Scandale des viandes : "c'est très regrettable, mais il ne faut pas généraliser"

Après la viande de cheval vendue comme du bœuf, du mouton importé illégalement a été découvert dans les entrepôts de Spanghero à Castelnaudary. Un nouveau rebondissement dans une affaire qui a permis de révéler non pas une mais plusieurs filières pratiquant des activités apparemment frauduleuses. Jean-Paul Simier, spécialiste depuis 25 ans du commerce international de la viande, qui dès le début du scandale en février affirmait ne pas croire à de "vastes réseaux de trafiquants en Europe", persiste dans cette analyse. Et explique comment tirer les leçons de cette crise de confiance.
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Au début du scandale de la viande de cheval, vous disiez ne pas croire à ?un vaste trafic de viande en Europe?, or, des fraudes ont révélés plusieurs filières posant problème. Avez-vous révisé votre jugement ?

Jean-Paul Simier  :  Non. Je suis un scientifique, je regarde les chiffres. J?ai refait le calcul. D'après ce que nous savons, il y a 1000 tonnes de viande concernée. Sur les 42 millions de tonnes consommées chaque année dans l'Union européenne, cela ne représente que 0,0002% du total. C?est une goutte d?eau dans l?océan qui va certes concerner des milliers de gens parce que des milliers de plats sont ensuite touchés, mais cela reste marginal. Comme les accidents de voiture, ce n?est pas parce qu?il y en a que ça doit empêcher les gens de conduire. Je ne suis pas le seul à dire cela. Les gens qui connaissent bien le sujet partagent le même avis.

Même si cela ne concerne qu?une minorité d?acteurs, l?accumulation des cas jette tout de même le discrédit sur toute une filière?

Je ne minore pas l?importance du cas. Je trouve ça très grave. C?est très pénalisant pour l?ensemble de la filière, mais il ne faut pas généraliser. C?est injuste pour tous les gens qui travaillent correctement. On va finir par faire entrer l?idée dans les esprits qu?il y a un problème majeur dans la qualité des produits. Je le conteste totalement. Je le répète, les standards de sécurité en Europe font partie des plus élevés d?Europe.

Pour éviter de nouvelles fraudes impliquant des intermédiaires, comment encadrer l'activité des très nombreux intermédiaires intervenants dans le commerce de la viande?

Il faudrait un vrai enregistrement des traders aux registres du commerce et, encore une fois, un contrôle des produits renforcé. Mais c?est à nouveau une question de convergence européenne. On pourrait le faire en France, mais si on ne le fait pas aux Pays-Bas, cela aura peu d?impact?

Quelles pistes faut-il suivre pour qu'une telle crise de confiance ne se reproduise plus?

Il faut renforcer les contrôles en Europe et à l?échelle de la planète. Attention, tout ce qui est importé n?est pas mauvais. Mais il est vrai que si les standards de qualité convergent en Europe, il reste encore des disparités. Les contrôles sont très importants de l?élevage à l?abattoir, moins après. Il faut renforcer la traçabilité en aval. Mais accepter aussi d?en payer le prix. Si les gens veulent des produits de qualité, il faut qu?ils acceptent de payer plus cher.

Par ailleurs, le gouvernement tente de pousser davantage pour identifier l?origine des produits. C?est sur les plats cuisinés qu?il y a le plus de problèmes. Le consommateur doit savoir que plus il achète de produits transformés, plus il y a de risques. Et je rappelle que la grande majorité de la viande échangée en Europe n?est pas transformée mais brute. Les tests ADN aléatoires vont devenir systématiques, un peu comme le risque de redressement fiscal, cela devra agir pour limiter la tentation de tricher. Si demain, on mentionne l?origine de la viande contenue dans ces produits, cela va obliger le distributeur à contrôler ce qui s?y passe. 

