Oxygéner la démocratie

Que se cache-t-il derrière l'affaire Cahuzac ? Un mensonge nous répète-t-on en boucle. Un homme si mal conseillé. Comment croire que l'on peut s'inscrire durablement dans le mensonge dans le temps de la transparence digitale ? Comment croire que les vieilles recettes de la communication de crise peuvent encore fonctionner ? Complices, déboussolés, dépassés, intéressés ... medias, politiques, conseillers ... l'enchainement Cahuzac révèle une crise de la gouvernance et plus grave une distance des élites avec le pays réel qui se confirme chaque jour d'avantage en rupture.
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Une "réalité politique parfaitement dissociée"
Baudrillard parlait déjà d' « une réalité politique parfaitement dissociée. D'un côté, la classe politique, micro-société parallèle secrètement en chômage technique, évoluant impunément ... De l'autre, une société «réelle» de plus en plus déconnectée de la sphère politique. Toutes deux, s'éloignant l'une de l'autre à une vitesse grand V, ... maintenue sous perfusion par le seul cordon ombilical des médias et des sondages. »
Dans l'enchainement Cahuzac il y a surtout l'une des faces sombre, celle-là, de l'exception française: cumuler, encore et toujours, et avec ces épaisseurs multiples s'isoler du terrain et s'éloigner du peuple. Trop de narration, pas assez d'intéraction et de conversation. Trop tard pour revenir en arrière ? Comme dans un monde à part, propriétaire et figé, les mêmes têtes politiques s'installent dans nos écrans au delà de deux voire trois générations. Pour le citoyen balloté par les vents de la mondialisation, le citoyen pour qui tout change dans sa propre vie, famille, emploi, géographies, ... tout sauf les acteurs du politique.

Une culture de l'impunité
Au delà, la permanence semble nourrir une sorte de culture de l'impunité et du déni de vérité. Engagements électoraux oubliés, gouvernance météorologique, actes du passé nié et finalement avoués : répétition de faits qui témoignent d'une dérive démocratique.  Le phénomène qui est loin d'être l'apanage du politique tant les élites françaises excellent dans l'art d'additionner les mandats, les emplois, les charges et les missions.
Conseils d'administration du CAC 40, offre médiatique, monde universitaire, secteur public et secteur privé, tous les espaces sont occupés, sur-occupés et dans la durée. Principal effet pervers, les cumulards édifient une barrière presqu'impossible à franchir pour de nouveaux entrants. Le problème est tout sauf mineur. On bloque le renouvellement fluide des élus et des élites. Résultat, la moyenne d'âge de la classe politique française est la plus élevée d'Europe et, ailleurs, le casting se renouvelle peu ou pas.

Les salariés du privé exclus de la candidature

Si nous voulons réellement oxygéner et fluidifier la vie politique de notre pays, il faut la rendre plus accessible aux citoyens. Fonctionnaires, retraités, surtout, professions libérales, chefs d'entreprises un peu, constituent dans des proportions respectives qui bougent selon les niveaux d'élection, l'essentiel du corpus des élus mais surtout, et c'est beaucoup plus grave, celui des candidats. L'ensemble des salariés du privé, comme les jeunes sont quasiment exclus de l'accès à la candidature avant même de parler d'élection. Comment peut-on imaginer aujourd'hui une représentation locale, nationale ou européenne aussi peu fidèle de la société française ?

Réguler sévèrement le cumul
Réguler sévèrement le cumul, en nombre et dans la durée, des mandats politiques et demain des autres mandats de gouvernance, c'est créer les conditions du renouvellement des élus et demain des élites. C'est faire monter de nouveaux candidats, aux histoires différentes. Quel salarié du secteur privé peut aujourd'hui se présenter devant son employeur pour lui annoncer qu'il va être candidat et qu'il se pourrait qu'il soit élu et qu'il voudrait donc pouvoir revenir à la fin de son mandat ? Aucun ou presque !

Un statut de l'élu
En complément de la régulation du cumul, c'est aussi du statut de l'élu qu'il est question. Une évolution vitale pour oxygéner la démocratie, la renforcer et la renouveler dans sa dimension représentative. Retour à l'emploi, retraite, aménagement du temps de travail, pour que les passages de la société civile à la société politique puissent se faire sans obstacle ... Alors que le statut du syndicaliste est heureusement depuis longtemps incontestable, quel engagement sociétal plus puissant, plus nécessaire et plus responsable que celui d'élu de la République !
La démocratie est un organe vivant, s'il s'agit de renouveler le personnel politique pour renouveler la démocratie, il s'agit aussi de protéger l'élu pour protéger la démocratie.
Notre société produirait ce qu'elle fabrique si peu : de la confiance, du respect et une volonté commune. La vraie démocratie participative contre les populismes ou la démocratie forcée. Nous ne pouvons attendre 2017 monsieur le Président.

*Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Conseil en communication d'influence
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

 

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Commentaires 32
à écrit le 04/04/2013 à 13:06
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M.Gallien,expliquez nous ou sont finis les noms des contribuables (franco-suisses) qui un voyous a volés chez une banque de Genève sous le ministre Woerth? Le ministre avant quitter son poste a déclaré que; tout est rentré dans l'ordre.Les braves co...

le 05/04/2013 à 10:38
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C'est en quelle langue ???

à écrit le 04/04/2013 à 11:39
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Une nouvelle jeune retraitée de plus à Paris, Anne Hidalgo a pris sa retraite d'inspectrice du travail à 52 ans, à cumuler avec ses indemnités de maire adjoint et d'autres emplois dans les agences publiques...

le 04/04/2013 à 12:41
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Et alors?

