Du scandale Spanghero... à la rente céréalière

À force d'endormir nos enfants en leur lisant des histoires de belles fermières et de vaches aux longs cils, on finirait presque par oublier que l'agriculture est un business et entretient avec les images des abécédaires un rapport aussi éloigné qu'une charrette avec un TGV. Heureusement, il y a de temps en temps une belle et grande affaire pour nous faire passer des rêveries enfantines à la réalité...
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Celle de la viande de cheval en est une. Faux étiquetages, gros sous, montages financiers indéchiffrables, circuits commerciaux alambiqués : tout y est.
À Bruxelles, les ministres défilent, se fâchent devant les micros ouverts et promettent de revoir la réglementation pour protéger le consommateur. Mais il y a peut-être plus à apprendre de cette affaire que la facilité avec laquelle il est possible de changer une étiquette. Il y a par exemple la domination de plus en plus nette de l'industrie céréalière sur les filières agricoles, y compris celle de l'élevage et de la production de viande. Le scandale de la viande de cheval est un cas d'école.

L'empire Unigrains croise le chemin de Spanghero

Petit rappel. En février, la société Comigel, qui prépare des plats surgelés pour, notamment, Findus, annonce qu'elle est victime d'une escroquerie de la part de son fournisseur, la société Spanghero, basée à Castelnaudary, laquelle lui a vendu de la viande de cheval pour du b?uf. Comigel, créée en 2006 à Metz, est l'une des nombreuses filiales, via Céréa Capital, d'Unigrains, le fonds réunissant les intérêts des organisations céréalières françaises. Avec 650 millions d'euros de participations en portefeuille, Unigrains a les reins solides et intervient via pas moins de 200 entreprises en capital développement. C'est un empire... qui croise le chemin de Spanghero, le fournisseur peu scrupuleux de Comigel.
Unigrains et Céréa financent en effet le développement de Lur Berri, la « coopérative » qui contrôle l'entreprise Spanghero. Ce sont eux qui vont permettre à l'entreprise de pratiquement doubler de taille en 2012 grâce à l'augmentation de sa participation dans le groupe Labeyrie Fine Foods, connu pour ses foies gras. Comme l'indique un communiqué d'Unigrains daté du 30 janvier, « le financement de l'opération a été assuré avec l'appui actif de Céréa Mezzanine et d'Unigrains ». En un seul exercice, le chiffre d'affaires de la coopérative bondit de 610 millions à plus d'un milliard d'euros.Il était de seulement 325 millions en 2006-2007.

Dans le monde agricole, le "marché" est une notion toute relative

Cela ne veut bien sûr pas dire que les intérêts de Spanghero et de sa « victime » Comigel étaient directement liés dans l'affaire de la viande de cheval. En revanche, le développement de chacune de ces deux sociétés est régi par la stratégie d'un seul et unique groupe d'acteurs : les organisations céréalières.On pourrait considérer que la montée en puissance de ces dernières dans les différentes filières est dans l'ordre des choses, que c'est un processus de concentration classique, commandé par la logique du marché. Sauf que dans le monde agricole, qui voit pleuvoir sur lui la manne de la politique agricole commune, le « marché » est une notion toute relative. Et les producteurs de céréales sont depuis des années les principaux bénéficiaires des aides européennes dans des proportions et selon des modalités qui s'avèrent de moins en moins défendables, comme le rappelait le quotidien Libération le 7 février dernier.

Le mot « rente » est tabou à Bruxelles où l'on se targue de défendre les principes d'une économie productive et compétitive. Pourtant, il n'y a que lui pour qualifier des aides à l'hectare qui permettent de majorer les bénéfices (pas leur chiffre d'affaires) d'environ 50%... pendant que « les éleveurs ne touchent pratiquement rien », explique le spécialiste de Libération Jean Quatremer. De là à dire que la PAC déséquilibre les relations entre les différentes filières agricoles, il n'y a qu'un pas. À y regarder de plus près, le scandale Spanghero appelle peut-être davantage de réformes que celle des règles d'étiquetage des paquets de viande.

