Europe, la tentation de Venise...

Par Robert Jules  |   |  654  mots
Reuters
Préoccupés que nous étions par la crise chypriote et ses différents rebondissements puis par les aveux de l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac sur son compte en Suisse, nous n'avons pas prêté attention à deux annonces récemment faites à Bruxelles.

D'abord, celle de Herman Van Rompuy. Le président belge du Conseil européen a annoncé à la mi-mars que la fin de son mandat, prévue le 1er décembre 2014, marquerait la fin de sa carrière de responsable politique.

IL Y A EU ENSUITE, DÉBUT AVRIL, les propos du président de la Commission européenne. Le Portugais José Manuel Barroso a laissé entendre, lui, qu'il pour-rait solliciter un nouveau mandat - le troisième - en octobre 2014, au terme de celui qu'il exerce. Ces deux personnalités représentent les instances européennes avec, il est vrai, la baronne britannique Catherine Ashton, première vice-présidente de la Commission, en charge de la diplomatie européenne. Mais en raison de sa discrétion médiatique, renforcée par quelques gaes, cette dernière est reléguée au second plan.
Difficile de trouver deux personnalités aussi différentes que le Belge et le Portugais. Ils ont toutefois quelques points communs : avoir été Premier ministre, parler plusieurs langues, et venir d'un « petit » pays - à ne pas prendre comme un jugement de valeur! - de l'Union. Les nouveaux postulants en 2014 savent déjà ce qu'ils doivent avoir sur leur CV. La France ne peut rien espérer, de par son poids économique. Dommage, plusieurs vétérans ou futurs vétérans de la vie politique hexagonale comme Villepin, Rocard, Raffarin, auraient pu se présenter.
Sortis de ces quelques ressemblances, José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy n'ont rien en commun. Le premier est réputé pour la souplesse de son échine, ce qui lui permet d'être le plus petit dénominateur commun face aux 27 membres de l'UE. Lors du renouvellement de son mandat, il avait ainsi reçu un soutien appuyé de Nicolas Sarkozy, qui pourtant ne l'avait guère ménagé auparavant. José Manuel Barroso a su garder de son passé de leader maoïste de la période postrévolutionnaire portugaise non pas la fougue enflammée des appels au changement, mais la dialectique patiente.

LE SECOND A UNE RÉPUTATION d'excellent négociateur. Il l'avait déjà prouvé lorsque le roi de Belgique l'avait nommé Premier ministre en calmant une classe politique hystérique, à deux doigts de se lancer dans une partition du pays. C'est ce profil que les chefs d'État européens, jaloux de leurs prérogatives, ont choisi pour inaugurer ce nouveau poste de président du Conseil européen en 2009, en vertu d'une nouvelle disposition contenue dans le traité de Lisbonne. Un profil non pas consensuel mais de négociateur, bien loin de l'image de « serpillière » que lui avait attribuée l'imprécateur député européen, mais violemment antieuropéen, le Britannique Nigel Farage. En effet, dans la crise grave que traversent l'Union européenne et la zone euro, c'est bien Herman Van Rompuy et son équipe qui ?uvrent infatigablement en coulisses pour que les Conseils européens soient le moins négatifs possible. C'est ce qui a valu au président du Conseil de voir son mandat renouvelé en 2012 comme une simple formalité. En 2014, il pourra donc s'adonner à sa passion pour les haïkus, ces brefs poèmes japonais à la structure invariable qui concentrent l'essentiel d'une pensée et dont il est friand au point d'en rédiger lui-même.

POUR JOSÉ MANUEL BARROSO, un troisième mandat pourrait être celui de trop. Ses détracteurs devraient faire valoir son manque d'imagination et d'audace dans la recherche d'une solution à la crise. Tout son second mandat aura consisté à accompagner la crise sans jamais pouvoir influer sur les événements. Ainsi, le commissaire finlandais sur les questions budgétaires, Olli Rehn, brille davantage depuis quelque temps. Peut-être le moment est-il venu pour José Manuel Barroso de quitter sa tour d'ivoire bruxelloise et de mettre son savoir-faire au service de son pays, qui subit une politique d'austérité des plus rudes...