à écrit le 04/04/2013 à 10:45
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Vite la VI ème république ! Nos institutions ont fait leur temps il faut les changer !

à écrit le 04/04/2013 à 9:08
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hélas, vu le niveau des politiques français, leur complète déconnexion de la réalité, leur manque (doux euphémisme) de sens moral (responsable mais pas coupable... par exemple) que peut on espérer. Une réforme intéressante du programme de l'actuel pr...

à écrit le 04/04/2013 à 9:06
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Je suis surpris par votre proposition : "Si nous voulons réellement oxygéner et fluidifier la vie politique de notre pays, il faut la rendre plus accessible aux citoyens. Fonctionnaires, retraités, surtout, professions libérales," car je crois savoir...

le 04/04/2013 à 10:01
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UN DIGNE ET VOUS, je suis sur la même ligne : ouvrir au privé !

le 04/04/2013 à 12:43
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ah oui Cahuzac ne viens pas du privee?!!

le 04/04/2013 à 13:13
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Lisez l'article, svp...

à écrit le 04/04/2013 à 4:03
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il y a quelques jours,c'était storytelling et attente de l'intervention du président...le povre ayant été (à nouveau)dépassé par la réalité(voilà du changement,en réeel),il faudrait maintenant oxygéner la démocratie??voila un scoop!j'étais déjà éfon...

le 04/04/2013 à 10:04
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seriously?, au moins on a une conversation ! Mais ne soyez pas effondré, il s'agit de renouveler, aérer, ... comme dans beaucoup de pays qui nous sont comparables. ET commençons par les européennes !

à écrit le 03/04/2013 à 23:47
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Bravo. Cet article est très intéressant et donne de l'espoir aux futures élites de notre nation qui se révèlent notamment par le biais de l'UPR.

le 04/04/2013 à 10:05
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Xav, ouvrons, poussons, renouvelons !

à écrit le 03/04/2013 à 23:10
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Oxygéner, c?est un minimum. Pas un seul pays ne tape sur l?entreprise après la crise, sauf la France ! A croire que le public n?est concerné que par lui-même et méprise le chômage qu?on annonce facilement à plus de 5 millions ! Ce qu?il y a de choqua...

le 04/04/2013 à 10:06
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Costablanca, poussons la à se métamorphoser et dès maintenant.

à écrit le 03/04/2013 à 22:56
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Bravo!très belle synthèse. De la situation

le 04/04/2013 à 10:07
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pustekopf, merci et allons y et dès les prochaines européennes !

à écrit le 03/04/2013 à 22:21
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"Protéger l'élu en lui assurant un retour à l'emploi" : c'est bien la réforme constitutionnelle de Nicolas SARKOZY qui permet à Jérome CAHUZAC, ministre démissionnaire, de retrouver automatiquement son siège de député, sans avoir à passer par le suff...

le 04/04/2013 à 10:14
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Britannicus, le statut ne vise pas à réintégrer le mandat, mais une fois le mandat unique terminé, à retrouver son emploi, ou l'équivalent. Objectif : ouvrir au privé.

à écrit le 03/04/2013 à 20:42
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Autre exemple, le Secrétaire Général de le CFE CGC est obligé que quitter son poste car il n'aura pas assez cotisé à 62 ans pour partir à taux plein car il était 'bénévole" et venait du privé et non rémunéré !! qu'en est il de nos autres syndicaliste...

à écrit le 03/04/2013 à 20:18
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attention c'est très corrosif ce truc à haute dose . combien coûte la démocratie en france ? bientôt nos deux bras ! j'vous dis pas pour bosser ..........

à écrit le 03/04/2013 à 18:52
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Article intéressant, cette analyse correspond à celle de ceux qui constatent et pâtissent des dérives de la société française, de sa classe politique et de sa classe dirigeante appelée à juste titre la Nomenklatura française. J'ai interpellé il y a...

le 03/04/2013 à 22:24
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Il faut inscrire dans la Constitution un nouvel article situé en bonne place, pour prévoir qu'en cas de corruption active ou passive et de financement occulte d'un parti ce parti est dissous, ses dirigeants sont jugés et passibles de peine de prisons...

à écrit le 03/04/2013 à 18:47
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Chirac s?était retrouvé face à Lepen à un deuxième tour .... visiblement toute cette classe politique n'a rien compris à cette leçon ! j'ai peur qu'il soit trop tard ...

le 04/04/2013 à 7:30
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+1. Ils vivent vraiment dans une bulle doree , pas de chomage, pas d impots, pas d insecuritee...

à écrit le 03/04/2013 à 18:28
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La Grande Nation se meurt humiliée par de faux humanistes, vrais oppresseurs qui utilisent l?Etat afin d?asservir et de s?enrichir en vampirisant la société ! On attaque la liberté du travail et d?entreprise ! On prend le pouvoir par le mensonge, est...

le 03/04/2013 à 20:45
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@skywalker: est-ce que tu pourrais redevenir earth walker :-)

le 03/04/2013 à 23:54
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Mais j espere que tu te sens mieux apres ca. Vu la taille du morceau, il vallait mieux que cela sorte.

le 04/04/2013 à 10:38
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C'est tellement bien dit. On commence par quoi ? Parce qu'il y a vraiment du boulot. La tâche est immense. Ton maquis m'intéresse A+

le 04/04/2013 à 16:37
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Nous ne sommes plus en démocratie, techniquement, depuis 2005 (référendum pour la Constitution européenne).

à écrit le 03/04/2013 à 18:25
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Bon alors.... on commence par la reconnaissance du vote blanc ... plus 50% personne n'est élu !

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