Dans le cochon allemand, tout n’est pas bon

Par Florence Autret  |   |  620  mots
Florence Autret.
« Si nos abattoirs ferment les uns après les autres, c’est aussi parce que l’Allemagne embauche des salariés payés à 400 euros par mois », a lancé le ministre du Redressement productif. Pour une fois, Arnaud Montebourg a raison... mais probablement plus pour longtemps...

L'affaire des travailleurs roumains et bulgares parqués dans les abattoirs des Tönnies, Vion et autres géants allemands n'est pas nouvelle. En 2011, déjà, un collectif d'industriels belges et français avait porté plainte contre les pratiques « déloyales » de leurs concurrents allemands qui découpaient les carcasses de porc pour des  prix défiant toute concurrence. Un professionnel belge se souvient avec embarras d'une visite faite à l'époque dans un site d'outre-Rhin. « Les gars étaient logés dans des baraques de chantier où ils n'avaient qu'un seul lit pour trois. Ils dormaient à tour de rôle », raconte-t-il.
 
Avant d'ajouter en baissant les yeux : « Cela avait tout d'un camp. » Récemment la télévision belge a immortalisé les grillages entourant ces hauts lieux de la production des pittoresques « Würze » et autres « Schweinfilets ». On dira que les abattoirs ne sont pas les seuls sites industriels « sécurisés ».

 

Trois à sept euros de l'heure

L'équation est simple. Au moyen de sociétés boîtes aux lettres basées en Europe centrale, les usines font venir pour des durées variables une main-d'œuvre prétendue « détachée », autrement dit sans autre assurance sociale que celle de son pays, et payée de « 3 à 7 euros » de l'heure, en absence de salaire minimum.
 
À cela s'ajoutent, selon cette source belge, des charges n'excédant pas les 3 % de la prime d'assurance couvrant l'employeur contre les accidents du travail. En Belgique, un salaire d'équarrisseur « coûte » plus de 20 euros par heure une fois l'assurance sociale, le treizième mois, les chèques-repas et les frais de transport ajoutés au salaire de la branche.
 
Rien d'étonnant à ce que ces dernières années les abattoirs belges et français aient vu leur demande chuter et aient fini par tourner à la moitié de leurs capacités. Leurs concurrents allemands fonctionnent 20 heures par jour, les quatre restantes étant mises à profit pour nettoyer.

Rarement cas de dumping social aura été aussi flagrant

Les autorités fédérales à Berlin ont fini par s'en émouvoir et par convoquer les dirigeants de ces antichambres de nos réfrigérateurs. En septembre, les quatre géants de la filière ont annoncé qu'ils allaient mettre en place un salaire minimum de branche de 8,50 euros. Exactement le taux horaire du salaire minimum que Sigmar Gabriel, le chef de file des sociaux-démocrates allemands, demande à Angela Merkel d'inscrire dans l'accord de
coalition en négociation.
 
Le syndicat de l'alimentation allemand a déjà annoncé l'ouverture de négociations à la fois sur les salaires et sur les conditions de travail. D'ici quelques mois, ce scandale des abattoirs outre-Rhin devrait donc connaître son épilogue, même s'il n'éliminera pas toutes les causes du surcroît de compétitivité allemande.

Personne n'est blanc


 Or, comme souvent dans ces affaires de concurrence faussée, personne n'est totalement blanc. Les plaignants qui ont dénoncé un détournement des lois sur le détachement des travailleurs par l'Allemagne reconnaissent qu'ils n'avaient aucune envie que la Commission européenne tranche leur cas. Non qu'ils estiment leurs griefs infondés, mais parce qu'ils savaient que Bruxelles devrait renvoyer l'affaire devant un juge allemand... ce qui leur donnait peu de chance de gagner.  
 
En Bretagne, certains s'interrogent sur les raisons de la fermeture de l'abattoir GAD de Lampaul (Finistère) qui était l'un des plus compétitifs de la région. On parle d'obscures luttes de pouvoir dans la filière, alors que la guerre sociale menace.
 
Parallèlement le site de Josselin, où va être transféré le reste de la production de Lampaul s'apprête à embaucher... une centaine de Roumains, aux mêmes conditions que les salariés français, assure-t-on...