Les gaz de schiste : oui s'ils financent la transition énergétique...

Les gaz de schiste divisent farouchement la France et son gouvernement. Dans le même temps, Delphine Batho au nom de la défense de l'environnement exclut catégoriquement le sujet quand Arnaud Montebourg y voit un moyen du redressement productif. François Hollande quant à lui a fermé à demi la porte en refusant l'utilisation de la fracturation hydraulique en France, reportant toute éventuelle exploitation à l'invention d'une techique d'extraction plus propre et plus sûre. En réanimant les représentations les plus caricaturales de notre pays, le débat s'est cristallisé dans un affrontement idéologique borné. D'un côté, ses opposants pour qui les gaz de schiste incarnent l'industriel cupide prêt à solder le bien commun. En face, ses fervents défenseurs (cf l'appel de 22 personnalités de l'industrie) pour qui il faut saisir une opportunité inespérée de renouer avec croissance et reprise industrielle.
Copyright Reuters

La gravité des crises économique actuelle et écologique à venir nous impose de ne pas fermer les yeux sur les risques environnementaux, particulièrement quand les dollars brillent ! Mais elle nous impose également d'accepter un certain risque industriel, car sans risque, point de progrès. Alors que la transition énergétique et notre système social peinent à se financer, les gaz de schiste pourraient dans les scénarios les plus optimistes permettre à la fois de renouer avec la croissance et d'entamer une réelle transition écologique. Une telle option se doit d'être considérée sereinement et collectivement entre citoyens, industriels et Etat.
Donnons-nous des principes d'exploitation positive des gaz de schiste et évaluons s'ils sont réalisables. Convenons par exemple que pour exploiter des gaz de schiste il faille réunir trois conditions :
- que les citoyens et les biens environnementaux soient protégés ;
- qu'il y ait une juste répartition de la rémunération entre les citoyens, le bien public et l'industriel ;
- et que toutes les parties prenantes soient associées à la gouvernance dans la transparence absolue des opérations.
Le premier grief des gaz de schiste est qu'ils soient émetteurs de gaz à effet de serre. Drôle de transition énergétique que de commencer par exploiter ces gaz profonds me direz-vous ... mais si c'était la seule voie économique de la réaliser véritablement ? Si les gaz de schiste sont si compétitifs, donnons-nous un objectif : pour chaque unité de gaz produite, qu'au moins une unité d'énergie soit économisée (via le financement de plan de rénovation thermique des bâtiments, la mise en place d'infrastructures de véhicules électriques, de modernisation de sites industriels, etc.), ou une nouvelle unité d'énergie renouvelable soit financée. Que l'impact climat des fuites de méthane en surface soit plus que compensé par des projets locaux. Donnons aux gaz de schiste un impact énergétique et climatique positif.
Les industriels considèrent, et les experts de l'Etat valident, que les autres impacts environnementaux sont maîtrisables. Par exemple, les risques de fuites de gaz des puits (risques communs à toute exploitation gazière ou pétrolière dans le monde), sont faibles si le forage est réalisé dans les règles de l'art et il est possible de surveiller les puits pour contrôler leur vieillissement (en exploitation puis en fin de vie); imposons et contrôlons des normes strictes. Les risques de contamination depuis le schiste vers la nappe avec les eaux utilisées pour la fracturation de la roche (ceux-ci spécifiques des gaz de schistes) peuvent être appréciés en amont par les géologues. La probabilité d'occurrence est plus importante pour les ressources du Sud-est avec des réservoirs d'eau potable plus vulnérables que dans le bassin parisien, où la roche-mère visée est séparée par plusieurs centaines de mètres des nappes. Suspendons les exploitations tant que la sécurité n'est pas garantie, comme il semble que cela puisse être le cas dans le Sud-Est.
L'usage des produits chimiques peut être encadré par une liste de 20 produits considérés comme non problématiques. Vérifions cette liste et autorisons exclusivement l'utilisation de celle-ci. Enfin, rendons les industriels responsables de tout leur périmètre de risque, et pas seulement de leur périmètre d'exploitation, comme par exemple celui de la qualité de la nappe phréatique. Vérifions que les industriels ont les capacités techniques et financières suffisantes pour intervenir en cas d'incidents (qu'ils jugent eux-mêmes improbables) et laissons les opérer, sous le contrôle de l'Etat et des citoyens.
Les nuisances liées au déplacement des camions et aux impacts paysagers doivent d'abord être limitées au maximum (usage maximal de pipe pour l'eau, camouflage des installations, etc.), puis compensées largement pour que l'équilibre soit positif pour chacun. L'Etat doit se porter garant de cette équation qui doit être vertueuse ou ne pas être.
La juste répartition de la rémunération entre les industriels, les citoyens et le bien public repose sur les espoirs issus d'une estimation imprécise des ressources (et non des réserves qui sont des ressources avérées) de gaz de schiste français et encore plus imprécise de son potentiel économique. Selon la US energy information administration, la France serait dotée de ressources équivalentes à 90 années de consommation nationale de gaz. Il se peut tout à fait que suite à étude, seuls 3 % de cette ressource soit technico-économiquement exploitable, ou qu'inversement l'intégralité du potentiel soit disponible pour exploitation. Ce gisement représente un enjeu économique colossal puisque l'énergie occupe la 1ère place dans le déficit de la balance commerciale : 62,4 milliards en 2011. L'exploitation du gaz de schiste permettrait à l'état français de réduire le déficit commercial et d'obtenir idéalement une « rente gazière » par ces nouvelles activités sur son sol.
Néanmoins, les coûts d'exploitation en France devraient être plus élevés qu'aux Etats-Unis, à cause de la densité de population, d'un impact sur le tourisme plus conséquent à compenser et d'une attention sociale et environnementale plus forte (que nous appelons de nos v?ux à renforcer encore). On sait également que les prix de production aux Etats-Unis, qui devraient se stabiliser autour de 5 à 6 dollars/millions Btu (British thermal unit). contre un prix de marché de 12 voire 14 en Europe), ménagent une marge potentielle conséquente. Cette réserve économique, si elle est confirmée, peut-elle financer des normes environnementales qui garantissent la sécurité du citoyen et une rémunération locale doublées d'un mécanisme de financement de la transition énergétique ? C'est une condition à fixer pour décider une exploitation positive de cette ressource, sous le contrôle des citoyens et de l'Etat.
Arrêtons ce débat caricatural, et si toutes les conditions ne sont pas réunies, n'exploitons pas les gaz de schiste. En revanche, si il est possible dans le respect des intérêts des citoyens et dans la préservation des biens environnementaux de mettre la France sur le chemin de la croissance et de la transition écologique, faisons-le !

