Énergie, erreur sur les tarifs !

Ancien chef économiste du groupe Total et ancien membre de la Commission de régulation de l'énergie, Pascal Lorot, aujourd'hui président de l'institut Choiseul, interpelle les pouvoirs publics sur les possibles effets pervers que le projet de loi sur les tarifs de l'électricité et du gaz, pourraient induire. Pour lui, il faut à tout prix éviter la confusion entre niveau de revenu et niveau de consommation énergétique.
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Promesse de campagne oblige, le gouvernement entend introduire une progressivité dans les tarifs de l'électricité et du gaz payés par les Français. L'objectif du texte actuellement en cours de discussion à l'Assemblée est double : inciter à une meilleure efficacité énergétique (consommer mieux et moins) et lutter contre la précarité énergétique.

Une progressivité dans les prix de l'électricité et du gaz supportés par les particuliers peut bien sûr inciter les plus énergivores d'entre eux à faire davantage attention à leur consommation, voire à entreprendre des travaux visant à une meilleure isolation. A ce titre, introduire une différenciation tarifaire peut avoir du sens.

L'objectif social qui consiste à tirer de la précarité des presque 4 millions de foyers qui consacrent plus de 10% de leurs revenus à leur facture énergétique est, quant à lui, beaucoup moins réaliste. Aucune corrélation avérée n'existe en effet entre niveau de revenu et niveau de consommation. Les ménages les plus démunis sont aussi souvent ceux qui vivent dans des "passoires thermiques", c'est-à-dire des logements généralement vétustes et très mal isolés, et l'on voit mal comment, à moins de mettre en place des dispositifs ad hoc pour lesquels aucun financement n'est clairement prévu, ils pourraient supporter le coût de travaux d'isolation de leur habitation. Sans compter l'extrême difficulté, comme l'expérience le montre, qu'il y a à identifier les ménages se trouvant dans ce type de situation.

Au-delà, un grand nombre des articles de ce projet de loi portent en eux des effets potentiellement pervers. Instaurer un "moratoire hivernal" sur les coupures comme le prévoit le texte, reviendra, par exemple, à donner une prime aux mauvais payeurs, qui représentent la majorité des défauts de paiement observés, et ce aux frais des "bons consommateurs" qui devront assumer le coût de ce moratoire, puisque celui-ci sera répercuté dans le tarif.

Autre exemple, l'effet d'aubaine dont ne manqueront pas de bénéficier ceux ayant une résidence secondaire qui, pour bénéficier du bonus annoncé par le gouvernement, déclareront celle-ci comme étant leur domicile principal.

Ensuite, autre illustration, comment ne pas évoquer les possibles distorsions de concurrence entre les énergies en réseaux et, par exemple, le fuel domestique qui, à ce jour, n'est pas couvert par le texte, alors même qu'une part importante de ceux qui se trouvent en situation de précarité énergétique vivent en zone rurale et se chauffent au fuel...

Enfin, il convient de souligner l'extrême lourdeur et, finalement, le coût élevé qui découlera de l'enregistrement des profils énergétiques et fiscaux de quelque 40 millions de ménages consommateurs (10 pour le gaz, 30 pour l'électricité, un grand nombre se cumulant) auprès des services fiscaux, puis chez les opérateurs.

Pour atteindre l'objet social du projet, il serait incontestablement beaucoup plus simple, efficace et, surtout, moins coûteux, de relever le seuil des ayants droits aux tarifs sociaux, en les portant par exemple du seuil de la CMU-C à celui du seuil de pauvreté type INSEE. Plus de 3 millions de foyers sortiraient ainsi automatiquement de cette "précarité énergétique" qui fait légitimement débat.

