Il est possible d'améliorer la compétitivité sans taxer plus !

Par par Arnaud Chéron et Stéphane Gregoir, EDHEC Business shcool  |   |  1167  mots
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Le résultat d'une réforme économique et son efficacité dépendent de l'environnement économique dans laquelle elle est mise en ?uvre. Aussi, le choix entre différentes réformes qui visent des objectifs similaires est guidé en général par ce type d'analyse. Nous faisons face à une situation d'endettement massif et croissant qui réduit l'autonomie de l'action politique et sommes, par la conjonction de politiques récessives dans une partie de l'Europe, dans un environnement économique dépressif. Cependant dans sa recherche du redressement de la compétitivité de la France, le gouvernement a fait le choix d'une politique qui impose un nouveau choc négatif à court terme sur l'économie. D'autres politiques aux objectifs similaires sont possibles qui permettraient de peser sur la structure des coûts des entreprises industrielles sans augmentation des prélèvements.

Le choix des prélèvements, avec un impact négatif sur l'activité

Le rapport Gallois a produit une description de la situation du secteur industriel et de son évolution récente qui porte peu à la controverse : salaires bruts et coûts du travail qui ont évolué en France plus rapidement que dans nombre des pays concurrents, pression concurrentielle forte sur les segments de marché où les produits français sont présents, marges en contraction et investissement en berne. Il a mis en avant un certain nombre de causes mais ne les a pas toutes listées. Le rapport a fait des recommandations sur des dimensions hors coût du travail qui ont été entendues. Il a cependant privilégié comme moyen d'action sur la compétitivité le coût du travail. Un ajustement à la baisse de la partie fiscalisée de ce coût entraîne une perte de recettes qu'il est difficile de ne pas compenser compte tenu de la situation d'endettement de l'Etat. Une compensation par une augmentation de prélèvements, quel que soit le prélèvement considéré, a un impact négatif sur l'activité économique et les comptes sociaux, et amplifie le choc récessif induit par les hausses des prélèvements décidées par le gouvernement à l'automne. La baisse de la dépense publique a un effet récessif moindre et doit dans la pratique être privilégiée dans ce cas. Le gouvernement a néanmoins fait le fait choix d'augmenter en partie les impôts indirects pour compenser une baisse de recettes fiscales sur le travail qui, compte tenu de la conjoncture internationale actuelle, risque de fragiliser encore plus à court terme la croissance de l'économie française.

Ne pas oublier les facteurs structurels

Tout comme l'a illustré le rapport Gallois sur la partie hors coût, la compétitivité d'une économie passe aussi par un ensemble de facteurs structurels qui ont un impact sur les coûts des entreprises industrielles, contribuent à l'amélioration de leur marge et de leur compétitivité, et au final à la croissance tendancielle, sans nécessairement entraîner une augmentation de la fiscalité.

Dans l'environnement récessif qui est le notre, l'orientation prioritaire de réforme devrait porter sur la déréglementation des marchés et le renforcement de la concurrence pour réduire les rentes existantes, faire baisser les prix, faciliter la création de nouvelles entreprises et donc de nouveaux emplois. De nombreuses analyses, en particulier menées par l'OCDE, et synthétisées dans le rapport Attali, suggèrent que la France est un des pays qui peut tirer le plus d'une déréglementation des marchés ou de professions dans les services.

Trop de règlementations pèsent sur la productivité des services

Les comparaisons en matière de productivité à un niveau fin font apparaître que si de nombreuses branches industrielles françaises connaissent des niveaux de productivité supérieurs à ceux observés aux Etats-Unis, la situation est inversée lorsqu'il s'agit des services. Les réglementations nombreuses qui pèsent sur un certain nombre de professions ou activités de services limitent leur développement et l'innovation dans ces secteurs. Par ailleurs, ces secteurs, par la structure de leur emploi, profitent très majoritairement des baisses de charges sur les emplois non qualifiés, si bien que des entreprises ont été ainsi maintenues en activité pour préserver l'emploi à court terme au détriment d'emploi de meilleure qualité à long terme. L'introduction de plus de concurrence sur un certain nombre de marchés ou de professions régulés dans les services permettrait de réduire les coûts supportés par les entreprises industrielles qui les achètent et contribuerait à la reconstitution de leurs marges.

Réformer vraiment le marché du travail

Une fois ce premier jeu de réformes mis en ?uvre, il apparaît nécessaire ensuite de réformer le marché du travail, en introduisant «des souplesses nouvelles qui doivent trouver des contreparties dans la limitation du recours aux contrats les moins protecteurs» évoquée dans le rapport Gallois. Ceci correspond à une dimension importante de la compétitivité. Le discussion entre les partenaires sociaux est en cours mais semble ne pas avancer. Le diagnostic est connu. Le marché du travail français est segmenté, avec d'une part des travailleurs qui alternent chômage et contrats à durée limitée, et d'autre part des salariés en place bénéficiant de contrats très protégés. Les embauches en CDI sont ainsi freinées par les coûts de séparation anticipés et la gestion complexe de la force de travail pèse sur la compétitivité des entreprises françaises en concurrence avec des entreprises qui évoluent sur des marchés du travail différemment organisés. Quelques tentatives de réformes et errements en la matière ont été observés sur la période récente. La dernière tentative sous la mandature de Nicolas Sarkozy, d'introduction d'un contrat unique s'est finalement transformée... en une nouvelle modalité de rupture dite conventionnelle, sujette à d'importants effets d'aubaine.

Un contrat de travail unique

Plutôt que d'en rester à des réformes à la marge du contrat de travail, il nous semble que la création d'un contrat unique constitue la voie, sous réserve de certaines précautions. Ce contrat unique doit non seulement viser à sécuriser juridiquement l'entreprise mais aussi être associé à un degré de protection des emplois suffisamment modéré pour faciliter l'insertion des jeunes. Les évaluations menées par l'EDHEC mettent notamment en évidence des gains supérieurs à 5 points d'emploi pour les moins de 25 ans, catégorie de travailleurs particulièrement pénalisée par notre système dual actuel. Cette plus grande flexibilité sur le marché du travail, source de compétitivité accrue, sans coût pour les finances publiques, devrait s'accompagner d'une réforme profonde de la formation professionnelle sécurisant les trajectoires des travailleurs tout au long de leur carrière.

Il est encore possible de soutenir la compétitivité en France et créer des emplois sans taxer plus !