Mario Draghi parle d'or

Pour le président de la Banque centrale européenne, le renflouement des établissements bancaires sur le « modèle chypriote » n'est pas vraiment un problème. À condition qu'aient été prévues les conditions précises dans lesquelles les détenteurs de fonds propres, de quasi-fonds propres ou de titres de dette participent au sauvetage et assument les pertes. La chronique de la semaine de François Leclerc,ancien conseiller de l'AFP, auteur "Chroniques de la grande perdition" (ed."Osez la republique sociale").
Mario Draghi / Reuters

Lors de sa conférence de presse du 4 avril dernier, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a dressé une longue liste d'interrogations avant de conclure : « Nous allons continuer à réfléchir à ces questions selon une perspective à 360 degrés. » Autant dire qu'il cherchait tous azimuts des réponses aujourd'hui introuvables. Car c'est avec une prudence remarquée que Mario Draghi a évoqué la situation économique, faisant état du déclin de la demande domestique (au sein de la zone euro) ainsi que de la demande globale, avec comme conséquence une baisse des exportations. S'il a évoqué un rétablissement de la situation, c'est pour aussitôt préciser qu'il risquait de devoir être... reconsidéré. Benoît Coeuré, membre du conseil des gouverneurs, y est d'ailleurs revenu par la suite en faisant état des « aléas négatifs » auxquels la reprise est soumise...

Rien de mieux à l'horizon qu'un « lent et timide redémarrage »

L'IFO, l'Insee et l'Istat - les trois instituts allemand, français et italien - ont ensemble averti que leur « scénario de prévision suppose que les tensions financières en Europe ne s'aggraveront pas. Il est entouré de plusieurs aléas, notamment liés à l'évolution de la situation politique dans la zone euro ». Que prévoient ces instituts? Un lent et timide redémarrage qui devrait culminer au troisième trimestre à 0,2% de croissance... On arrive au bout du chemin.
Les préoccupations de la BCE ne s'arrêtent pas là, pas plus qu'au niveau du taux de l'inflation, tombé à 1,7% en mars dernier, bien au-dessous de l'objectif de 2%. Elles portent sur la rupture du mécanisme de transmission de la politique monétaire - les banques ne prêtent pas les liquidités qui leur sont abondamment fournies - ainsi que sur la nécessité de poursuivre la mise en ?uvre de l'union bancaire.
Dans une Europe où le système bancaire réalise 80% de l'intermédiation, contrairement aux États-Unis où les entreprises se financent bien davantage directement sur le marché, le phénomène a de quoi inquiéter : il accélère la détérioration économique dans les pays d'Europe du Sud et accentue la menace de dislocation de la zone euro. Or la BCE hésite à s'engager sur le chemin emprunté par la Fed et la Banque d'Angleterre : l'achat auprès des banques de prêts aux entreprises, voire le financement direct de ces dernières, bien que son statut n'y fasse pas opposition. De telles initiatives lui feraient endosser le risque de pertes qu'elle ne peut pas prendre, selon les tenants de l'orthodoxie monétaire. Ni les banques ni la BCE ne veulent ou ne peuvent assurer les risques de prêts dans une zone en récession, ce qui ne va pas la relever. En outre, la BCE constate que la réalisation de l'Union bancaire piétine. Celle-ci, dans sa toute dernière et inaccessible phase, prévoit un mécanisme de résolution, c'est-à-dire de renflouement. Or recapitaliser les banques est du ressort des actionnaires, ou à défaut des États... Mais alors que faire? De ce point de vue, l'annonce du lancement d'une enquête de la Bundesbank sur d'éventuelles manipulations comptables qui auraient permis à la puissante Deutsche Bank de dissimuler 12 milliards d'euros de pertes n'est pas faite pour rassurer...Les commentaires de Mario Draghi sur le « modèle chypriote » de renflouement des banques viennent donc fort à propos pour éclairer son point de vue et prévoir la suite. C'est là que l'on parle du « bail-in », ce dispositif qui prévoirait les conditions pré-cises dans lesquelles les détenteurs de fonds propres, de quasi-fonds propres ou de titres de dette doivent participer aux pertes d'un établissement bancaire en difficulté. « Un bail-in n'est pas un problème, c'est l'absence de règles préétablies connues de toutes les parties et l'absence de coussin de capital ou d'autres actifs pouvant être "bailisés" qui fait d'un bail-in un événement désordonné. »
Ce qui conduit le président de la BCE à préconiser que le projet de directive étudié par le Conseil européen et le Parlement européen aux fins de spécification de la hiérarchie des mises à contribution dans un tel contexte soit adopté dès 2015, et non pas comme prévu en 2018 ou 2019. À toutes fins utiles...
 

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Commentaires 3
à écrit le 17/04/2013 à 10:36
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Mario pourrait déjà nous dire par quel miracle depuis plusieurs semaines l'euro est stable à 1,30 dollar, avec pour effet d'annihiler toutes mesures de compétitivité, et ceci à coups de petites retouches suspectes, alors que la presque totalité des p...

à écrit le 16/04/2013 à 22:20
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Souvenez-vous... en 2000, quand nous sommes passés à l'euro, on nous promettait des lendemains qui allaient chanter "dans un grand marché européen de plus de 300 millions de personnes, avec une concurrence libre et non faussée" Où en sommes nous main...

le 17/04/2013 à 4:19
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Et sans l'Euro, que se serait il passe ? Est ce que la Grande-Bretagne, qui n'est pas dans l'Euro a vraiement fait mieux que la France sur la meme periode ? Vous pensez vraiement que la concurrence des pays emergents est une resultante de l'Euro ? Vo...

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