La loi ratée sur la transparence de la vie publique : une double erreur de gouvernance ?

Mardi dernier, les députés votaient dans l'hémicycle l'article phare du projet de loi sur la transparence de la vie publique, qui oblige les parlementaires à publier leur patrimoine en préfecture. Pour l'enseignant-chercheur en finance Emmanuel Zenou, le projet de loi ne va pas assez loin pour servir d'exemple, notamment aux entreprises....
Emmanuel Zenou (DR)

Le compromis qui semble émerger sur le projet de loi de transparence de la vie publique ne porte pas seulement le risque de décevoir ceux qui en attendaient un vrai progrès dans la transparence. Sa lecture à travers le prisme des débats et des problématiques des théories de la gouvernance fait aussi apparaitre une double erreur, et parfois de faux prétextes.

Une exposition excessive de données personnelles?
Concernant la transparence sur les patrimoines, les députés ont en effet décidé en commission qu'il s'agirait d'une seule consultation sur demande, et non publiable (en prévoyant même des condamnations pour toute publication, même partielle), contrairement à ce que souhaitait François Hollande. L'exercice par les élus d'une autre profession est, quant à lui, finalement exonéré de toute interdiction quelle que soit la profession, y compris celle d'avocat d'affaires.

Bien que placées sur un terrain différent, celui des entreprises, les réflexions en gouvernance d'entreprise offrent pourtant une grille de lecture utile de plusieurs des arguments utilisés par certains détracteurs de ce projet de loi. Notons qu'en la matière les débats ont fait rage également dans les conseils d'administration et les assemblées générales d'actionnaires, pour questionner l'intérêt de publier la rémunération des administrateurs, leurs métiers, leur parcours, leurs autres mandats... et, ici aussi, certains ont parfois pointé une exposition excessive de données personnelles.

Transparence réclamée dans l'entreprise et dans la vie politique
Prenons la critique de la transparence. Alimente-t-elle, comme le craint par exemple Claude Bartolone dans une récente déclaration, une dérive populiste ? Donne-t-elle le sentiment que l'on condamne les élus a priori ? Cette critique oublie que l'absence de transparence génère encore bien davantage soupçons et fausses révélations. En matière de gouvernance d'entreprise, la transparence accrue des rémunérations et du fonctionnement des conseils d'administration est pourtant réclamée, y compris à l'assemblée nationale, et on entend beaucoup moins l'argument de la « dérive ».

On considère en effet tout simplement que les diverses « parties prenantes », actionnaires comme salariés qui la réclament, investissent leur capital humain ou financier, et ont le droit de vérifier que les structures de contrôle fonctionnent et d'examiner leur composition. Aujourd'hui, toutes les organisations ou institutions convergent dans ce sens (voir par exemple la déclaration récente du Président de l'AMF (Autorité des marchés financiers) qui se dit favorable à un système de "Say on Pay" dans les entreprises cotées), et l'argument d'une transparence « qui condamne avant de juger » est maintenant totalement dépassé. L'autre écueil concerne l'exercice d'autres professions qui pourraient porter des risques de conflits d'intérêts. Est-ce un droit de regard excessif que de limiter le cumul de certaines professions avec des statuts d'élus ?

Le danger de l'absence de limitation dans le cumul des fonctions
L'affaire Enron avait pourtant montré tout le danger qu'il y a à ne pas limiter le cumul d'une fonction de contrôle avec notamment une activité de conseil : peut-on en même temps être payé pour conseiller une entreprise sur sa stratégie et être chargé d'en assurer le contrôle et la surveillance des comptes ? C'est ainsi que la notion d'indépendance des administrateurs, et aussi notamment des membres du comité d'audit, fait maintenant l'unanimité dans les codes de gouvernance.

Si le cumul des mandats d'administrateurs est limité à 5 par la loi, c'est aussi pour préserver le temps dédié à la fonction de contrôle par rapport aux autres activités, et pour tenter d'en garantir l'objectivité. Les scandales apparus en gouvernance d'entreprise n'ont fait que renforcer cette exigence, quitte à juger que ça n'allait pas encore assez loin, et le droit de regard sur les activités professionnelles de ceux qui contrôlent et gouvernent n'est pas perçu comme un excès.  Après le scandale autour de Jérome Cahuzac, l'attente de transparence est trop forte pour que nos gouvernants élus par les citoyens s'exonèrent des leçons issues des réflexions et débats de la gouvernance d'entreprise.

*Emmanuel Zenou est enseignant-chercheur en finance et membre de la Chaire en gouvernance d'entreprise du Groupe ESC Dijon-Bourgogne

 

 

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Commentaires 24
à écrit le 23/06/2013 à 18:33
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La transparence? La ou nous en sommes : Personne ne connaît les montants de ndf des élus. Il y en a 600 000 en France. Personne est capable de donner les effectifs de l'éducation nationale! Ce que l'on sait des années après c'est Mitterand : elf, m...

le 28/06/2013 à 7:42
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Ca fait toujours bien de lancer des noms et des noms "d'affaires" dont d'ailleurs personne ne connait le détail, et qui, pour ce qui concerne M. Sarkozy tout au moins, ne sont pour le moment pas prouvées, mais pour ce qui est de ses prédécesseurs, to...

à écrit le 23/06/2013 à 10:08
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Aujourd'hui, on s'intéresse à la transparence de la vie politique française. Mais, personne ne parle de la transparence de Bruxelles, où, désormais, toutes les grandes orientations sont décidées. Bruxelles est le royaume du lobbying (les lobbyistes p...