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Commentaires 33
à écrit le 11/03/2013 à 22:28
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c/est toute la filière qu/il convient de faire condamner

à écrit le 07/03/2013 à 17:11
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Merci pour votre article!!!!! extrêmement bien résumé!!!! La PAC sans contrôle a développé ce que l'on peut appeler sans jeu de mots une agriculture hautement spéculative!!!

à écrit le 07/03/2013 à 14:44
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c'est une affaire mafieuse, entre les lobbyistes et l'union européenne, pour distribuer la PAC. Honte à cela, bientôt aucune vache ne sera sur le sol français, car cela ne rapporte rien. Toutes les aides vont aux céréaliers, et les vaches ne mangent ...

le 15/08/2015 à 16:56
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les pilotes comme les contrôleurs petit à petit creuse leur tombe. Un futur dépôt de bilan un bien pour les clients usagers contribuables... comme ça sera le cas pour la sncf en 2019. Que du bonheur de les voir disparaître...

à écrit le 07/03/2013 à 13:53
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La PAC revient à financer une activité mature, ancienne au détriment de la préparation de l'avenir et de la création de nouvelles entreprises dans les secteurs de demain.

le 07/03/2013 à 15:21
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Très juste : vive l'ogm et l'augmentation des maladies.

à écrit le 07/03/2013 à 11:41
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Et la cuillère de bois cette année est remise cette année,sous vos huées... à l'entreprise Spanghero !

le 07/03/2013 à 12:28
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Après avoir perdu au pays des lasagnes, subi la vigueur de la Galle, s'etre écorché sur les épines de la rose, il ne reste plusqu'à manger du mauvais trèfle et à se piquer aux chardrons, et bien.... on l'aura la cuiller de bois...Après ça, un bon rem...

à écrit le 07/03/2013 à 11:27
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Moi je voudrais poser une question aux éleveurs. Pourquoi maintenant, donnez vous à manger à vos vaches des tourteaux de céréales (blé, mais, soja) qui se réduisent le plus souvent en farines, vous voyez les vaches manger de la farine? Pourquoi n'am...

le 07/03/2013 à 15:20
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Vous devriez connaître un agriculteur et un éleveur. Des VRAIS, je veux dire. Là, déjà, mon copain agriculteur m'en raconte des tellement écoeurantes sur le système, que parfois, je me demande s'il n?exagère pas. Mais à chaque fois, les affaires qui ...

le 07/03/2013 à 15:46
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eh bien moi j'ai mon voisin et ami agriculteur(en bretagne) ses vaches sont elevees a l'herbe toute l'annee il cultive son maispour en faire de l'ensilage de telle maniere que l'hiver il y ait un complement alimentaire car moins d'herbe et par dessus...

à écrit le 07/03/2013 à 10:49
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Et n'oublions pas les COOPERATIVES agricoles dont certaines sont devenues de véritables rouleaux compresseurs, plus proches dans leur "philosophie" de l'esprit de la grande distribution que de la véritable mentalité coopératrice des années 60 lorsque...

à écrit le 07/03/2013 à 10:43
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Excellente analyse très claire. Merci beaucoup!!!

à écrit le 07/03/2013 à 9:51
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La PAC a sûrement des défauts mais cela n'a rien à voir avec les excès de certains opérateurs qui s'apparentent aux excès de la finance. Les chiffres de l'article de Libé cité en référence sur les aides PAC sont complètement faux, en particulier l...

à écrit le 07/03/2013 à 9:15
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au dela de la supercherie entre viande de boeuf et cheval car il va sans dire que c'est une escroquerie mais "non mortelle" personne de l'extreme droite a l'extreme gauche ne denonce le vrai scandale : c'est celui de l'acheminement de la viande. elle...

le 07/03/2013 à 11:38
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cela aurait ete pourtant un sacré "cheval de bataille" que de denoncer toutes ces magouillessur l'agro alimentaire

à écrit le 07/03/2013 à 8:58
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Le petit Spanghero était financé par les gros richards de céréaliers, c'est pour ça qu'il trichait ma bonne dame ! Extraordinaire manie française de toujours tout ramener au "méchant" gros qui vit sur le dos des petits" tout bon". C'est tellement plu...

