Europe : l'élargissement comment et jusqu'où ?

Par Jean Christophe Gallien*  |   |  598  mots
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Malgré la crise et les crispations communautaires, l'Europe demeure attractive, comme en témoigne l'entre de la Croatie de l'UE, aboutissement d'un long processus. Mais le processus d'élargissement doit être néanmoins recadré. par Jean Christophe Gallien est professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Quel étonnant paradoxe ! Les uns, ses membres, lui reprochent tous leurs malheurs, les autres, les candidats, rêvent de rejoindre son aventure. L'Union Européenne s'incarne dans un je t'aime moi non plus qui ne se dément pas.
Nous sommes, depuis ce lundi, 28 pays membres de l'Union Européenne. 10 ans après son voisin slovène voici venu le tour de la Croatie ! Cet élargissement, le premier depuis l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie en janvier 2007 ne sera pas le dernier. Le mouvement reprend. D'autres pays sont sur la voie de l'adhésion. Vendredi, c'est la Serbie qui a reçu une date de début de négociation. En lice, le Montenegro progresse sereinement pendant que le cas de la Macédoine reste totalement bloqué par un conflit de nom avec la Grèce. Trois autres pays de la zone demeurent des candidats potentiels : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo tous avec des situations précaires et complexes.

Islande et Turquie balancent entre inquiétude et impatience
De leur côté, Islande et Turquie, les deux autres candidats officiellement en négociation, balancent entre déception, incertitude et impatience. Une perspective, il est vrai très largement teintée de pessimisme quant au calendrier et au résultat final des processus engagés, en particulier pour la Turquie.
La relation et l'appartenance à l'Europe si bousculée à l'interne tranche avec les velléités vivaces d'adhésions. La réalité du processus d'élargissement confirme que l'Union et son aventure demeure attractive, malgré la crise et les crispations communautaires.
Il ne s'agit pas seulement de paix, de stabilité ou d'économie. Les pays et leurs populations regardent l'Union comme une histoire et une géographie qui sont les leurs aussi. Comme une famille européenne à laquelle ils appartiennent naturellement.
Asphyxiés par la crise, terrifiés par la mondialisation, nous ne mesurons plus ce que l'aventure européenne a d'incroyable. Le succès de l'entreprise se mesure par le nombre de candidats pays ou individus qui frappent encore à la porte de l'Union. Ce sont les autres, européens, africains, asiatiques, américains, chinois ... qui définissent le mieux le rêve ou le cauchemar européen : une destination de vie, un marché sans équivalent ou encore un adversaire à éliminer ...

Un recadrage nécessaire
Pour autant nous devons procéder à un recadrage à la fois éclairé par les expériences récentes et visionnaire du futur de l'élargissement de l'Union Européenne. Nous avons trop souvent abandonné le contrôle vigilant et efficace du respect des conditions d'adhésion et en particulier après leur conclusion. Cette exigence vaut pour les adhésions à l'Union, mais aussi pour celles qui conduisent à l'appartenance à l'espace Schengen et à la zone euro. L'effort d'accompagnement économique et social de mise à niveau, qui fut réel pour les entrées espagnoles et portugaises, fut trop « oublié », lors des élargissements de 2004 et 2005. Nous le savons maintenant, cette politique est vitale pour tous et nous en particulier, et doit être engagée dans une volonté de protéger l'ensemble du marché social et économique interne européen.
Et puis quelles seront les frontières de l'Union ? Une fin à l'élargissement est-elle programmée ? L'Union est-elle un club sans limite ? L'Europe et ses citoyens comme ceux des pays voisins doivent avoir des réponses à ces questions fondamentales. Et c'est la même chose pour la suite de l'expérience de la zone euro. Quels pays ? Quelles conditions ? Quel calendrier ? Les 28 vont devoir au plus vite clarifier et affirmer une vision politique commune. Existe-t-elle vraiment ?