Du risque de trop favoriser les Scop

Les Scop, ou plus précisément, les sociétés coopératives et participatives, ont le vent en poupe. Le ministère délégué à l'Economie Sociale et Solidaire a récemment indiqué qu'il désirait créer un "choc coopératif".
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Une réforme législative des Scop est à l'étude. Sept leviers sont mis en avant : la création d'un droit de préférence pour le rachat d'entreprise par une Scop, l'amélioration de la compréhension par la justice du statut de Scop, la création d'un statut transitoire pour la reprise d'entreprises en Scop, le développement des capacités d'innovation des Scop, la constitution de groupe coopératif, le soutient du réseau d'accompagnement et le développement des Scop à l'export. Parmi ces sept leviers, les deux premiers nous intéressent plus particulièrement. Ils auraient notamment vocation à donner une plus grande place aux Scop dans le cadre de la reprise d'entreprises en difficulté.

Les tribunaux de commerce s'attachent aux capacités de financement des repreneurs

Aujourd'hui, il incombe au Tribunal de commerce la lourde tache d'apprécier, de trier, de rejeter ou de retenir le « bon » projet d'offre de reprise. Le droit positif s'attache au nombre d'emplois sauvés et à la pérennité du projet d'offre. Il s'agit, en effet, de trouver le bon repreneur. Celui qui, non seulement, sauvera l'entreprise mais qui la sauvera de manière durable. Afin d'apprécier ce caractère, une grande importance est attachée aux prévisions d'activité et de financement du repreneur.

Or, souvent les Scop peinent à trouver ce financement. A cette difficulté de trouver un financement s'ajoute, pour les Scop créées aux fins de dépôt d'une offre de reprise, celle pour les salariés de s'improviser du jour au lendemain en "manager" de l'entreprise. Cette dernière difficulté entraine souvent la première. Ce n'est pas « l'amélioration de la compréhension des Scop par la justice » qui semble pouvoir modifier cet état de fait. Les magistrats consulaires connaissent parfaitement les Scops (elles font partie de notre « paysage culturel » depuis de nombreuses décennies et le statut juridique qu'elles utilisent, SA ou SARL, est très familier) et traitent de manière régulière des offres déposées par des Scop.

Des difficultés inhérentes aux projets des Scop

Cette mesure d'amélioration serait destinée à lever les préventions contre les Scop au niveau des Tribunaux de commerce. Mais justement, les seules préventions existantes sont liées aux difficultés précitées, difficultés inhérentes aux projets de Scop mis en place dans le cadre de projet de reprise. Il semble alors plus important de modifier cet état de fait en favorisant tout ce permettra aux Scop de se financer, de se faire seconder, pour leur permettre de déposer des offres compétitives plutôt que de faire ?uvre de pédagogie. Ces offres plus compétitives que celles présentées aujourd'hui s'imposeront alors naturellement par rapport aux autres.

Le ministère est peu disert quant à ce qu'il faut entendre par la notion de droit de préférence pour le rachat d'entreprise par une Scop. S'il s'agit de donner du temps aux salariés, l'idée peut sembler séduisante, sous une réserve pour les entreprises en difficulté, le temps est souvent ce qui manque le plus, il ne faudrait pas que ce temps complémentaire vienne « plomber » la situation de l'entreprise.

Un principe de préférence extrêmement dangereux

En revanche, s'il s'agit de poser un principe de préférence lié à la qualité du repreneur, cela nous semble extrêmement dangereux. Cela reviendrait, en effet, à dénaturer le fondement du choix du repreneur, en cessant de s'attacher au but recherché, identifier la « bonne » offre, celle qui permettra de sauver des emplois de manière pérenne, pour s'intéresser seulement à la qualité du repreneur.

Quant à la notion « de droit préférentiel de rachat à offre égale », elle a des effets identiques. Il est aujourd'hui demandé aux magistrats de choisir, entre deux offres proches ou identiques, l'offre dont ils pensent qu'elle permettra le mieux de sauver le plus d'emplois de manière pérenne. Si les Scop bénéficient, à priori, d'un « droit préférentiel de rachat », ce critère disparaitra et il sera demandé aux magistrats de faire l'économie d'une analyse pourtant essentielle...surtout pour ceux que cette réforme cherchent à protéger.

 

 


 

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