(*) BeCitizen est un cabinet de conseil en stratégies de rupture.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 23
à écrit le 05/12/2012 à 7:43
Signaler
Il ne s'agit pas de peur mais de bon sens!"on brule les meubles pour chauffer la maison".Les maigres information qui filtrent sur l?expérience américaines sont dramatiques,L'eau qui remonte des puits est Radio active ,toxique chimiquement .Les couts ...

à écrit le 03/12/2012 à 20:21
Signaler
il faut en finir avec cette peur de tout ce qui est nouveau dans le domaine énergétique ! Pas de fusion nucléaire , pas de recherche d'une technique nouvelle d'extraction du gaz de schiste !Bon d'accord alors passons nous de voiture, de téléphone,d...

à écrit le 29/11/2012 à 9:06
Signaler
"- que les citoyens et les biens environnementaux soient protégés ; - qu'il y ait une juste répartition de la rémunération entre les citoyens, le bien public et l'industriel ; - et que toutes les parties prenantes soient associées à la gouvernance da...

à écrit le 25/10/2012 à 17:47
Signaler
on ne refuse pas la technologie,mais on a le droit de ne pas tout accepter et surtout pas celui de pourrir l avenir de nos enfants sous pretexte , que le gaz de schiste c est l avenir...

à écrit le 21/10/2012 à 12:14
Signaler
a tous ces gens qui refusent les technologies, je rappelle que si les politiques n'avaient pas suivi les ingénieurs et les industriels il n'y aurait pas aujourd'hui : de trains, de metro, de tour eiffel,

le 05/12/2012 à 7:45
Signaler
La bombe atomique par exemple demandez aux habitants de Hiroshima ce qu'ils pensent de ce "progrés". http://iw-linux.over-blog.com/

le 05/12/2012 à 8:22
Signaler
Avec ce genre de raisonnement on peut demander ce que tout les gens massacrés sur cette terre pensent de la nature humaine... Devrions nous tous mourir?

à écrit le 21/10/2012 à 10:11
Signaler
"- que les citoyens et les biens environnementaux soient protégés ; - qu'il y ait une juste répartition de la rémunération entre les citoyens, le bien public et l'industriel ; - et que toutes les parties prenantes soient associées à la gouvernance ...

