Ce que l'Occident doit apprendre de la finance islamique

Et si la finance "charia-compatible" avait le remède à la spéculation ? Par Michel Santi, économiste.
Pour Michel Santi, la finance occidentale a beaucoup à apprendre de la finance islamique... DR

C'est bien-sûr pour des motifs politiques et pécuniaires que le gouvernement britannique vient de prendre la décision d'émettre une "sukuk", c'est-à-dire une obligation islamique. Sa volonté étant d'imposer la place financière de Londres comme "premier centre émetteur d'obligations islamiques hors du monde musulman ", de l'aveu même du Ministre des Finances, George Osborne, dans un article écrit pour le Financial Times.

 
Les Allemands, pionniers de l'obligation charia-compatible

Si la première obligation "charia-compatible" ne date pas d'hier, puisque c'est effectivement sous l'Empire Ottoman - en 1775 - que fut émise la toute première qui devait emprunter contre des droits de douane sur le tabac à percevoir dans le futur.

Ce sont les Allemands qui furent les premiers européens à émettre une sukuk, en l'occurrence le gouvernement de la Saxe-Anhalt  qui devait lancer dès 2004 une obligation ayant séduit les investisseurs du Golfe, d'Arabie Saoudite, de Malaisie, mais également des Etats-Unis du Japon et de Hong Kong. Ce contrat était spécifiquement une "ijarah", et consistait en un véhicule dont l'objectif était de collecter des loyers et des rentes sur des actifs, principalement de nature immobilière. En effet, comme le paiement des intérêts est prohibé selon la charia, les détenteurs de sukuks perçoivent donc une rémunération proportionnelle aux loyers, sachant que c'est l'ensemble du contrat qui est revendu à l'échéance afin de restituer aux investisseurs leur placement initial.

Impossible de contracter des dettes qui ne sont pas liées aux revenus à venir

La grande spécificité d'une sukuk étant qu'elle doit impérativement être corrélée à un actif sous-jacent générateur de revenu, on comprend mieux dès lors pourquoi les obligations islamiques sont essentielles à la stabilité financière. En présence de telles règles, il est en effet impossible contracter des dettes qui ne sont pas liées, amorties ou au moins partiellement équilibrées par des revenus à venir.

Le respect de ce seul principe n'aurait-il pas évité l'hyper endettement de nombre de nos nations occidentales ? En outre, la morale n'aurait-elle pas été sauve avec des produits comme les " musharakah " ou les "mudaraba ", qui autorisent certes l'encaissement de bénéfices, mais qui contraignent également tous les participants à partager les pertes éventuelles ?

La crise des banques aurait pu être évitée

Nous pensons immédiatement aux banques et à leur actionnariat ayant été secourus par l'argent du contribuable sans devoir en subir la moindre conséquence adverse. Nous pensons aussi à nos Etats d'Europe périphérique - comme l'Espagne et comme l'Irlande - qui, pour avoir dépensé sans compter afin de sauver leurs établissements financiers, font subir aujourd'hui à leurs jeunes un taux de chômage dépassant les 50% à la faveur d'une austérité imposée par ces mêmes marchés financiers…

Nous pensons enfin à des pays comme la Grèce ayant dû brader ses actifs stratégiques pour avoir cédé aux sirènes de prédateurs comme Goldman Sachs ayant savamment manipulé ses comptes publics.

 

L'argent est toujours lié à l'économie réelle

Comme l'argent n'a pas de valeur sacrée dans ce monde de la finance islamique, comme l'argent est simplement considéré pour ce qu'il est vraiment - c'est-à-dire un simple moyen de paiement -, le degré de risque que sont prêts à assumer les investisseurs s'en retrouve considérablement amoindri. Les actifs et les marchandises qui n'existent pas au moment de l'initiation du contrat ne peuvent tout simplement pas être vendus par anticipation! L'argent est donc toujours et en toutes circonstances lié à l'économie réelle. En conséquence, ce principe simple décourage fondamentalement la spéculation et exclut d'emblée tout produit dérivé, dont l'essence même est de traiter des actifs fantômes.

C'est la crise des subprimes comme la crise de la dette souveraine en Europe qui auraient pu nous êtres épargnées, et c'est la volatilité exacerbée des marchés financiers, des matières premières et des denrées alimentaires qui auraient été nettement amoindrie si notre Occident s'était quelque peu inspiré de l'esprit de la finance islamique.

