"Le François Hollande européen reste à inventer"

Après les "Offshore leaks", la lutte contre les paradis fiscaux est redevenu un sujet majeur en Europe. Mais comment le président français, ébranlé par les aveux de mensonge de son ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac sur ses comptes en Suisse, pourra-t-il porter la voix de la France auprès de ses partenaires européens? Nicolas Baygert, chercheur à l'Université de Louvain-la-Neuve, en Belgique, décrypte la communication politique du chef de l'Etat dans ce contexte, et imagine la stratégie qu'il pourrait aborder.
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En réponse à l'affaire Cahuzac, la stratégie de l'Elysée consiste à assener un « choc de moralisation » à la vie politique Française. En cela, François Hollande privilégie le registre axiologique : le champ des valeurs. Est-ce la bonne stratégie ? Et surtout, l'approche est-elle audible au niveau européen ?

Bien qu'Européen convaincu, Hollande reste marqué par l'échec du référendum européen de 2005. Aux yeux du chef de l'Etat, l'Europe demeure un terrain miné y compris pour l'harmonie au sein de sa majorité. En février, son discours fut bien accueilli à Strasbourg par les eurodéputés. Mais François Hollande prêchait des convaincus. Concernant les relations bilatérales entre Etats-membres, alors que le Président peut compter sur le soutien indéfectible d'Elio Di Rupo, Premier ministre belge.

Sur le plan de la communication politique, le binôme Merkhollande n'existe pas

La relation avec la Chancelière Merkel semble quant à elle tendue - même si humainement, le courant passe visiblement. Contrairement à l'ère « Merkozy », où la France s'alignait sur les positions allemandes, depuis le changement d'occupant à l'Elysée, l'axe franco-allemand apparaît paralysé. Le binôme « Merkhollande » n'évoque pas seulement une dissonance sémantique, voire une incohérence harmonique. Sur le plan de la communication politique, il n'existe pas. Le résultat est un positionnement en retrait du président, laissant le champ libre à la Chancelière, perçue comme seule aux commandes des 27, et à d'autres chefs d'Etat tentant d'imposer leur agenda. Citons ici l'exemple de David Cameron, qui en plein « revival » thatchérien effectuait cette semaine sa tournée en Europe pour défendre sa vision de l'UE « à la carte ».

L'omniprésence médiatique d'un Nicolas Sarkozy, présent sur tous les tableaux, avait habitué les 27 à entendre la voix de la France. L'Europe se souvient ainsi de l'énergie déployée par l'ancien chef de l'Etat pendant la présidence française du Conseil de l'UE, en 2008. Mais alors que son successeur soufflera bientôt sa première bougie à l'Elysée, l'UE attend toujours la définition d'un style Hollande ; la véritable marque de la « Présidence normale » sur la politique européenne. Sa plaidoirie en faveur de la croissance date de juin 2012, autant dire une éternité. Hollande l'Européen doit encore s'inventer.

Un partenaire affaibli

D'autant plus que, suite à l'affaire Cahuzac, le chef de l'Etat paraît affaibli aux yeux de ses homologues européens. En visite à Paris la semaine dernière, l'allemand Peer Steinbrück, candidat SPD à la chancellerie (pour l'instant crédité face à Merkel de 32% d'intention de vote - autant dire très peu) a appelé à « plus de compréhension » pour François Hollande. Symptomatique ; ne pouvant espérer grand chose de l'appui d'un président dont la cote de confiance est tombé en dessous du seuil des 30%, c'est le leader social-démocrate d'outre-Rhin qui se rue au chevet du premier des Français. Un soutien toutefois mesuré, l'homme issu de l'aile droite du SPD ayant, dans le passé, critiqué à maintes reprises la taxe à 75% défendue par l'Elysée et qualifié de « naïve » la volonté du Président de renégocier le pacte budgétaire européen.

D'ailleurs, en Europe, les prédictions du Président laissent globalement perplexe. « La crise de la zone euro est derrière nous » estimait François Hollande peu avant l'imbroglio chypriote, à l'occasion de la remise du prix Nobel à l'Union européenne. Concernant l'Italie, il se disait « convaincu que ce qui vient de se passer permettra à l'Italie de trouver un gouvernement stable après les élections du mois de février. »

Prendre le leadership dans la lutte contre les paradis fiscaux

Les treillis militaires et les bains de foule au Nord-Mali lui avaient permis de se donner une contenance sur la scène internationale. Aujourd'hui, à compter qu'il daigne sortir du tropisme moral, « blessé » et « meurtri » jusque dans ses propres rangs, le Président pourrait choisir de porter l'étendard européen de la lutte contre la fraude fiscale et se replacer de cette manière dans le registre de l'action.

Il est fort à parier que le commissaire européen aux Affaires fiscales, Algirdas ?emeta, qui en ce moment réclame une « stratégie claire contre les paradis fiscaux internes » à l'UE, aimerait compter sur un tel soutien. « Tous les outils permettant d'atteindre ces buts sont sur la table. (...) Il est l'heure de passer de la parole aux actes », a ainsi ajouté le Commissaire lithuanien dans un communiqué officiel.

Mais dans sa déclaration de mercredi matin, François Hollande, qui affirme vouloir « éradiquer les paradis fiscaux en Europe et dans le monde », favorise encore l'angle national. « Je n'hésiterai pas à considérer comme paradis fiscal tout pays qui refuserait de coopérer pleinement avec la France », a-t-il insisté. Le choix des mots dans le récit présidentiel traduit une démarche isolée, à l'instar de l'engagement de la France au Mali. Le discours souligne une solution française au problème de l'évasion fiscale, là où pourtant la concertation au niveau européen prévaut. Les cinq plus grosses économies européennes (l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l'Italie et l'Espagne) viennent en effet de signer un accord pour partager automatiquement les coordonnées de détenteurs de comptes bancaires.