Au-delà, en prenant de la hauteur, on ne peut qu'agréer la finalité du projet qui est tout à fait recevable. Seulement, l'angle retenu fait débat. Plutôt que d'opposer toujours les Français les uns aux autres (en l'espèce, ceux qui consomment beaucoup, ou mal, à ceux qui consomment peu ou bien), plutôt que de manier la carotte et le bâton avec la création d'un système de bonus / malus et finalement, de faire le choix de la contrainte, il eut été bien plus positif, efficace et moderne de proposer une approche tournée vers l'avenir, où les particuliers seraient responsabilisés et incités à maitriser leur consommation par la mise en place, par exemple, de dispositifs financiers innovants, et où la technologie, par définition pourvoyeuse d'emplois, aurait toute sa place avec, par exemple, la promotion de l'investissement dans des technologies intelligentes et les interfaces Internet, qui permettent de mieux contrôler et réguler les besoins.
Un projet moderne, voilà ce qui est nécessaire, c'est-à-dire qui serait débarrassé de tous les oripeaux idéologiques de la campagne électorale. Chiche ?
 

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Commentaires 14
à écrit le 23/11/2012 à 18:08
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encore une taxe socialiste bien démocratique

à écrit le 07/10/2012 à 17:15
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taxer encore l'énergie est le plus sûr moyen d'accélérer la récession économique en France; faisons confiance aux fonctionnaires socialistes pour le faire!

le 17/10/2012 à 7:38
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Effectivement,taxer seulement l'énergie crée la recession,mais transférer sur l'énergie les taxes sur le travail permet d'obtenir un effet inverse jusqu'à un certain seuil;cela correspond au raisonnement des nouveaux prix Nobel d'économie pour des év...

à écrit le 27/09/2012 à 12:46
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je crois que le sujet du verbe "pouvoir" dans le chapeau est singulier.

à écrit le 27/09/2012 à 8:21
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Il faut transférer sur l'énergie une partie des charges sociales.C'est un raisonnement purement économique:le travail permet de créer de l'énergie,l'énergie remplace le travail;il faut accepter une augmentation du prix de l'énergie en contre partie d...

à écrit le 25/09/2012 à 12:28
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Ce gouvernement ferait mieux de faire ses réformes, de s'occuper de sa gestion, de ses structures, de son gachis, des priviléges qu'il accorde à sa clientèle au lieu de toujours s'immiscer dans la vie des autres. Quand viendront-ils au-dessus de chez...

le 25/09/2012 à 13:13
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Ils sont déjà au dessus de nos têtes , tous Les Jours (!) pour nous asperger de leurs ""chemtrails"" en quadrillage serrés que vous pouvez voir (si vous levez les yeux au ciel!).....des trainées qui durent beaucoup plus longtemps que les traces de co...

à écrit le 25/09/2012 à 11:31
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Il y a du gaz de schiste en France.....

le 29/11/2012 à 18:44
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même si on exploite le gaz de schiste en france , les socialos vont nous taxer à tous va pour remplir les caises et maintenir leur train de vie , vous êtes bien naif titus

à écrit le 25/09/2012 à 10:12
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Et vous oubliez la différenciation entre ceux qui ont un logement exposé au Nord et ceux qui sont exposés au Midi et bénéficient d'un avantage indu sauf dans l'hémisphère Sud, ceux qui envoient leurs enfants chez leurs parents pendant les vacances et...

à écrit le 24/09/2012 à 19:12
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Le but réel de ce projet est bien évidemment de faire payer plus sous couvert d'économie d'énergie! Et pour cela on monte une usine e gaz qui va coûter fort cher...

à écrit le 24/09/2012 à 19:04
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puisqu'il n'y a pas de concurrence entre les énergies pour faire baisser les prix (monopole ou lobbies trop puissants) mettre ces activités sous contrôle de la Cour des Comptes! Après tout, pourquoi les énergies seraient possédées et gérées par des c...

le 25/09/2012 à 9:45
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@ voltR : votre raisonnement m'échappe ? Vous déplorez le manque de concurrence (et donc vous reconnaissez implicitement que c'est la concurrene qui fait baisser les prix, vous avez bien raison) et vous demandez non pas de rétablir la concurrence,...

le 25/09/2012 à 10:33
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@john, +1 avec vous sur votre raisonnement. le problème que je vois viens du fait que certaines sources d'énergie sont manipulées par les états producteurs (russie, arabie, etc.) et je vous difficilement dans ces conditions le marché fonctionner norm...

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