Des instruments qui séduisent de plus en plus

Et, de fait, les britanniques démontrent une fois de plus leur esprit d'à propos puisque, si la finance islamique ne compte aujourd'hui que pour 1% des actifs traités globalement, elle se développe néanmoins à une cadence 50% plus accélérée que les autres produits bancaires traditionnels. Ernst & Young indiquent en effet que les instruments charia-compatibles atteignent actuellement 1.8 trillions de dollars et commencent même à attirer des investisseurs non musulmans séduits par la sécurité et par la faible volatilité procurées par ces placements. Les investisseurs non musulmans étant même détenteurs de 80% des obligations islamiques dans un pays comme la Malaisie !

Une finance accessible à tous et des produits dont la compréhension est à la portée de tous : voilà ce que la finance islamique peut aujourd'hui apporter à une finance occidentalisée décadente et imbue de ses prérogatives. Parce que l'argent et parce que la finance ne sont qu'un vecteur, non le but ultime.

 

 

* Michel Santi, économiste franco-suisse, conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l'IFRI et est membre de l'O.N.G. « Finance Watch ». Vient de paraître : une édition étoffée et mise à jour des "Splendeurs et misères du libéralisme" avec une préface de Patrick Artus et, en anglais, "Capitalism without conscience". Vient de paraître :"L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique"

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Commentaires 27
à écrit le 27/11/2013 à 21:09
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Pour ceux qui sortent du sujet de la finance, ils doivent baisser d'un cran leur haine raciste. Si ce type de finance est intéressant c'est que le reste l'est aussi mais les ignorants l'ignorent....donc, avant de parler sans savoir, aillez un peu de ...

à écrit le 07/11/2013 à 18:50
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La fiance islamique dérange car elle est saine, les français et les occidentaux préfèrent une finance qui parie sur le porno et j'en passe.

à écrit le 05/11/2013 à 19:32
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Les femmes sont-elles un "simple moyen de paiement" dans ce monde miraculeux?

à écrit le 05/11/2013 à 13:36
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Merci Monsieur SANTI, pour votre intelligente clairvoyance. Certains commentateurs me font pitié pour l'indigence de leurs propos, pas étonnant que les banques américaines et autres filous aient placé des prêts in-remboursables auprès de leurs resso...

à écrit le 05/11/2013 à 10:03
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Cela vous dit d'investir dans une idéologie qui sépare l'homme de la femme, qui permet d'avoir plusieurs femmes, qui lui fait porter toutes sortes de turbans pour ne pas la voir, qui utilise le fouet, et décapite les minorités, pas moi, on a eu Charl...

le 07/11/2013 à 18:55
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Tout ce que vous dites n'est que suppositions(je doute que vous ayez lu le coran) et préjugés, la femme est une perle précieuse en islam. Éteignez votre télé.

à écrit le 05/11/2013 à 8:50
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la finance islamique serait donc une finance "propre"? quelle blague. pools occultes, participations indirectes, subordinations en cascade, etc. quels que soient la religion et le pays, tout le monde arrive à s'entendre quand il s'agit d'engranger un...

à écrit le 04/11/2013 à 23:35
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Si la finance islamique n'admet ni les futurs ni les options, elle est en retard sur la finance occidentale de qques centaines d'années (à l'image de certains pays islamistes ?). Quelle hypocrisie, de recevoir ce qui un intérêt par nature, mais sous ...

le 07/11/2013 à 18:53
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"L'islamiste"? Vous vouliez dire MUSULMANS je suppose? Et merci de rappeler aux autres que les musulmans paient des impôts! Et pour info, les intérêts que nous gagnons sans le vouloir sont reversés en aumône, on ne les garde pas. Dommage pour vous...

à écrit le 04/11/2013 à 18:45
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tres bonne analysse le pret islamique devrais etre la norme c est l oxcidant qui est decadant avec ses taux usurier qui ont mi le monde economique en dette inposible a renboursse, et moi je dit en tant qu indigne ne renbourson pas cette dette , , ,? ...

à écrit le 04/11/2013 à 16:07
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Avec des gens comme vous qui ne focalisent que sur la forme, plutot que sur le fond, la France ne peut que continuer a couler. En France pour avoir le droit de donner son opinion il faut etre blanc, ingenieur ou enarque et surtout, le plus important,...

