait d'accord avec le mec des billets de 500F.. La crise ne vient pas des E-U donc laissez les faire leur buiz tranquille.. En U-E on produit de la merde et on veut être payé trop cher pour ça, on a pas encore le savoir-faire chinois ! On ne s...

à écrit le 01/09/2012 à 18:43
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Il existe un racisme insidieux nordique qui sous couvert de democratie, d'immigration officiellemnt bienvenue et de rigueur morale suraffichée et revndiquée truste toutes les insatances internationales d'evaluation. c'est ainsi qu'on aurait dans le ...

le 02/09/2012 à 22:28
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venant du sud (de la france, vers marseille) je dois quand meme reconnaitre que chaque fois que je vais en Allemagne ou en alsace (pour rester en france) je sens toute suite la difference villes bien moins sales (regardez simplement le % de gens qui...

le 03/09/2012 à 9:50
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Vous vous prenez pour qui pour taxer les nordiques de racistes? Il n'y a pas de criminalite en islande. Si vous faites un complexe d'inferiorite, allez donc voir un psy.

à écrit le 01/09/2012 à 14:38
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Que de mensonges dans cette tribune où l'on préfère le travestissement idéologique à la vérité ! Les pertes les plus importantes dans l'affaire Icesave ont été supportées par de simples déposants, bien plus que par des actionnaires. La couronne islan...

le 02/09/2012 à 12:37
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Le gouvernement peut être, envisage de rejoindre l'euro mais qu'en est-il des islandais ? Le gouvernement suédois aussi voulait entrer dans l'euro mais les suédois ont dit non. Il m'est avis que les islandais ne se laisseront pas faire...

le 02/09/2012 à 19:03
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Le gouvernemnet islandais voulait céder à la pression des créanciers des banques PRIVEES islandaises... Qu'il envisage de rejoindre l'euro ne serait donc ni une surprise ni une preuve de sa sagacité...

à écrit le 01/09/2012 à 14:18
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Faut ARRETER avec l'Islande. L'unique raison pour laquelle ils s'en sont sortis c'est qu'ils ont décidé de pas rembourser. C'est ignoble pour ceux qui y ont mis leurs économies! Deuxièmement dans ce pays de bisounours, on leur prête encore de l'arge...

le 02/09/2012 à 12:33
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Et ce n'est pas ignoble de faire payer tout le monde pour des dettes privées ? Vous êtes d'accord avec ce qui se pratique aujourd'hui sans que personne ne s'en offusque : privatisation des profits et nationalisation des pertes. Avec ça, "ceux qui ont...

le 02/09/2012 à 15:34
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@ Incroyable. Tout a fait d'accord. Les investisseurs ont pris un risque en cherchant un rendement superieur et ils ont perdu. Sorry!

le 02/09/2012 à 19:08
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@ Chris: c'est vous qui devriez arrêter. Les banques islandaises avaient été PRIVATISEES sous la pression des instances européennnes dans le cadre de l l'EEE. C'est donc normal que le contribuable islandais n'ait pas payé leurs dettes. Ce qui aurait ...

à écrit le 01/09/2012 à 11:57
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C"est un peu facile de montrer en exemple ce qu' a fait l'islande Comment peut on justifier de ne pas rembourser ses créanciers fussent ils étrangers ? les islandais ont été bien contents dans la période précédente de s'enrichir grace aux prets que ...

le 02/09/2012 à 17:02
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Ah bon ! Je ne savais pas que les banques étaient de nouveau nationalisées...

à écrit le 01/09/2012 à 10:46
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"Certes, ce modèle de sortie de crise n?est pas transposable à la zone euro..." remarque de bon sens qui vient un peu tard dans ce billet. Et donc, si ce n'est pas transposable il n'y a pas de leçon à en tirer !

le 02/09/2012 à 8:22
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Vous dites : C'est aussi l'argent des entreprises ....ET là , j'en doute fortement car les Banksters ne prêtent plus et Pas assez aux entreprises peut-on lire et Entendre à tout bout de champ . Donc ,MOI pas d'accord . Revoyez votre Copie S V P

le 02/09/2012 à 8:51
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Les Banksters auraient d'ailleurs Mieux Fait de TOUT prêter aux Entreprises pour le Bénéfice de TOUS et le LEUR ,surtout (!), : l'économie s'en porterait Beaucoup Mieux ET le Pognon ne se serait PAS évaporé !!! . Ils auraient un Bilan Mirobolant et...

à écrit le 01/09/2012 à 9:57
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ben dis donc, ça fait juste 2 ans que l'on en parle sur le web de la façon dont l'Islande s'est sortie de la crise... Après la presse s'étonne du déficit de confiance et de la chute de ses ventes...

à écrit le 01/09/2012 à 8:27
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Donc si je comprend bien 320 000 islandais ont eu un prêt de 8 Milliards de dollars => ramené à un pays comme la france ça fait combien ? A tiens ca fait plus que notre dette !!!! Bizarre la démonstration.

le 02/09/2012 à 7:20
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Bien vu

à écrit le 31/08/2012 à 14:11
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Marrant cet article qui passe sous silence ce que les islandais ont fait de leurs hommes politiques... En gros, VIRES !!!! ZOU !!!! C'est pour pas donner de mauvaises idées aux autres européens que la tribune "oublie" ce détail ?

à écrit le 31/08/2012 à 12:41
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Le cas islandais -- ainsi que d'autres -- montre bien qu'on ne s'en sortira en Europe qu'avec une forte dépréciation de l'euro, ce qui ne résoudra pas néanmoins le problème des écarts de compétitivité entre les pays de la zone euro, mais seulement av...

à écrit le 31/08/2012 à 11:47
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J'aime l'Islande mais il y a trop de fantasmes en France vis à vis des pays nordiques. Les Islandais ont été dépossédés de plein de choses, a commencer par leur maison pour certains d'entre eux. Les étrangers ont été renvoyés dans leurs foyers. Les c...

à écrit le 31/08/2012 à 11:44
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2 erreurs dans cet article : l'une dans le titre, qui sous entend que la crise européenne viendrait des USA, alors que Lehman brothers n'a été que le catalyseur de la crise qui existait à l'état sous jacent depuis la mise en place de l'euro... 2ème ...

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