Mais il faudra aussi imposer des règles sur les produits venant de l?extérieur de l?Union européenne. Un accord de libre-échange vient d?être signé avec le Canada dont presque personne n?a parlé. Une autre est en cours de négociation avec les Etats-Unis où est produite de la viande hormonée et où les OGM sont très bien acceptés? On dit que cette libéralisation des échanges peut accroître la croissance mondiale et les traders de viande y sont très favorables, mais comme on est loin de la convergence sanitaire, cela peut poser de grands problèmes. Or, je ne vois pas les Etats-Unis renforcer ses normes ni l?Union européenne abaisser les siennes. Il y a là un enjeu énorme.

La France notamment fait campagne à Bruxelles pour que l?origine des viandes soit mentionnée sur les étiquettes des produits transformés. Mais cela fait débat à Bruxelles. Qu?est-ce qui bloque ?

Globalement, les pays du Nord où le trading est plus fréquent s'y opposent. Et des groupes d?intérêt économiques, représentants surtout les deuxième et troisième degrés de transformations,  s?y opposent aussi car cela permet de conserver des sources d?approvisionnement plus importantes afin de jouer un maximum sur les prix et les quantités. Or, même s?il y a bien sûr de la viande de très bonne qualité provenant de Roumanie ou d'ailleurs, cela risque de pousser les consommateurs à se poser des questions. Lire sur une étiquette ?merguez d?agneau de Nouvelle Zélande? conduirait le consommateur à se demander ?tiens, pourquoi la viande vient-elle de si loin ?? A l?inverse, les producteurs comme la France se montrent davantage protectionnistes et sont donc plus favorables.

Cet étiquetage détaillé vous paraît-il nécessaire?

Pour le consommateur oui. Vous n?allez pas boire du vin sans savoir si c?est du Bordeaux ou du Bourgogne. De la même manière, il me paraît important de savoir d?où viennent les produits.

Quel pourrait en être l?intérêt pour les industriels?

En France, un pays où l?agroalimentaire a un poids très important, notre intérêt économique rejoint celui du consommateur. On a tout intérêt à réintégrer de la valeur dans le produit, y compris de la valeur symbolique et, même dans la grande distribution, à monter en gamme. 

* Jean-Paul Simier, directeur agroalimentaire au sein de l'agence Bretagne Developpement innovation rédige régulièrement des rapports sur le marché international de la viande.

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Commentaires 25
à écrit le 24/03/2013 à 11:13
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Môssieur est un scientifique, intéressé que par les chiffres.0,0002%, négligeable. Et tout est ainsi, à l'avenant des chiffres sans aucune considération pour ceux qui "bouffent" ces 0,0002%. Les chiffres justifient tout, particulièrement l'argent gag...

à écrit le 22/03/2013 à 11:14
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Eh .... le scientifique : tant que y étiez, avez-vous quantifié le pourcentage de crotte dans les gâteaux IKEA ?

à écrit le 22/03/2013 à 7:46
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La sécurité alimentaire n'existe plus aujourd'hui, c'est scandale sur scandale, car l'Europe n'aide que les banques. Il n'y a que très peu de contrôle en France avec la disparition d'un fonctionnaire sur deux. Il y a peut être vingt ans que l'on man...

le 22/03/2013 à 21:07
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sur ce qui concerne le porc vous affirmez sans savoir. je peux vous dire que cela est totalement faux d, ailleurs vous devez pas connaitre les règles que les services de la DSV ont établis sur l'incorporation des antibiotiques dans l aliment des p...

à écrit le 21/03/2013 à 19:41
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A contrario de votre titre, je pense qu'il faut généraliser. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas que le pb de la viande de cheval à aborder... quid de l'état des bêtes à l'arrivée, des traitements qu'ils ont subi en amont, des méthodes de conservation, ...

à écrit le 21/03/2013 à 12:06
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Si Jean-Paul Simier est aussi naïf il serait bon qu'il change de job , non ? où alors c'est autre chose ... Parce que là c'est grotesque, et on ne connaît que la pointe de l'iceberg.

