Quelle démocratie dans les intercommunalités ?

Les intercommunalités sont de plus en plus puissantes, mais la démocratisation ne suit pas. Pourquoi attendre pour l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires"?
Vincent Feltesse, président de la Communauté urbaine de Bordeaux, député de la Gironde @ PS

Le projet de loi sur les élections locales est discuté ces jours-ci à l'Assemblée nationale. Il stipule que les assemblées intercommunales seront désormais désignées dans le cadre des élections municipales par un système de « fléchage ».Concrètement, sur chacune des listes candidates aux municipales, on indiquera les personnes qui siégeront au niveau intercommunal. Ainsi, nous dit-on, les délégués communautaires seront élus au suffrage universel direct et la démocratie locale reconnue à sa juste valeur. C'est se payer de mots"! Le fléchage est certes une avancée par rapport à l'insatisfaisant système en vigueur qui consiste à élire indirectement, et sur une base communale, des assemblées qui lèvent l'impôt, exercent des compétences primordiales (urbanisme et logement, transports, développement économique, eau et assainissement, équipements culturels et sportifs...) et gèrent des budgets parfois équivalents à ceux des régions et des départements. Le budget de la communauté urbaine de Bordeaux"? 1,3 milliard d'euros"! Trois fois celui de la ville.
Mais il faut aller plus loin, et dès maintenant, au moins pour les intercommunalités les plus intégrées. Marylise Lebranchu a évoqué la possibilité d'introduire l'élection au su#rage universel direct des conseillers communautaires... en 2020. Pourquoi attendre"? De nombreuses propositions ont émergé du débat public : élection distincte à l'échelle de l'agglomération, fléchage par les électeurs, scrutin mixte mêlant représentation des citoyens et représentation des communes... Débattons-enet choisissons"!

« La ville a débordé les frontières communales, rendues dérisoires »

Une solution équilibrée pourrait être d'élire une partie du conseil communautaire au su#rage universel direct, l'autre restant élue indirectement à la proportionnelle au sein des conseils municipaux. A minima, faisons en sorte que le fléchage prévu ne concerne pas forcément les premiers positionnés sur les listes municipales, mais que tout candidat figurant en position éligible puisse être désigné. Faisons surtout en sorte que les électeurs sachent quel candidat à la présidence de leur intercommunalité la liste pour laquelle ils votent soutiendra.
Et la parité"? Et la participation citoyenne"? Doivent-elles attendre elles aussi"? Il n'y a aucune raison que les intercommunalités échappent à l'obligation de parité à laquelle sont progressivement soumises toutes les collectivités locales. Les assemblées communautaires, tout comme leurs instances exécutives (les « bureaux » où siègent le président et les vice-présidents), doivent être composées d'un nombre égal d'hommes et de femmes, un point c'est tout. Le récent rejet par le Sénat du mode de scrutin paritaire imaginé pour les élections cantonales montre à quel point les mentalités sont dures à faire bouger sur ce sujet.

« La commune n'est pas caduque et reste l'échelon démocratique fondamental »

Quant à la participation citoyenne, l'outil existe pour la faire vivre dans les agglomérations : c'est le Conseil de développement, créé par la loi Voynet en 1999. Mais il faut lui donner un vrai cadre juridique pour assurer son indépendance et le doter de vrais moyens à la hauteur de ses missions. Garantissons par la loi leur existence, au moins dans les communautés urbaines et d'agglomération. Garantissons l'indépendance de leurs présidents et la possibilité de s'autosaisir. Rendons leur avis obligatoire sur les délibérations communautaires les plus importantes. Assurons leur vitalité, et leur renouvellement en innovant dans leur mode de composition et en recourant, pourquoi pas, au tirage au sort. Nous l'avons fait à Bordeaux, cela peut être généralisé. Ces réformes nécessaires n'épuisent pas, loin de là, la question intercommunale. L'urbanisation, l'évolution des modes de vie, l'explosion des mobilités - bref, la métropolisation - font que partout dans nos agglomérations la ville a débordé les frontières communales et les a rendues à bien des égards dérisoires.
La commune n'est pas caduque et reste l'échelon démocratique fondamental, direct et irremplaçable, de la proximité. Mais c'est bien au niveau métropolitain que la ville vit désormais et doit donc être gouvernée. Il y faudra plus que du fléchage : une reconnaissance politique, des compétences renforcées, une démocratie réelle. Gageons que le futur projet de loi sur la décentralisation sera à la hauteur de l'enjeu.
 

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2013 à 2:13
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Tout les français le savent, les maires ont tout pouvoir dans leur ville, augmenter à leur guise les impôts locaux et emprunter à leur guise pour financer leurs projets, si la cour des comptes regardait de près, elle sortirait des anomalies flagrante...

à écrit le 21/02/2013 à 7:32
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Les intercos ne sont jamais que les nouvelles baronnies. Les maires des communes les plus peuplées les gouvernent sans partage.A terme il ne restera aux élus des communes les plus petites que les mariages et les enterrements.

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