Le e-commerce, un vrai faux coupable

Par par Jérémie Herscovic, Président et Cofondateur de socloz.com  |   |  1066  mots
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Les difficultés rencontrées par certaines grandes enseignes de magasins « physiques », comme Virgin ou Surcouf tendent à alimenter certains discours dénonçant le e-commerce comme le tueur du bon vieux commerce « tradi ». À y regarder de plus près, chiffres à l'appui, cette critique paraît infondée. Et d'autant plus que les pratiques du e-commerce sont en passe d'être intégrées dans les magasins, offrant ainsi plus de confort aux consommateurs. Plaidoyer.

Internet ne tue pas les magasins physiques! Il est primordial de casser cet adage. En premier lieu, les ventes sur Internet représentent, toutes catégories confondues, près de 8% des ventes de détail (1), le restant s'effectuant en magasin (soit 92%). Comment peut-on alors dire que 8% tuent 92%?
D'ailleurs, le constat demeure le même dans des pays à l'e-commerce plus mature (comme les États-Unis, l'Allemagne ou le Japon) qui ne présentent pas des taux de pénétration largement plus élevés (hormis l'Angleterre). Si bien que, dans les dix prochaines années, Internet ne devrait pas peser plus de 15 à 20%. La raison d'une telle limite tient au fait que, pour une majorité des catégories de produits (à l'exception du tourisme et des produits culturels), les internautes déclarent avoir le besoin de toucher le produit, de le voir, ou de bénéficier de conseils (2).Les croque-morts des magasins physiques auraient-ils oublié que les magasins demeurent l'essence même du shopping à travers l'expérience sensorielle qu'ils proposent? Les taux de transformation d'Internet (1%) par rapport à ceux des magasins (55%) n'en sont-ils pas une preuve?

Les erreurs et points faibles de Virgin et de Surcouf
2012 nous a démontré, avec l'émergence du web-to-store - cette tendance soulignant que près de 75% des internautes (3) font des recherches en ligne avant de se rendre en magasin - que le rôle d'Internet était en pleine mutation. En effet, près de 20% des ventes de détail réalisées en magasin sont déjà influencées par Internet. Dans ce cadre, Internet est bien plus un canal de prescription des ventes en magasin qu'un simple canal d'achat. Le succès des plates-formes de pré-shopping constitue bien une preuve à l'émergence de ce concept.
Pour achever cette idée qu'Internet tue les magasins, il est à remarquer que l'ensemble des distributeurs converge en termes de canaux de vente. Si les enseignes ont pour la plupart lancé un site de e-commerce, de plus en plus de pure players (PixMania, CDiscount, GrosBill, Menlook, etc.) ont ouvert des magasins. Même le champion des champions des prédateurs, Amazon, y pense! Mais comment expliquer les difficultés de Virgin, de Surcouf, et les autres?
Si Internet ne tue pas les magasins physiques, le e-commerce est clairement apparu comme un nouveau terrain de jeu. Ne pas s'y positionner ou y venir trop tard expose les enseignes concernées à des risques. L'émergence rapide de ce terrain de jeu a bouleversé à la même vitesse l'environnement concurrentiel, créant des opportunités pour certains et des menaces pour d'autres. À ce petit jeu, les premiers entrants bénéficient d'un avantage évident.
À titre d'exemple, Virgin est principalement victime de son immobilisme sur trois points. En premier lieu, l'assortiment de produits de l'enseigne n'a que peu évolué en l'espace de dix ans. C'est d'autant plus dommageable que son assortiment de base (musique, livres, DVD) est constitué de catégories de biens pour lesquelles toucher et voir le produit n'est pas primordial (4).Son quasi-immobilisme sur son assortiment condamnait Virgin à une stratégie Internet réussie. L'enseigne avait le choix entre vendre des CD sur Internet à la manière d'Amazon, de CDiscount ou de Fnac.fr, ou se positionner sur du téléchargement légal. La deuxième stratégie a été retenue. Problème de taille, le mastodonte Apple a instauré un modèle ne permettant pas à un distributeur d'être rentable sur du téléchargement légal. Virgin n'a alors pas migré vers une stratégie de vente de CD à distance, un choix rendu difficile au regard de la présence de trois acteurs déjà bien installés sur le segment. Mais, quand on a une marque aussi forte que celle de Virgin, rien n'est impossible!
Dernier point, le parc de magasins de l'enseigne s'est avéré de plus en plus problématique au regard de l'évolution du marché. Virgin est une enseigne implantée dans les grandes villes où l'offre de produits culturels est pléthorique et où Internet pénètre mieux. Au final, Virgin a été victime de problématiques stratégiques. Internet est innocent.
L'enseigne Surcouf, quant à elle, a démontré principalement deux points faibles. Le nombre de magasins constituant son parc ne lui a pas permis de présenter des volumes d'achats assez conséquents pour afficher des prix aussi compétitifs que ses concurrents. Deuxième point, son expérience en magasin n'a cessé d'être dénoncée par les consommateurs. Entre difficulté de trouver un vendeur, et qualité des informations fournies, les consommateurs n'ont trouvé que peu de valeur ajoutée à s'y déplacer. Internet est innocent.

En 2013, internet va faire allégeance aux magasins « physiques »
2013 sonnera, tambour battant, le retour des magasins dans l'arène médiatique. Tout d'abord, le web-to-store va s'imposer comme la version 2 du e-commerce. Dans les habitudes de consommation, il apparaîtra clairement qu'Internet permet de préparer ses achats en magasins. À date, le web-to-store se limitait à renseigner l'internaute sur l'offre des magasins. En 2013, des services seront mis à disposition de l'internaute afin de faciliter son déplacement. Un premier pas vers la digitalisation des points de vente.
L'effet principal d'Internet sur les magasins? Une demande des consommateurs pour une expérience renouvelée, facilitant le confort d'achat (géolocalisation en magasin, catalogues interactifs sur bornes, vitrines interactives, miroirs ou applications de simulation de produits, envoi d'offres personnalisées sur le mobile, information produit via QR Code ou NFC, paiement sans contact...).De ce point de vue, les initiatives sont encore rares mais demeurent clairement dans l'air du temps. Aucune solution claire n'a pu réellement émerger à ce jour parce que la digitalisation doit s'accompagner de changement de processus opératoires importants, modifiant les standards en matière de rôle des vendeurs en magasins.
De manière générale, opposer Internet et les magasins n'a pas de sens. Ces canaux se complètent et s'alimentent. Ce qui changera en 2013, c'est surtout notre perception de cette histoire. Internet ne tue pas les magasins tout autant que le tout-physique n'existe plus. Internet est innocent!

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1- Toutes catégories confondues - selon les catégories de produit, la pénétration d'Internet peut aller de 3 % à 40 %. Chiffres Précepta / Xerfi (2012). 2 - Données Médiamétrie 2012. 3 - Données Médiamétrie 2012. 4 - Internet représente 18 % des ventes de produits culturels. Données Fevad 2012.