Tour d'Europe des systèmes bancaires (4/10) : les banques espagnoles font trembler l'Europe

La Tribune avec David Benamou, président d'Axiom AI, vous proposent chaque jour de découvrir le système bancaire d'un des 10 pays européens étudiés. En Espagne, l'éclatement de la bulle immobilière a fragilisé l'ensemble des banques. Seules Santander et BBVA s'en sortent grâce à leurs activités internationales.
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Le secteur bancaire espagnol fait trembler l?Europe. Assises sur la bombe à retardement d?une bulle immobilière sans précédent dans le pays (mais moins importante qu?en Irlande), les banques espagnoles ont gagné du temps d?abord grâce au système du provisionnement ex-ante que leur imposait le régulateur, puis à la consolidation à marche forcée qui, depuis 2009, a fait passer le nombre de grands établissements de 50 à 14, parfois avec l?appui d?un fonds de capitalisation public, le FROB, et enfin grâce aux opérations de refinancement à long terme menées par la BCE (LTRO). Maintenant, l?heure de vérité a sonné.

Depuis des décennies, le secteur est divisé en deux: d?un côté les grandes banques privées, cotées en bourse, avec des activités internationales diversifiées (Santander et BBVA) qui détiennent environ 35% des actifs. De l?autre, une multitude de Cajas, sorte d?hybrides entre les Sparkassen et les Landesbanken allemandes, qui, hélas, cumulaient souvent les inconvénients des deux: une gouvernance opaque, une politique de risque menée en dépit du bon sens et des liens beaucoup trop forts avec les gouvernements régionaux et les autorités publiques locales.

La taille du secteur n?est pas disproportionnée (320% du PIB) et sa diversification est usuelle en Europe (les cinq banques principales représentent environ 70% des actifs), mais il a connu une bulle colossale: les prêts immobiliers (au sens large) sont passés de 10% du PIB en 1992 à 43% en 2009. Bénéficiant du passage à l?euro et de la grande bulle du crédit, les banques espagnoles ont largement financé cette bulle sur les marchés de capitaux. L?excès de construction est tel qu?on estime jusqu?à 380 milliards d'euros les pertes totales pouvant en résulter, une part significative en revenant naturellement aux banques.

Une reconstruction complète du système bancaire espagnol

Le gouvernement espagnol a enfin pris la mesure du problème et une loi récente va organiser la reconstruction complète du système bancaire. On peut distinguer trois grands groupes :

? Les deux grandes banques internationales, BBVA et Santander, disposent de réserves et d?un potentiel de profit suffisant pour éponger les pertes qui leur reviennent naturellement. Les récents stress tests d?Oliver Wyman ont confirmé qu?elles n?auraient pas besoin d?aller au-delà de ce que les stress tests EBA leur avaient imposé.

? Les Cajas ?qui ont souvent bénéficié d?aides du FROB? qui ont un business model viable vont devoir se recapitaliser pour se trouver dans une situation de solvabilité suffisamment solide pour éponger les pertes et continuer à se refinancer. Ces banques pourront bénéficier, si le marché privé ne suffit pas, de recapitalisations par le FROB.

? Enfin, les Cajas dont le business model n?est pas viable et qui ont des pertes trop importantes seront traitées un peu comme l?ont été Northern Rock en Angleterre ou Anglo Irish Bank en Irlande. Elles seront mises en run-off après injection de capital public pour éviter les effets systémiques d?une faillite. Bankia BFA, qui concentre les plus grosses pertes du pays, est naturellement le principal concerné.

L'importance de la stabilité de la zone euro

Par ailleurs, pour cristalliser les pertes et éviter que le secteur immobilier ne constitue une épée de Damoclès sur le secteur, le gouvernement espagnol veut s?inspirer de la NAMA irlandaise en créant une bad bank chargée de reprendre (avec décote) les actifs «pourris». Les discussions sont en cours, notamment pour attirer des investisseurs privés, afin que la dette ne pèse pas sur la dette publique.
L?avenir des grandes banques espagnoles (celles que nous avons citées ainsi que Caixabank, Catalunya Caixa, Nova Caixa Galicia, Sabadell, Popular) est aujourd?hui largement dépendant de l?état des finances publiques du pays. Santander et Sabadell sont à l?abri du fait de leurs activités internationales, mais les autres banques restent vulnérables notamment à une fuite des dépôts. Celle-ci n?a pas encore eu lieu (les chiffres de la banque d?Espagne doivent être manipulés avec précaution car ils intègrent des effets comptables et non économiques liés aux titrisations), en partie grâce à l?OMT, mais en cas de dégradation massive de la situation en zone euro elle deviendrait inévitable.

Les besoins en capitaux propres des banques seront sans doute inférieurs aux 100 milliards d'euros assurés par la facilité octroyée par la Troïka, mais le redressement des banques du pays passera aussi par une stabilité retrouvée dans la zone euro et la certitude que les besoins en liquidités seront assurés (Union bancaire, garantie européenne des dépôts, OMT, etc.).

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