Au delà du traité transatlantique, l'avenir de l'Europe est en jeu !

La négocation de l'accord de libre échange avec les Etats-Unis sera un puissant révélateur de l'état de l'Europe. Peut-elle s'incarner en puissance politique? C'est plus que jamais nécessaire. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Jean-Christophe Gallien (c) DR

L'ouverture des négociations sur le traité transatlantique de libre-échange, voilà une chance pour l'Union Européenne d'affirmer son rêve et sa puissance. Bien sûr, va se jouer dans les prochains mois une intense bataille commerciale, déjà bien entamée, entre les deux grands marchés du Monde globalisé, l'Union Européenne et les Etats-Unis d'Amérique.

Bien sûr, le futur de pans entiers de nos économies va être arbitré principalement dans des régulations que l'on espère équitablement négociées. Bien sûr la Chine, la Russie, l'Inde et les autres vont observer et ajuster leurs propres positions dans leurs propres négociations bilatérales avec les deux espaces. Mais au fond, si dans cette démarche commerciale se joue un épisode de la guerre économique planétaire, l'Europe doit comprendre qu'elle joue, très au delà, son avenir en tant qu'ensemble et puissance politique et identitaire.

L'Europe doit s'incarner en puissance politique
Un nouveau paradigme est né aux USA autour de la révolution énergétique du gaz de schiste. La Chine s'incarne de plus en plus en Empire du Milieu et projette désormais sans fard son « rêve chinois ». La Russie ne relâche rien de sa diplomatie énergétique et réécrit progressivement sa géographie de proximité, notamment sur les bords orientaux de l'Union. D'autres acteurs désormais majeurs, Inde, Brésil, pays du Golfe ... affirment de plus en plus leurs propres narrations du Monde.

Au delà de l'avenir du très prisé marché européen, l'Europe joue une grande partie de son destin global. Première puissance économique du monde, elle doit s'incarner en puissance politique et diplomatique de premier plan. Pas d'accord pour un accord. L'accord doit être ambitieux, créatif et sans cesse habité de l'envie de promouvoir le rêve d'une Grande Europe, puissante, riche et au pouvoir d'un monde devenu multipolaire dans ses ambitions compétitives.  Or le risque demeure que rien ne se déroule ainsi.

La tentation d'aller vite
On peut d'abord craindre qu'une Commission en fin de mandat soit tentée d'aller vite. Pour de mauvaises et de bonnes raisons. Mauvaises, pour conclure l'accord avant de partir fin 2014. Bonnes, car pendant ce temps, les USA négocient parallèlement le TransPacific Partnership, un autre accord de libre échange avec la Chine et 8 pays asiatiques et pacifiques en compagnie de du Mexique et du Canada, et il ne faut pas que cet accord autour du Pacifique soit conclu avant celui de l'Atlantique. Si l'Europe parvient à conclure de façon équitable avec les USA avant que ceux-ci clôturent le deal avec la Chine, nous serons tous collectivement dans une bien meilleure position pour traiter avec la Chine. Dans le cas contraire ce seront les Etats-Unis qui seraient en mesure de nous imposer les bases du fonctionnement de l'accord TPP.

Surmonter les divisions nationales
Autre zone de risque, les pays membres eux-mêmes et leurs divisions nées d'intérêts particuliers souvent insuffisamment discutés en amont. L'Europe doit impérativement surmonter ses divisions nationales et programmer des priorités stratégiques communément partagées. L'efficacité et la célérité peuvent créer un succès décisif pour la croissance et le destin futur de l'Union à condition pour les pays européens de promouvoir ensemble une vision stratégique globale face à celle des USA. Londres, Berlin et Paris, pour ne parler que de 3 des 28, le peuvent-ils ? Le doute demeure.

Au delà de la guerre commerciale, c'est de notre destin à tous, citoyens européens, qu'il s'agit. Cette partie est décisive. Elle se joue sous le regard des autres compétiteurs qui vont scruter forces et faiblesses à l'aune de l'échec du multilatéralisme commercial et d'un renouveau, violent, du bilatéralisme. L'Europe doit montrer à ses citoyens et aux autres acteurs qu'elle est unie et forte. Qu'il faut compter avec elle aujourd'hui et plus encore demain. Ni l'Allemagne, madame Merkel, renouvelée dans ses envies de puissance, ni aucun autre pays européen ne pourra résister, seul, aux batailles en série de la guerre économique.
Cet accord sera le révélateur de la vitalité de l'ambition et du rêve que nous partageons depuis plus d'un demi-siècle et qui, lui, n'a pas de concurrent dans le monde contemporain peut-être même dans l'histoire. Valorisons le !

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 10
à écrit le 13/07/2013 à 17:29
Signaler
Et au niveau des négociations, on peut aussi parler des ambitions de monsieur Barosso à l'ONU, pour lesquelles il doit plaire aux américains. L'Europe sur un plateau ( cet accord, du moins en l'état n'est absolument pas à notre avantage) contre l'ONU...

à écrit le 13/07/2013 à 10:36
Signaler
Le TransPacific Partnership ne comprend pas la Chine, mais le Japon, des pays de l'ASEAN, l'Australie, des pays d'amérique du sud, centrale et du nord. http://en.wikipedia.org/wiki/Trans-Pacific_Strategic_Economic_Partnership Le but d'un tel accor...

à écrit le 09/07/2013 à 23:00
Signaler
Tous les pays externes à l'Europe sont désireux d'accéder librement au marché européen pour doper leur économie. Dans le cadre des négociations de l'OMC la diversité des intérêts au sein de l'Europe était un gage de réciprocité. Dans le cadre de négo...

à écrit le 09/07/2013 à 19:51
Signaler
Je vous trouve tous bien sévères avec dame Europe ! Facile est la mise à mort, vous oubliez le chemin accomplis avec forces et faiblesses, je vous l'accorde. Comme le dit Gallien, l'organisme est vivant. Encore ... Pour combien de temps. Reste que le...

à écrit le 09/07/2013 à 19:21
Signaler
Inutile de s'inquiéter, le scénario es déjà écrit.

à écrit le 09/07/2013 à 17:36
Signaler
Londres , Berlin et Paris ? Connaissant la " proximité " de Londres avec les intérêts US , n'est-ce pas intégrer un " terzo incommodo " dans la négociation ? Au demeurant , un article bien pensé. On précisera que la zone Asie-Pacifique est la plus ...

à écrit le 09/07/2013 à 17:29
Signaler
La Suisse vient de signer un accord de libre-échange avec la Chine. Toute seule et fière de l'être. Elle n'a pas senti le besoin de s'entourer d'une coalition vaste, hétéroclite et mal ficelée pour oser regarder le dragon chinois dans les yeux. Et fa...

à écrit le 09/07/2013 à 17:01
Signaler
Le titre de l'article laisse entendre que l?Europe a encore un avenir. Comme le craignaient les français qui on refusé la signature du traité constitutionnel européen, l'Europe n'a apporté que des problèmes à ses citoyens. Au lieu de faire coopérer l...

à écrit le 09/07/2013 à 15:35
Signaler
Le Pape François a eu raison à Lampedusa, mais même à moyen ou long terme, quelles sont ses chances d'être écouté face à l'empire de la puissance ? Cet article incantatoire de philosophie peut servir à quoi ? sinon à larmoyer sur une globalisation de...

le 12/07/2013 à 4:17
Signaler
Cette allégorie de l'Europe par Gallien sent la propagande partisane. L'Europe n'a jamais servi et ne servira jamais sa population. Elle est juste un superbe terrain de jeux pour la finance internationale. Elle n'a absolument rien d'humain. Est-elle ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.