Tour d'Europe des systèmes bancaires (7/10) : les banques irlandaises, un champ de ruines

La Tribune avec David Benamou, président d'Axiom AI, vous proposent chaque jour de découvrir le système bancaire d'un des 10 pays européens étudiés. En Irlande, l'explosion de la bulle du crédit a laissé des villes fantômes et des banques zombies.
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Le système bancaire irlandais est, presque littéralement, un champ de ruines. Avant la crise, il était dominé par trois grands acteurs domestiques -Anglo Irish Bank, Allied Irish Bank (AIB) et Bank of Ireland (BOI)- et par les succursales importantes de quelques banques étrangères. Les bilans de ces établissements ont crû de façon ahurissante pendant l'extraordinaire décennie de croissance soutenue qu'a connue l'Irlande (1995-2005). Ils ont ainsi financé une bulle immobilière sans équivalent en Europe, bien plus importante que la bulle espagnole, dont l'explosion a laissé des villes fantômes et des banques zombies, le mot n'est pas trop fort.

Nationalisation des pertes

Face à la crise immobilière et internationale, craignant la fuite des dépôts vers les établissements anglais, le gouvernement irlandais décida de franchir le Rubicon en septembre 2008 en garantissant tous les dépôts et dettes à échéance fixe des établissements irlandais jusque fin septembre 2010*. Cette mesure stabilisa le financement des banques, mais à un coût évident: la nationalisation des pertes. En effet, au fur et à mesure que les pertes, notamment immobilières, se matérialisèrent, l'Etat fut contraint d'injecter du capital dans les banques et de les nationaliser progressivement: fin 2008, Anglo Irish Bank fut totalement nationalisée et début 2009, l'Etat investit 7 milliards d'euros dans des actions de préférence émises par BOI et AIB. Un peu plus tard, le gouvernement annonça la création d'un nouvel outil qui serait déterminant dans le futur de l'industrie bancaire irlandaise : la NAMA, une agence chargée de recueillir les actifs pourris des banques, initialement à un prix décoté de 30%. L'utilisation de la NAMA plaça l'Etat irlandais dans une position schizophrénique et poursuivit le cercle vicieux : pour assurer une saine gestion des deniers publics, NAMA racheta les actifs à des prix de plus en plus bas, augmentant les pertes des banques et forçant l'Etat à les recapitaliser: les coûts augmentèrent, d'autres banques, plus petites, durent êtres recapitalisées à leur tour. Fin 2009, la dette publique irlandaise passa à 66%, contre 25% deux ans auparavant, puis à 94% fin 2010!

Programme d'aide du FMI et de l'Union européenne

En septembre 2010, sous la pression politique, le gouvernement irlandais décida de contraindre les porteurs de dettes subordonnées bancaires à prendre des pertes. Un évènement de défaut sanctionné comme tel par les agences de notation. Une spirale infernale s'engagea alors sur la dette irlandaise, le marché n'ayant plus confiance dans les banques irlandaises, donc dans l'Etat souverain, et l'Irlande fut forcée de recourir à un programme d'aide du FMI et de l'Union européenne. Sous la pression de la BCE, mais aussi dans la continuité des politiques antérieures, les dettes seniors des banques continuèrent d'être remboursées.

A plus de 75%, les immenses besoins de recapitalisation du secteur irlandais ont donc été supportés par les contribuables irlandais. En intégrant les ressources du fond de pension national, ce sont plus de 65 milliards d'euros qui ont été injectés dans les banques et, selon Eurostat, les engagements au bilan et hors bilan des administrations irlandaises vis-à-vis des banques représentaient près de 190 milliards d'euros fin 2011...**

Le système bancaire irlandais après la tempête

Que reste-t-il après ces années mouvementées ? Une gigantesque bad bank, Anglo Irish Bank, fusionnée avec Irish Nationwide Building Society et rebaptisée Irish Bank Resolution Corporation, deux grandes banques partiellement nationalisées, AIB et BOI, qui peinent à retrouver des couleurs et surtout la NAMA, l'agence qui détient les actifs « pourris » et cherche à les céder, induisant une très forte pression à la baisse sur la valorisation des actifs irlandais.

Par ailleurs, en octobre 2012, Eurostat a confirmé que l'importante dette de NAMA sera sortie de la dette publique irlandaise du fait de la cession d'une partie du capital à un investisseur privé. Ceci a été rendu possible par la décote importante sur les actifs (NAMA a acheté à environ 40% du pair) qui rend les perspectives financières de l'agence acceptables pour un investisseur privé. Le retour à l'équilibre du marché bancaire irlandais est indissociablement lié à l'épuration de la dette immobilière et au rétablissement des comptes publics. Il prendra des années, peut-être des décennies.

 

* Etendu plus tard à fin décembre 2010 sur les dettes seniors
** Contre un PIB à prix de marché de 159 milliards d'euros

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