Crise : ces remèdes qui tuent lentement le malade

Par par François Leclerc, ancien conseiller de l'AFP  |   |  636  mots
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Pour les gouvernements, il n'y a plus que de mauvaises solutions pour trouver la moins mauvaise voie. On le constate, la rigueur budgétaire ne fait pas bon ménage avec une relance. Et pendant ce temps-là, une nouvelle et inquiétante bulle d'actifs est en train de se créer...L'analyse de François Leclerc, auteur de La crise n'est pas une fatalité (éditions Osez la République sociale) qui tient "La chronique de l'actualité de demain" sur le blog de Paul Jorion.

La dynamique de la crise emprunte de nouvelles voies. Afin de favoriser une relance, la course aux dévaluations compétitives se poursuit avec le Royaume-Uni, dont l'entrée en lice se prépare. Une course qui porte en elle des déséquilibres monétaires accentués et souligne d'autant plus le verrouillage de la réforme du système monétaire international.
Parallèlement, de nouveaux acteurs sont entrés dans le jeu : des manifestations massives se succèdent sur les grandes places d'Athènes, de Madrid, de Barcelone, ainsi que de Rome et de Sofia depuis peu. De leur côté, les banques centrales continuent de jouer « perso » une partie qui pour être efficace devrait être collective, tiraillées entre des impératifs contradictoires. Ce qui, dans leur majorité, les conduit au surplace, tout en étant conscientes du caractère palliatif limité de leurs mesures.
Pour les gouvernements, il n'y a plus que de mauvaises solutions avec lesquelles trouver la moins mauvaise voie. La rigueur budgétaire ne fait pas bon ménage avec une relance qui allégerait le poids du désendettement, et les tentatives pour combiner les deux ne dépassent pas le niveau des intentions. Les effets des dévaluations compétitives s'annulent entre elles, mais atteignent les pays « émergés » dont il était escompté hier qu'ils tirent la croissance.

Inflation, déflation et, depuis peu, stagflation
Les banques centrales contribuent par leur politique très accommodante à la formation d'une nouvelle bulle d'actifs, d'autant plus préoccupante que la régulation financière a été considérablement retardée et assouplie, au prétexte de ne pas casser l'instrument dont le salut est attendu - bien qu'il soit à l'origine du drame. On n'est d'ailleurs pas à un paradoxe près, en faisant passer, à la faveur des circonstances, des réformes d'inspiration libérale comme des remèdes aux maux qu'elles ont déclenchés.
Inflation, déflation et, depuis peu, stagflation... La ronde des mots qui font peur a repris, sans savoir celui qui sortira vainqueur de la danse, tandis que l'Europe tout entière s'enfonce dans la récession. Les banques centrales s'interrogent sur la définition de leur cible, envisagent de la modifier, quand ce n'est déjà fait, et l'on en vient au final à déboulonner les statues. Lord Adair Turner, président du FSA (Financial Services Authority), le régulateur britannique, et candidat malheureux à la succession de sir Mervyn King à la tête de la Banque d'Angleterre, s'interroge à haute voix. Il se demande si les banques centrales ne devraient pas engager des programmes massifs financés par la création monétaire, mais destinés directement aux entreprises et aux particuliers, enjambant les banques puisque celles-ci ne font pas descendre les liquidités dans l'économie réelle.

À terme, les classes moyennes et les équilibres sociaux sont menacés

Le désendettement ne se passant pas comme voulu, on en revient toujours aux mêmes solutions finales : la monétisation de la dette ou sa restructuration. Dans une logique de préservation du système financier, la première solution est naturellement prioritaire. Telle qu'engagée, elle brave le danger de l'inflation, les yeux fixés sur celle des prix à la consommation, sans se soucier du gonflement des actifs et de la formation d'une nouvelle bulle promise à l'éclatement. À tourner le dos à des mises en cause qui touchent au système monétaire et à la nature comme au poids de l'activité financière, d'autres reconsidérations s'imposent : l'État perd progressivement les moyens d'être l'instrument de la « providence » et prend le chemin de ne plus dispenser qu'un filet de survie, les classes moyennes et les équilibres sociaux à terme menacés. Ayant acquis ses dimensions monétaire et sociale, la crise atteindra alors sa plénitude.