à écrit le 07/03/2013 à 6:49
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ce système mafieux doit changer.Dans les DOM-TOM l'agricolture est subventionnée à 100 % et ces gens la ne produisent rien qui puisse etre jeté sur les marchés mondiaux, voir: sucre,bananes,café,fruits,etc. tout un gaspillage toleré et payé par les c...

à écrit le 07/03/2013 à 6:40
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je rappelle que si il y a eu fraude, il n'y a eu ni morts ni malades !!!! et si la fraude provoque des milliers de chômeurs, alors, oui la France mérite ce qui lui arrive !!!

le 07/03/2013 à 15:12
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Je vous rappelle aussi que, même sans morts immédiats, l'amiante tue ENCORE maintenant.

à écrit le 06/03/2013 à 22:40
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Ca demontre que la PAC a serieusement besoin d'etre reforme. Les bonus des banquiers sont sur la sellette, pourquoi pas demander des questions au secteur agricole.... au moins les banques ne nous vendent pas de la mal bouffe. La PAC represente 40 pct...

à écrit le 06/03/2013 à 22:38
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le petit paysan besogneux qui entretien nos paysan est mis en scène pour faire oublier les potentats mafieux qui jouissent de la complicité du monde politique et médiatique . Nous ne sommes pas dupes .

à écrit le 06/03/2013 à 22:37
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On la connait la ritournelle des céréaliers : l'année où il a trop plu (1 année sur 10) "ouin ouin vite l'Etat viens nous aider". Les 9 autres années, c'est machines achetées cash, grosses bagnoles et toupourmagueule.

à écrit le 06/03/2013 à 21:59
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Que dit la FNSEA? Plus soucieuse de défendre les gros que les petits! Quelle responsabilité dans l'évolution que l'on connait avec ses dérives honteuses?

à écrit le 06/03/2013 à 21:48
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Bravo libé et Mme autret et honte aux grands céréalier 600000€ de subvention moyenne par exploitation paraît il

le 06/03/2013 à 22:01
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Avec cela, de belles voitures, des vacances à la neige et sous les tropiques, investissements immobiliers.

le 07/03/2013 à 6:36
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avec cela, le nouveau tracteur qui fait travaillé x personnes la nouvelle arracheuse de betterave qui fait travaillé x personnes etc......

à écrit le 06/03/2013 à 19:44
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Vivement la suite, en feuilleton please, de unigrain à sofiproteol à la fnsea ?

à écrit le 06/03/2013 à 19:44
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Non! L'agriculture n'est pas un business! Les agriculteurs n'ont plus grand chose à dire dans des coopératives où les technocrates ont pris les rênes. Il reste autant de lien entre l'agriculture et Céréa Capital ou Unigrains, qu'entre lui et le Crédi...

le 06/03/2013 à 21:06
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Ce n'est pas l'agriculture qui est en effet à l'origine de la corruption. Comme celle du reste du monde du travail, d'ailleurs. Ce sont ceux qui en profitent. Soit, maintenant un tiers de vautours.

le 07/03/2013 à 10:05
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c'est mangeable en surgelés le vautour, à moins que ce soit une espèce protégée?

à écrit le 06/03/2013 à 18:24
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franchement, faire le lien entre une fraude (étiquetage), -dont les tribunaux diront in fine si Spanghero jeté en pature par les politiques et les médias est bien coupable -, et une concentration de ce secteur (de quand datent les grandes coopérative...

le 06/03/2013 à 19:52
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A la vue de ce que vous écrivez, soit vous ne connaissez pas le monde agricole, et céréalier en particulier, soit ... vous le connaissez trop "bien"...

à écrit le 06/03/2013 à 18:03
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En écrivant cela, vous allez sacrément vous faire apprécier de la FNSEA... ;-)

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