Une gestuelle significative

Il s'avère que la dimension prescriptive des mesures dernièrement annoncées par le président vise avant tout à colmater les fissures du socle moral sur lequel devait se construire le quinquennat. Le quotidien allemand Die Welt pointe ainsi la gestuelle du président durant sa laconique déclaration du 3 avril [juste après les « aveux » de Jérôme Cahuzac]: prononçant les mots « chef de l'Etat », Hollande retourna démonstrativement ses mains vers sa propre personne, comme pour rappeler aux Français qu'il demeure toujours le patron.

En d'autres mots : le « choc de moralisation » vise avant tout les m?urs des élus de l'Hexagone, privilégiant l'ancrage français. Le repositionnement du chef de l'Etat dans le concert européen reste pour l'instant le parent pauvre de cette stratégie. Pourtant, la question de l'évasion fiscale et ses conséquences sur l'économie européenne n'exigent pas uniquement un réajustement des valeurs mais la définition d'une posture de leader capable d'exporter et d'imposer les mesures décidées en interne à l'international - un François Hollande à dimension européenne.

Nicolas Baygert est chercheur au CELSA et au LASCO (Université catholique de Louvain), professeur invité à l'IHECS.
 

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Commentaires 17
à écrit le 14/04/2013 à 16:02
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Plus personne ne veut de l'Europe ! même la Suisse argue qu'elle ne fait pas partie de l'Europe pour justifier de continuer d'être un coffre fort financier !!!!!!!!!!!! C'est quoi ce pays voyou qui fonctionne comme Chypre, au bénéfice des prédateurs ...

à écrit le 13/04/2013 à 22:56
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il y a beaucoup d'inventions qui ne servent strictement à rien, alors très dubitatif sur le sujet.

à écrit le 13/04/2013 à 16:58
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Peut être le françois hollande français aussi reste t-il à inventer ?

à écrit le 13/04/2013 à 15:33
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Comment etre lucide et etre un europeen convaincu . Comment peut on defendre la france et etre europeen .Ouvrez les yeux : l'europe est une machine infernale destinée a transformer des centaines de millions d'individus en consommateur de la mondialis...

à écrit le 13/04/2013 à 14:31
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A Badou, Bonjour, bien sur Hollande élu par 51% des voix.........Mais avec 40% d'abstention. Pour moi Hollande n'a eu que 51x 0.60 =30.6% un président qui ne représente que tout juste 31% si ce n'est moins, ne mérite pas de continuer son mandat DEHOR...

à écrit le 13/04/2013 à 11:05
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N'oubions pas qu'en matière économique, la pièce de monnaie a deux faces et que la comptabilité est à partie double. Axer la réflexion sur la gestuelle, une nécessaire posture de leadership reste superficiel et renvoie à un passé douteux. Les Françai...

le 14/04/2013 à 17:24
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Vous dites des choses sans doute interessantes! Mais... ne pourriez-vous pas vous exprimer plus simplement? Je n'ai pas compris grand chose à ce galimatias. Mais il est vrai que je n'ai que mon certif...

à écrit le 12/04/2013 à 16:45
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voilà un homme dont on se demande comment il a fait pour etre president il a été elu sur des promesses mensongeres mais comment 51 % de Français on pu ce tromper a ce point et aujourd hui lui et son gouvernement sont incapables de gerer le pays u...

le 12/04/2013 à 17:07
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C'est Sarkozy qui a perdu, plus que Hollande qui a gagné. Hollande est un vainqueur par défaut. Sarkozy a fait tout ce qu'il fallait pour faire gagner Hollande. L'UMP ne peut s'en prendre qu'à elle d'avoir maintenu un homme qui a considéré que la pré...

le 12/04/2013 à 18:27
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François Hollande est comme il a toujours été: fade, transparent, incompétent.

le 12/04/2013 à 21:21
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Dommage que ses électeurs s'en rendent compte après avoir mis leur bulletin dans l'urne!

le 12/04/2013 à 22:28
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@clyde je pense que SARKOZY ne voulait pas gagner cette élection !!pourquoi?je n ai pas la réponse!!!par contre il n a jamais consideré que la présidence etait un jouet!!les français n ont pas compris que cet homme superactif ,réactif et competent et...

à écrit le 12/04/2013 à 15:54
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nous pouvons vous le confier' ou! vous le donner! et gratuit!!!

à écrit le 12/04/2013 à 15:31
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il faudra préparer une seconde prise de la Bastille. Trouvez-moi Robespierre et dites-lui de se préparer pour le 14.07.2013.Allons enfants,papas,mamans,de la patrie le jour de Hollande et Valérie plus Ségolène est arrivé........

à écrit le 12/04/2013 à 13:18
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il est inexistant, avec lui la France est isolée et a disparue du leadership européen, il croyait faire alliance avec monti et rajoy pour retourner merkel mais eux ne se sont servi de lui que pour obtenir des delais supplementaires , il ne le suive p...

le 12/04/2013 à 14:14
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Il est inexistant, et il ne faut pas l'inventer ! Renvoyons le en Corrèze d'où il n'aurait jamais dû sortir...

le 12/04/2013 à 15:17
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Le déclin de la France s'accélère, François appuie sur l'accélérateur.

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