à écrit le 21/03/2013 à 11:18
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hahahaha faut pas généraliser....hahahah ils nous prennent pour des ....

à écrit le 21/03/2013 à 9:03
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je travaille pour une societe qui propose des logiciels de gestion qualite, quand je m'adresse a l'industrie alimentaire on nous dit que cela n'est pas necessaire et que tout va bien.

à écrit le 21/03/2013 à 8:23
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C'est très généralisé, mais il ne faut rien regretter. Signé : un trader

à écrit le 21/03/2013 à 2:43
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Sérieusement; un représentant de l'industrie agro-alimentaire pour critiquer l'industrie agro-alimentaire ? Quel travail de journalisme objectif !

à écrit le 21/03/2013 à 1:42
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Non, en effet, ce n'est pas si grave. Tout le monde se fout de nous de toutes façons, il n'y a plus que des escrocs.

à écrit le 20/03/2013 à 23:54
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"les standards de sécurité en Europe font partie des plus élevés d?Europe."

à écrit le 20/03/2013 à 19:25
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Le Walter va devoir rejouer pour faire rentrer de la fraîche.

à écrit le 20/03/2013 à 15:01
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Faut pas généraliser??? Bah si bien sur que si !!! tout le monde ne pense qu'a sa gueule et se faire de l'oseille sur la trombine des autres !!!!

à écrit le 20/03/2013 à 14:18
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cite sans arrêt dans les medias le nom d une personne reconnu dans le sport qui vendu son entreprise depuis longtemps ne grandie pas les sources d informations CELA EST GRAVE POUR LES PERSONNES CITES ...

à écrit le 20/03/2013 à 13:48
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cette crise médiatisée de la viande est une vérité dites pour nous préparer au discours de vérité qui consiste a révéler qu'il n'y a plus assez de viande pour tout le monde.Mauvaise nouvelle, les chinois se sont mis a manger comme nous.

à écrit le 20/03/2013 à 13:47
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ce matin dans mon journal local le producteur d'oeufs de la drôme avait des poussins qui parlaient ... l'italien ! ( les oeufs direct italie ) la méfiance est de partout ! le boulanger du village a édité sur un sac son travail de A à Z !! il parle d...

le 22/03/2013 à 5:44
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Je suis en Normandie,pays des vaches de qualité.le bon beurre,la bonne crème,les bons yaourts sont étiquetés ;TRANSFORME EN FRANCE .

à écrit le 20/03/2013 à 13:44
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Ben voyons, ils veulent nous faire croire que c'est pas grave. Justement, plus personne ne fait confiance à la viande vendue, et les gens hésitent à acheter de la viande maintenant.

à écrit le 20/03/2013 à 13:40
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Tant qu'on ne verra pas clairement viande d'animaux non abattus de façon rituelle, cad non halal ou casher, sur les étiquettes, on ne risque surtout pas de les croire. Si on n'est pas capables d'afficher un message aussi simple et ne coûtant pas un c...

à écrit le 20/03/2013 à 13:22
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Pourquoi minimiser ou étouffer l'affaire ??? Ce scandale n'est que la partie émergée de l'iceberg, alors oui cela fait très peur, la santé du client où les super profits, le choix de la filière est fait.

à écrit le 20/03/2013 à 13:18
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"les standards de sécurité en Europe font partie des plus élevés d?Europe." des plus élevés du Monde ?

le 20/03/2013 à 17:34
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Je cherchais justement si qq1 avait déjà fait cette remarque... car sinon, c'est un peu trivial !

à écrit le 20/03/2013 à 12:54
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Au contraire il faut "généraliser" et mettre de l'ordre dans tout cela, il faut relocaliser la production, arrêter l'agriculture intensive pour une industrie intensive et ne pas parler des famines provoqués par cet état de fait!

à écrit le 20/03/2013 à 12:17
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... et le caviar de poule ce sont oeufs !?

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