Bonus/malus automobile : chronique d'un crash annoncé

Par Jean-Pascal Gayant, professeur de Sciences économiques, Université du Mans  |   |  497  mots
Copyright Reuters
Le nouveau système de bonus-malus, applicable en 2013, fait l'unanimité... contre lui, estime Jean-Pascal Gayant. Ce dispositif "mal ficelé" ne satisfait ni les écologistes, ni Bruxelles, ni les consommateurs, ni les députés. Les constructeurs français, eux, n'en profiteront qu'à très court terme.

Le système de bonus/malus qui vient d'être voté pour l'année civile 2013 ne satisfait pas grand monde, sauf peut-être Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au Budget, convaincu que les projections sur les recettes issues du malus sont fiables. Il ne satisfait pas les écologistes puisque le barème, seulement fondé sur les rejets de CO2 des véhicules, favorise les moteurs diesels qui émettent de très nocifs oxydes d'azote. Il ne satisfait pas les autorités européennes qui, pour les mêmes raisons, ont tout lieu d'être estomaquées par un dispositif qui va à l'encontre de la norme Euro 6. Il ne satisfait pas les consommateurs qui ne peuvent toujours pas accéder à un véhicule « propre » polyvalent à un tarif raisonnable. Il ne satisfait pas les députés, qui ont tenté d'alléger le malus, et qui ont été « repris par la patrouille » d'extrême justesse. Il ne satisfait, enfin, les constructeurs français qu'à très court terme, le temps, espèrent-ils, de reprendre une bouffée d'air en vendant massivement les nouvelles Clio et 208. Car le c?ur rentable du métier demeure les véhicules de tailles moyenne et supérieure, et pas seulement celles équipées d'un moteur diesel si l'on veut avoir une chance d'en vendre hors de l'hexagone...

Cacophonie

Rarement un dispositif aura été aussi mal ficelé. Rarement sa mise en place aura provoqué une telle cacophonie alors que c'est de visibilité et de stabilité réglementaire dont l'industrie automobile française a grand besoin. Tout économiste peut être convaincu du bien fondé de la mise en place d'un système de bonus/malus (si les élasticités prix de la demande sont correctement estimées). Encore faut-il que le critère sur lequel repose le dispositif soit pertinent. Encore faut-il que les effets du dispositif soient appréciés sur le long terme. Encore faut-il que les ajustements structurels qu'il induit ne viennent pas annihiler les bénéfices conjoncturels... La situation actuelle ressemble à un compromis désastreux entre des positions antagonistes et la puissance publique, plutôt que de choisir et d'annoncer une option tenable à moyen et à long terme (par exemple le développement conjoint de moteurs essence de nouvelle génération et de moteurs hybrides pour assurer la transition vers le tout électrique à horizon de 15 ou 20 ans), donne le signal intenable que l'on peut encore « investir » dans des véhicules à moteurs diesels.

Concertation européenne

Plutôt que de se laisser aller à des « effets de manche » sur d'éventuelles mesures protectionnistes, le gouvernement et son ministre du Redressement productif seraient inspirés de construire un projet de long terme, issu d'une concertation européenne, et dans lequel les constructeurs automobiles français pourraient prendre leur place. Entre le « tout malus » du gouvernement, le « tout diesel » du groupe PSA et le « tout électrique » du groupe Renault, l'automobile française semble aujourd'hui foncer « tout droit » dans le mur.