Prêts aux collectivités : enfin l'éclaircie

En 2012, avec 52,6 milliards d'euros engagés, les collectivités locales ont assuré 75 % de l'investissement public. C'est dire l'importance du dispositif mis en place par le gouvernement pour pérenniser et sécuriser les investissements locaux, car les collectivités locales ne peuvent emprunter que pour l'investissement.
La Caisse des dépôts contribue au financement d'infrastructures des collectivités locales. Ici, le tramway ceinturant Paris. / Reuters

En novembre 2011, le Premier ministre de l'époque, François Fillon, s'était engagé devant le Congrès des maires de France à consolider les moyens mobilisés pour l'emprunt des collectivités locales. Mais les décisions concrètes immédiates ne furent pas au rendez-vous... Pourtant, après le séisme Dexia, les collectivités subissaient de plein fouet la pénurie de financements bancaires, dans le contexte de crise que l'on connaît.

Des solutions transitoires via la Caisse des dépôts

Or, les collectivités locales ne sont pas des emprunteurs comme les autres. Tout d'abord, elles ne peuvent emprunter que pour l'investissement. Ensuite - est-il utile de le rappeler ?-, avec 52,6 milliards d'euros investis en 2012, elles assurent 75% de l'investissement public en France. Dans ces circonstances, la logique de relance par l'investissement est clairement portée dans notre pays par les échelons locaux. On se souvient d'ailleurs des plans « anticrise » lancés en 2008 et 2009 par les Régions pour accélérer les grands programmes d'investissement et aider les entreprises.

À défaut de mieux, des solutions transitoires ont été proposées par le truchement de la Caisse des dépôts, laquelle a pu débloquer des prêts d'urgence aux collectivités en 2008, puis de nouveau en 2011 et 2012. Cela a permis d'éviter un trop lourd « crédit crunch » et aux collectivités de pouvoir jouer leur rôle contra-cyclique. De leur côté, de grandes collectivités ont quant à elles concrétisé des réflexions engagées dès 2004, en allant financer directement leurs investissements sur les marchés obligataires.

Cette crise du financement des collectivités nécessitait cependant une remise à plat des canaux de financement des investissements locaux. Et l'on ne peut que constater qu'en la matière, les leçons ont enfin été tirées quant à la dégénérescence du modèle libéral de financement, même si « le solde du passé » reste douloureux pour de nombreuses collectivités.

Concrétisant ses engagements en moins d'une année, le gouvernement, appuyé par sa majorité parlementaire, a mis en oeuvre un plan de résolution des difficultés fondé sur trois grands principes, gages de fluidité et de sécurité pour les emprunteurs locaux : un contrôle des produits proposés, une multiplicité d'acteurs et la mise à disposition de capacités de financement larges et adaptées aux besoins locaux.

Encadrer les conditions de prêts

La nouvelle loi bancaire prévoit un encadrement strict des produits financiers proposés aux collectivités publiques : collectivités et groupements locaux, mais aussi offices HLM. Ces dispositions doivent éviter que ne se reproduisent les impasses budgétaires dans lesquelles se trouvent de nombreuses collectivités ayant souscrit des emprunts dits « toxiques » (14 milliards d'encours de ce type perdurent...), constitués de produits structurés, de modalités complexes et d'évolutions incontrôlées. Les maires n'ont pas vocation à se muer en traders chevronnés ! Il s'agit donc de soumettre désormais les emprunts souscrits à des obligations de clarté et de sécurité, notamment en termes d'indice et de risque de change. En clair, les établissements de crédits devront proposer des produits simples et transparents.

Diversifier les outils de financement

Au-delà de la sécurisation nécessaire des emprunts souscrits par les collectivités, le dispositif aujourd'hui proposé répond à une autre exigence : celle de la multiplicité des acteurs présents sur ce marché. La dérive puis la faillite de DEXIA - qui assurait 40% des besoins du secteur - n'ont que trop bien démontré les dangers de la concentration sur une offre dominante. Désormais, les collectivités disposeront de canaux plus diversifiés pour financer leurs investissements par l'emprunt. Ce nouveau paysage signe d'ailleurs le grand retour de la Caisse des dépôts sur son créneau « historique » du financement des collectivités locales. Pour les prêts de long terme, les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts vont être mobilisés pour prêter sur quatre ans 20 milliards d'euros aux collectivités au profit de leurs investissements en matière de logement social, rénovation thermique, couverture numérique du territoire, investissements structurants dans les transports... Pour les prêts de court et moyen termes, il y a lieu de se réjouir du retour des banques traditionnelles de façon plus active sur ce marché dans le même temps où il est demandé à La Banque postale de s'y positionner pour l'avenir de manière stratégique.

Mais le début de l'année 2013 a surtout été marqué par l'arrivée d'un nouvel acteur public de financement : la Société de financement locale (SFIL), dont l'actionnariat est 100% public et la mission de refinancer les nouveaux prêts mais aussi de désensibiliser les prêts structurés existants. On doit en dernier lieu évoquer la future agence de financement des collectivités, dont la création a été actée au Sénat dans le projet de loi bancaire et qui doit permettre aux collectivités de mutualiser leurs risques en allant collectivement se financer sur les marchés. L'esprit de responsabilisation des collectivités, qui préside au projet d'Agence, a clairement vocation à en assurer la solidité financière.

La présence de tels outils, respectant les règles de marché et « challengeant » l'initiative privée sur des critères de performance transparents, peut véritablement permettre d'atteindre la régulation bancaire tant souhaitée par l'ensemble des acteurs.

Elargir l'offre de crédits

La plus grande diversité d'acteurs va permettre aux collectivités de pouvoir disposer à l'avenir de capacités élargies de financement, même si, comme certains le redoutent, le cycle électoral n'est pas aujourd'hui propice à un rebond de l'investissement local. Ceci étant, pour l'avenir une chose est sûre, les dispositifs publics mis en place proposent de couvrir les différents besoins de financement des collectivités : les prêts de long terme d'un côté, traditionnellement peu intéressants pour le secteur bancaire, et les prêts de moyen terme de l'autre, qui le deviennent de moins en moins eux aussi, par effet de ricochet des nouvelles normes bâloises. La Caisse des dépôts mobilisera 4 milliards d'euros dès 2013 sur l'emprunt de long terme via ses fonds d'épargne. L'agence de financement des collectivités ambitionne pour sa part de couvrir à terme 25% des besoins annuels. La SFIL a un objectif de production de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2013, puis de 5 milliards d'euros les années suivantes. Quant au secteur bancaire traditionnel, il a vocation à être performant et inventif pour trouver sa place sur ce marché renouvelé du crédit aux collectivités...

Il est clair que les finances locales sont aujourd'hui en proie à de lourds défis. Pour autant, à l'aube de l'acte III de la décentralisation, on peut admettre qu'une étape essentielle est déjà franchie : celle du financement pérenne et sécurisé des investissements locaux, accélérateurs de croissance.

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* François Marc est sénateur du Finistère, rapporteur général de la commission des Finances

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Commentaires 2
à écrit le 04/06/2013 à 3:07
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Beaucoup d'élus ont plaidé leur incompétence en matière financière pour justifier d'avoir signé les yeux fermés des contrats toxiques.. Cet argument aurait plus de poids si ces mêmes élus n'avaient pas soutenu le lobbie bancaire pour empêcher tout re...

à écrit le 03/06/2013 à 22:55
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Ce qui est essentiel ce sont les filtres mis en place pour pallier l'absence de compétence de la majorité des élus territoriaux en matière de finances publiques et leur inaptitudes à négocier face aux banquiers . Quand on voit que le président de la ...

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