Financement du cinéma : l'opacité des recettes nourrit la querelle

Le financement du cinéma français fait l'objet de toutes les critiques : les chaînes de télévision sont jugées trop frileuses, le CNC privilégierait quelques parvenus... Dans cette tribune, Pascal Rogard, directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, estime que cette querelle se nourrit de l'opacité de la remontée des recettes. Il appelle à plus de transparence.
Pascal Rogard, directeur général de la SACD. (DR)

La grande famille du cinéma a ses raisons que la raison ignore parfois! L?emballement médiatique de ces dernières semaines après la tribune au vitriol de Vincent Maraval dénonçant les acteurs trop payés fait partie de ces éruptions régulières. On peut toujours en chercher les interprétations sans être sûr de pouvoir en trouver toutes les justifications.

On peut ainsi y voir, dans le meilleur des cas, le souci d?un professionnel de mieux maîtriser les budgets des films pour mettre un terme à cette inflation des coûts du cinéma français. Mais, on pourrait aussi y deviner la ranc?ur d?un producteur-distributeur qui aura fait mauvaise fortune et dont les espoirs mis dans la distribution artistique ont été déçus.

Se perdre en conjectures pour déterminer ce qui relève d?une aigreur passagère, de la recherche malheureuse de boucs-émissaires et de la défense désintéressée de l?intérêt général est une perte de temps. Mieux vaut essayer d?appréhender les faiblesses du cinéma français et favoriser l?éclosion de réformes justes et efficaces.

Il est aussi outrancier de mettre sur le dos de quelques acteurs, livrés à la vindicte populaire, les raisons d?une dérive du financement des films français que de se réfugier dans un déni de réalité en faisant de la politique publique de soutien au cinéma un instrument pur et parfait.

Non, tout ne va pas bien dans le cinéma, même s?il ne faut pas noircir à l?excès le tableau: 2012 est loin d?avoir été un désastre pour le cinéma en général et pour le cinéma français en particulier. Avec 204 millions d?entrées, la fréquentation en salles reste haute et le cinéma français en a d?ailleurs profité puisque sa part de marché atteint 40,2%. 20 films français réalisent par ailleurs plus d?un million d?entrées en 2012, soit autant qu?en 2011. Des chiffres que nous envient bien de nos voisins européens! De même, le nombre de films qui consacrent plus de 1 millions d?euros à leur casting a baissé en 2011 et s?élève en tout à 10 films (sur les 207 films français produits).

Il est en revanche un mal profond que ceux qui aiment dénoncer le financement actuel du cinéma français, qui en bénéficient souvent largement et qui demandent toujours plus d?aides et moins de contraintes, ont tendance à taire et à cacher: l?opacité des remontées de recettes!

Les a-t-on entendus, tous ceux qui se sont engouffrés à la suite de Maraval pour dénoncer les chaînes de télévision jugées trop frileuses, pour critiquer un CNC qui ne distribuerait l?argent qu?à quelques parvenus, pour démonter une politique insuffisamment généreuse, militer en faveur de davantage de transparence? Leur silence résonne encore!

Pourtant, l?origine du mal français est là: l?opacité engendrée autour des remontées de recettes pour les exploitations en vidéo, à l?international? interdit tout espoir pour les ayants droit, qu?ils soient acteurs, réalisateurs ou scénaristes, d?être intéressés aux recettes des films. Elle légitime en retour les demandes de rémunérations forfaitaires élevées avant le tournage.

L?économie de la production se porterait évidemment mieux dans un système marqué par une plus grande modération des rémunérations forfaitaires. Mais, sans garantie de pouvoir être associés réellement au succès d?un film, difficile de blâmer ceux qui négocient des forfaits élevés avant tournage et qui trouvent des producteurs compatissants qui acceptent les conditions proposées.

Chacun doit prendre ses responsabilités et comprendre désormais que le salut de ce financement aussi fragile que pertinent du cinéma français ne nécessite pas de trouver des boucs-émissaires mais de se réunir pour en améliorer la transparence et rétablir une confiance aujourd?hui disparue.

Transparence. Un bel objectif pour cette année 2013.

 

par Pascal Rogard, directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)
 

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Commentaires 6
à écrit le 08/01/2013 à 7:38
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Le seul problème pour les contribuables c'est que l'Etat continue à financer le cinéma.

à écrit le 07/01/2013 à 22:17
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Les intermittents du spectacle (y compris les acteurs): 3% des inscrits au chômage, 30% du déficit du régime Assedic !

le 08/01/2013 à 10:28
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Il serait temps de remettre à plat tout le financement public du spectacle qui favorise en plus la prolifération d'artistes qui n'en ont que le nom.

à écrit le 07/01/2013 à 21:11
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C'est une beau crédo, et vous avez raison d'exiger davantage de transparence. N'empêche que si le cinéma français était un marché ouvert à l'international et surtout moins subventionné, les acteurs exigeraient beaucoup moins de leurs producteurs qui ...

à écrit le 07/01/2013 à 20:55
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l'OPACiTé, c'est le cancer de la France,; c'est expliqué dans le cinéma ... il s'agit du même cancer que l'OPACiTé chez Oseo innovation et dans ses tentaculaires sous-officines ...

à écrit le 07/01/2013 à 20:37
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je n'irai plus au cinéma tant que les acteurs les plus connus gagneront plus de 3500 euros par mois

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