Qu'est-ce qu'être mutualiste aujourd'hui ?

Pour certains, les différences entre sociétés de capitaux et mutuelles sans capital se seraient évanouies. Pour le président de la Macif, être mutualiste a encore un sens : celui de se mettre au service des sociétaires, répondre à leurs besoins de protection.
Gérard Andreck / DR

Tout le monde, en France, est mutualiste et pourtant plus personne ne sait comment distinguer un « vrai » mutualiste d'un citoyen ou d'un consommateur ordinaire. Tous les Français, ou presque, sont mutualistes dès lors qu'ils s'adressent à des organismes mutualistes pour garantir leur santé, leur vie, leur épargne, leurs biens : ce faisant, ils font le choix de confier leurs risques à des mutuelles, leur permettant de fonctionner et de se développer sur un marché concurrentiel où la bataille fait rage avec les assureurs cotés en Bourse ou avec les banques.
Voici des lustres que les mutuelles d'assurance ou de santé se savent rattrapées par la banalisation qui est à l'?uvre partout en Europe. Leurs concurrents (notamment les bancassureurs) ont copié leurs modèles pour mieux capter leurs sociétaires avec des produits simples, des procédures administratives largement informatisées et automatisées, et avec des prix compétitifs. Vu de loin - ce qui n'est pas du tout la réalité - on pourrait penser que les mutuelles dans leur ensemble ont progressivement quitté leur cadre originel associatif et se sont muées en véritables entreprises, adoptant les méthodes, la culture, le style et parfois aussi la soif de profit de leurs concurrents. Les repères originels se seraient évanouis, ce qui fait dire (ou espérer) à certains qu'il n'y a guère plus de différences à faire entre sociétés de capitaux et mutuelles sans capital.
Pour ma part, je voudrais, à la place qui est la mienne à la présidence d'une des plus grosses mutuelles de France et d'Europe, dire en quoi je me sens encore, et toujours, un mutualiste de c?ur et de raison. La raison d'être de la Macif est simple à exprimer, plus difficile à exécuter : elle est au service exclusif et à la disposition permanente de ses sociétaires. Une mutuelle n'a pas d'actionnaires et ne travaille donc pas pour les attirer ou les rémunérer. Une mutuelle n'a que des sociétaires (on peut aussi dire des adhérents) à satisfaire mais, de ce fait, elle leur doit tout : à la fois son existence et leur satisfaction. Cette ambition peut paraître limitée, facile à atteindre à ceux qui s'imaginent conquérir le monde avec des milliards levés en Bourse. Justement, être mutualiste implique aussi de savoir rester à sa place et dans son rôle : les sociétaires de la Macif m'ont désigné pour veiller et surveiller que la Macif soit à leur service, à leur écoute, prête à évoluer pour répondre à leurs besoins de protection, d'aide, d'assistance. Le conseil d'administration est là pour faire la synthèse, ou la sélection, entre les aspirations multiples exprimées par les sociétaires - et d'abord par les membres du conseil d'administration, qui sont les représentants élus des sociétaires - et les capacités de réalisation de l'entreprise Macif. Laquelle n'est pas dirigée ni vécue comme un instrument de pouvoir à la disposition de ses dirigeants mais comme une entreprise démocratique où le sociétaire est le point de départ et le point d'arrivée de toutes les décisions.

Le client n'est pas un moyen, il est une fin

Les adeptes du modèle capitaliste rétorqueront : nous aussi, nous sommes au service de nos clients ; si nous ne leur donnons pas satisfaction, ils partiront chez nos concurrents! Je connais cet argument qui renforce ma démonstration puisque dans une société capitaliste, le client est un moyen alors que dans une mutuelle, il est une fin. La société commerciale cherche la satisfaction du client pour entretenir sa course à la rentabilité et à l'enrichissement des parties prenantes (actionnaires, agents, dirigeants...) alors que la mutuelle a pour seule finalité de répondre aux attentes de son sociétaire.
Cette vision du métier explique la distance des mutuelles à l'égard des marchés financiers. Les responsables étatiques, et certains dirigeants de compagnies d'assurance, donnent le sentiment que l'essentiel pour eux est la fonction financière : investir en Bourse, dans les emprunts d'État, dans les petites PME... Pour les mutualistes (qui gèrent des masses considérables d'argent) la fonction financière est certes importante, mais elle doit être l'accessoire de la fonction première qui est d'indemniser convenablement les sociétaires. D'où la prudence des mutualistes dans leurs placements : la finance n'est qu'un moyen pour permettre à la mutuelle de servir ses sociétaires.

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* Gérard Andreck est président du groupe Macif et du Gema (Groupement des entreprises mutuelles d'assurances)

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Commentaires 2
à écrit le 14/12/2012 à 1:46
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La bonne blague ! "Les sociétaires m'ont désigné" ? Ah ah ! Quelle participation ? Et quelle alternative avaient-ils ?

à écrit le 11/12/2012 à 7:55
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la mutualisation cest une deresponsabilisation des individus.

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