"Le modèle de Free est en passe de s'essouffler"

Par Propos recueillis par Ivan Best  |   |  604  mots
Benoït Felten, président de Diffraction Analysis souligne la difficulté de Free à dégager des revenus à valeur ajoutée
Pour Benoît Felten, président de Diffraction Analysis*, Free parvient de plus en en plus mal à augmenter son revenu par abonné. Une situation gérable, tant que le autres opérateurs restent suivistes

 -Free affiche un chiffre d'affaires en hausse. Tout semble aller pour le mieux pour l'opérateur. Y'a-t-il donc aucune faille dans le modèle ?

 -A mon sens, si le modèle tourne encore, il tend quand même à s'essouffler. Ce qui historiquement, a fait le succès de l'opérateur s'est établi sur la base suivante: on recrute des clients attirés par un bouquet de services à bas prix, puis on leur vend des services optionnels à valeur ajoutée, comme des minutes voix ou de la vidéo à la demande. Ces services hors forfaits permettaient d'augmenter sensiblement le chiffre d'affaires par client. Or ce modèle semble s'essouffler : en 2007 le revenu moyen par abonné de Free sur le fixe était de 36,3 euros pour une offre unique à 30 euros. Pour la Freebox Révolution on voit qu'il est de 38 euros pour une offre à 35 euros. Free dégage donc beaucoup moins de revenus à valeur ajoutée que par le passé.

Sur le mobile, les choses sont plus difficiles à juger. Free recrute beaucoup, mais avec une part certainement importante -les chiffres ne sont pas publiés- d'abonnements à deux euros, sur lesquels la marge est sans doute faible, voire nulle. Le pari, c'est que ces abonnés montent en gamme. Mais c'est un pari, et il n'a rien d'évident.

A mon sens, ce sont ces résultats qui expliquent l'acharnement de Free contre les fournisseurs de contenu Internet. L'opérateur peine à augmenter sa profitabilité via l'aval, en accroissant les revenus versés par les clients, il tente donc de le faire par l'amont, en faisant payer les acteurs de l'internet. Et ce d'autant qu'il investit énormément dans le mobile, et a donc besoin de serrer les coûts et d'accroître les revenus pour générer la marge qui finance ce nouveau réseau.

 

-Comment ce phénomène va-t-il affecter la profitabilité d'Iliad?

- En fait, tant que Free conserve l'ascendant psychologique qu'il a acquis sur l'ensemble du marché, le problème n'est pas dramatique. Les autres opérateurs suivent, en effet, ce que fait le groupe de Xavier Niel, ils semblent incapables de vraiment se différencier. Voilà pourquoi Free continue à recruter beaucoup de clients attirés par les bas prix. En général les clients préfèrent toujours l'original à la copie. Mais si, un jour, un groupe comme SFR était capable d'offrir par exemple un service de bien meilleure qualité, avec une bande passante plus stable et des services internet qui ne soient pas dégradés, et qu'il parvienne à « marketer » ce saut qualitatif, alors il pourrait changer la donne : il serait en mesure d'attirer des clients pour qui la qualité compte sur une offre à prix plus élevé. Alors, Free pourrait être mis en difficulté. Pour résumer, il y a une faille dans l'armure, mais elle n'est pas gênante tant que la concurrence est incapable de se défaire de l'ascendant psychologique de Free.

 

-Par ailleurs, le groupe doit faire face au dossier de la 4G. Comment devrait-il gérer son retard sur son dossier ?

- La 4G n'est pas vraiment un problème pour Free à court terme. Pour le moment elle est vendue comme un service premium, et ce n'est pas ce que demandent les clients de Free sur le mobile, qui sont avant tout attirés par les prix bas. Tant que ce service sera positionné haut de gamme et qu'il sera sur-facturé par le autres opérateurs, l'absence de 4G chez Free ne lui est pas préjudiciable.

 

* Diffraction Analysis, cabinet d'analyse stratégique international sur le marché des télécoms .   https://www.diffractionanalysis.com/