à écrit le 20/10/2012 à 22:43
Signaler
J'ai oublié de préciser quelque chose : le gouvernement est en train de distribuer des permis à des sociétés qui vont utiliser le fracking mais qui ne le disent pas. Que les adeptes du gaz de schiste se rassurent ; nous allons avoir notre eau et notr...

à écrit le 20/10/2012 à 22:21
Signaler
Cet article a été écrit par un cabinet de conseil. Tout est dit. Nous avons encore droit à des raisonnements manipulateurs qui se veulent machiavéliques mais qui ne sont qu'absurdes et navarants. Si malgré tout ce genre de discours emporte l'adhésion...

à écrit le 20/10/2012 à 15:27
Signaler
Super. Je propose aussi de faire suivre une cure de cocaïne pour guérir les alcooliques. Ensuite, lorsque le patient est sorti de l'alcool, il suffit de le sortir de la drogue. La bonne idée que voilà

à écrit le 20/10/2012 à 12:39
Signaler
Posons-nous la bonne question : on risque nos nappes phréatiques ou alors on passe tout simplement au tout électrique ? Il faut se passer du gaz naturel tout simplement. En plus des prix qui ne cessent de monter, c'est également dangereux. N'importe ...

à écrit le 20/10/2012 à 12:06
Signaler
L'exploitation du gaz de schiste ne financera pas la transition énergétique ! ça ne fera que repousser l'inéluctable pénurie des énergies fossiles ; la loi des marchés étant ainsi faite ! Seulement ça risque de laisser des séquelles ineffaçables dans...

à écrit le 20/10/2012 à 11:10
Signaler
Je pense que tout le monde n?a pas encore réalisé dans quelle époque nous sommes entrés. La question n?est pas de savoir si c?est sale ou pas, ou de faire des plans à très long terme, mais de gérer le présent. Le pic de pétrole est passé, nous sommes...

le 20/10/2012 à 17:04
Signaler
Et l'avenir de la planète et de vos enfants, vous en faites quoi ? Petit rappel des besoins vitaux : de l'eau, de l'air, de la nourriture et de l'espace. Vous trouvez que vous sécurisez la survie de vos descendants en tenant ce discours ?

le 21/10/2012 à 10:44
Signaler
Précisément, cher Aristide, nous préparons l'avenir de nos enfants par une énergie locale et moins chère. Préférez vous une France sans énergie ou qui continue à se vider de ses devises et à enrichir l'Arabie saoudit, le Qatar etc..???

le 05/12/2012 à 7:50
Signaler
L'impact sur la santé publique est énorme aux USA (explosion de l'asthme infantile,cancers,etc) Les riverains sont simplement en train de crever et nos chasseurs ils vont tirer sur des lapins en plastique ? Nous sommes quelques uns a penser que la C....

à écrit le 20/10/2012 à 11:10
Signaler
En France, 50% du gaz naturel est utilisé avec le chauffage, 20 millions de TEP (tonnes d?équivalent pétrole) sur 40 millions. La France peut largement se passer du gaz naturel (et du fioul domestique) pour chauffer les bâtiments, ceci jusqu'à la fin...

à écrit le 20/10/2012 à 11:02
Signaler
Peut-être pas plus risqué que d?assommer notre industrie avec des écolo-taxes. Refroidissement économique contre réchauffement climatique. Fonte de notre industrie contre la banquise. N?oubliez pas : un écolo au chômage devient un chômeur. Pas besoin...

à écrit le 20/10/2012 à 2:54
Signaler
Cà reste toujours absurde d'utiliser du gaz sous forme "combustible" alors qu'il peut être utilisé plus tard à des valorisations et prix bien supérieurs dans la chimie, les engrais (qui vont manquer), la pharmacie, les plastiques, PVC etc et souvent ...

à écrit le 20/10/2012 à 2:54
Signaler
Cà reste toujours absurde d'utiliser du gaz sous forme "combustible" alors qu'il peut être utilisé plus tard à des valorisations et prix bien supérieurs dans la chimie, les engrais (qui vont manquer), la pharmacie, les plastiques, PVC etc et souvent ...

à écrit le 20/10/2012 à 0:42
Signaler
Si c'est pour le vendre à des brûleurs de charbon, à la limite, mais si c'est pour remplacer le nucléaire, on peut pas trouver pire pour le climat...

le 20/10/2012 à 3:27
Signaler
Charbon et gaz de shistes c'est pareil car les émissions des premiers sont équivalentes au charbon et mazout (études universités de Cornell et Stanford entre autres). Et pour le charbon contrairement au gaz de schiste on peut capter les émissions de ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.