à écrit le 04/11/2013 à 14:37
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Mr Santi. Si encore vous aviez tilté sur le fait que cela n'empêche ni ne freine la concentration d'argent dans les pays qui utilise ce système, là, oui. Cela aurait été une idée à creuser. Mais.. non. Essayez plutôt de voir comment le Code Napoléon ...

le 25/11/2013 à 16:27
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ah oui..le code napoléonien, celui qui s'était en grande partie inspiré de l'Islam... Remarque pertinente...Et si vous vous cultuviez aujourd'hui ? Octave PESLES (dans son ouvrage « Judicature », éd. 1942, p. 5) : Le Code Napoleon et la Chariah

le 25/11/2013 à 16:35
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code napoléonien inspiré par l'Islam Octave PESLES (dans son ouvrage « Judicature », éd. 1942, p. 5) : Le Code Napoleon et la Chariah

à écrit le 04/11/2013 à 14:32
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Oui tu as raison les subprimes étaient bien adosses au réel....par contre le niveau du réel. .je sais pas ou tu bossés mais je comprends pourquoi on a des banques de merde....

à écrit le 04/11/2013 à 14:32
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Toujours aussi intelligeant ce Santi. La crise financiere on l’a eu grace au ABS, CDOS, CMBSs et autre papiers adosser sur des actifs de l’economie reelle. Donc techinquement c’est sharia compliant sauf pour le payment des interets et la, il suffit ...

à écrit le 04/11/2013 à 14:32
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Toujours aussi intelligeant ce Santi. La crise financiere on l’a eu grace au ABS, CDOS, CMBSs et autre papiers adosser sur des actifs de l’economie reelle. Donc techinquement c’est sharia compliant sauf pour le payment des interets et la, il suffit ...

à écrit le 04/11/2013 à 14:19
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il grave ce Santi, tous les CDOs, ABS, CMDS americains... etait adosse a des actif reelle et on a bien eu une crise financieres... ABS veut asset back security. Asset c'est un actif de l economie reelle... donc tous ses produits sont techniquement ...

le 04/11/2013 à 16:16
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Tu oublies une grosse partie des principes concernant les " véhicules " que tu cites , à savoir le partage du risque entre l'émmetteur et l'investisseur or dans les CDIs , ABS etc , une foix vendues à d'autres banques et invesstisseurs institutionne...

à écrit le 04/11/2013 à 14:07
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Bon, si tout cela est avéré, c'est plutôt sain! Et une finance connectée à l'économie réelle, cela fait au bas mot 20 ans que nous n'avons pas connu cela en Occident! P... d'anglo saxons... Ils nous ont foutu dans la m... avec leur finance décade...

à écrit le 04/11/2013 à 13:47
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Si la finance islamique interdit tout futur, toute option, elle ne va pas aller bien loin et restera au niveau archaique de la finance occidentale d'il y a bien longtemps. Quant au partage de bénefs sous un autre nom, ce n'est qu'hypocrisie ! J'espèr...

le 04/11/2013 à 17:43
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Commentaire conforme à ton avatar

à écrit le 04/11/2013 à 13:15
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à M. DRRW ton commentaire digne d'un débat de comptoir .Allez Monsieur , haussez un peu le niveau!

à écrit le 04/11/2013 à 13:15
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à M. DRRW ton commentaire digne d'un débat de comptoir .Allez Monsieur , haussez un peu le niveau!

à écrit le 04/11/2013 à 13:11
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Quand je lis les commentaires, je trouve ça flippant. Vous n'êtes pas au niveau de cet article. Vous êtes emplis de préjugés qui altèrent vos fonctions cognitives. Et le pire, c'est que vous êtes très nombreux dans ce cas, et c'est dangereux.

à écrit le 04/11/2013 à 13:10
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Quand je lis les commentaires, je trouve ça flippant. Vous n'êtes pas au niveau de cet article. Vous êtes emplis de préjugés qui altèrent vos fonctions cognitives. Et le pire, c'est que vous êtes très nombreux dans ce cas, et c'est dangereux.

à écrit le 04/11/2013 à 12:10
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Quel blagueur ce M. Santi. La finance islamique a en effet bcp de choses a nous apprendre ou plutot a nous reapprendre car elle n'est traditionnellement bien differente de ce que pratiquait l'europe. Pour ce qui est de la finance islamique modern ell...

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