à écrit le 23/06/2013 à 6:43
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voleur d'un jour voleur toujours

à écrit le 22/06/2013 à 11:35
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Bartolone grand ami du couple Tapie a lutté bec et ongles contre la transparence ! Est-ce parce qu'il possède un appartement (entre autres) estimé à 1 million d'euros et qu'on se demande comment un modeste député a pu réunir un tel patrimoine vu la p...

le 22/06/2013 à 11:49
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Le même Bartolone qui a beaucoup travaillé du temps de Jospin pour que son ami Nanard gagne son procès sur le dos du contribuable français (je rappelle aux amnésiques que Nanard est un ancien ministre de Mitterrand et que le Crédit Lyonnais a fait n'...

le 23/06/2013 à 0:36
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toujours la même désinformation. http://www.ndf.fr/poing-de-vue/13-04-2012/histoire-economique-mairies-fn-elles-auraient-merite-le-triple-a

à écrit le 22/06/2013 à 7:04
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"Tant que la politique sera l'affaire de professionnels, les intérêts personnels passeront toujours avant les intérêts communs (...)tant il est vrai qu'aucun responsable politique ne prendra une décision qu'il sait pourtant indispensable au bien de t...

le 22/06/2013 à 9:02
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Tout a fait d'accord avec vous. j'ai recherché dans mes livres ce qu'est le concubinage notoire Pour le fisc c'est lorsque les relations sont stables et continues entre deux personnes du même sexe ou différent, cette situation s'apprécie au 1er janv...

le 22/06/2013 à 11:11
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Gouverner c'est prévoir, dit-on. Mais nos vaillants responsables n'ont même pas conscience qu'il suffit d'une étincelle pour que tout s'embrase. Le mariage gay était un bien timide tour de chauffe pour quelques dizaines de milliers seulement de manif...

le 24/06/2013 à 0:25
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+100

à écrit le 22/06/2013 à 5:57
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Nous avons en France des professionnels de la politique. Ils ont en fait leur métier. Il y'a des écoles pour cela L'ENA, science Po, ...ils se cooptent. Ils se protègent. Ils se tutoient. Ils vivent pour ça et ils ne vivent que de ça. Bref, c'est la ...

à écrit le 22/06/2013 à 4:16
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effectivement cette loi est une occasion manquée. le pretnduargument du voyeurisme ne tient pas 2 journées. En effet c'est le temps des commentaires apres la publication des informations sur le patrimoine des ministres! par contre ce qui va durer c'e...

à écrit le 21/06/2013 à 21:58
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Modérateur, vous êtes trop dur ! Quel est le problème ? palpation, pénétration, pastille Rennie ou l'ensemble ? Je pense pourtant que ça résume bien le "douloureux" sentiment général.

à écrit le 21/06/2013 à 21:38
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Hier, je suis allé chez le médecin, j'avais mal au ventre. Il me pose quelques questions, m'examine et me dit "Monsieur, baissez votre pantalon, tournez vous et penchez vous, je dois vous faire une palpation". Je m'exécute, ferme les yeux (priant que...

à écrit le 21/06/2013 à 19:07
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Parceque vous vous attendiez à quelque chose de positif???? Moi non

à écrit le 21/06/2013 à 19:06
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Une erreur de méthode je pense. François Hollande et le gouvernement auraient dû concocter une loi complète portant sur la modification du statut du chef de l'état (fin de l?impunité à vie pour les actes commis pendant le quinquennat et de la partici...

le 22/06/2013 à 0:50
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très bon et excellent diagnostique ,,,,, sur hollande est trop démocrate , les corporatisme est toujours sont plus fort que le peuple, ,il ne pouvait pas faire de referendum puisqu?il n'en n'a pas fait sur le mariage pour tous ,alors que le peuple ...

le 22/06/2013 à 10:32
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@ Chris, Le défaut de l'un n'empêche pas l'autre. Et puis il en sera du mariage pour tous comme du PACS, dans cinq on se comprendra même pas qu'ait fallu 5 semaines de débats haineux pour l'adopter. Alors que si rien n'est fait, dans 20 ans on se dem...

à écrit le 21/06/2013 à 18:56
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Cependant je dis bravo aux 10 DEPUTES qui ont fait parler d eux dans le nouvel observateur, ils ne semblent pas faire le poids face aux vieux briscards qui préfèrent empiler leurs privilèges dignes de la pire des monarchie. Pourtant eux seuls ont com...

le 21/06/2013 à 19:20
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Tout a fait d'accord avec vous. Mais lorsque l'on lit la vie de Louis XVI on s'aperçoit qu'il y avait des ministres qui ne pouvaient se "sentir". Je crois que c'est dans nos "génes". Abonnez a une revue juridique, je suis allé demander aux impots l'i...

à écrit le 21/06/2013 à 18:32
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Transparence et connivences Le ministre de santé public de la Catalogne Josep Maria Padrosa est aussi le gérant de six entreprises privées qui ont facturés à son ministère pour 2012 14 millions ?.

à écrit le 21/06/2013 à 18:30
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Le Monate (urba) espagnol du PP s'appel Barcena Sa cagnotte en Suisse a totalisé jusqu'a 42 millions d'?uros et on a retrouvé un petit carnet avec tous les bénéficiaires, avec dates et les sommes, ça durait depuis 1988.

à écrit le 21/06/2013 à 18:10
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Pendant que les députés refusent la transparence pour leur pomme, le gouvernement réfléchit à l'idée de mettre une boite noire dans les véhicules. On flique tout le monde, sauf ceux qui sont du bon côté du manche... Et après ça, on s'étonne que le F...

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