Iran : retrouver cette terre d'affaires françaises

L'accord sur le nucléaire peut donner le signal de la ré-ouverture du marché iranien. La France y était forte, elle a perdu du terrain. La concurrence sera rude, avec les américains. Par Jean-Christophe Gallien

 C'est un accord provisoire, mais la dynamique est bien réelle. Voici que s'ouvre, sous nos yeux, la porte de l'entrée de l'Iran dans le Monde de l'économie globalisée. Partie prenante diplomatique exigeante de l'accord, la France doit s'y engager sans retenue sur le terrain économique. En ces temps de crises sans fin, l'enjeu est énorme. Le processus demeure fragile. Les oppositions externes et internes aux parties prenantes de l'accord sont extrêmement déterminées.

 

En Iran d'abord où cet accord était une promesse électorale du nouveau Président Hassan Rohani. Le Guide a choisi d'accompagner ce début de normalisation. S'agitent les oppositions internes des conservateurs qui craignent cette séquence politique et diplomatique qui menacerait le cœur de leur raison d'être, une opposition radicale avec le monde extérieur, un isolement victimisé. Rappelons que si les sanctions internationales ont affaiblis très durement le pays sur le plan économique, elles l'ont aussi renforcé dans son unité nationale.

A Washington, le Congrès, plutôt pro Israélien, est en grande partie opposé à une normalisation des relations avec l'Iran. Le Tea Party et le reste du Parti Républicain sont encore davantage remontés contre toute forme de réussite de Barack Obama aux USA et ailleurs. Au niveau Européen les positions divergent aussi sur le rythme et la surface des allégements des sanctions.

La première réserve mondiale de gaz

L'Arabie Saoudite et les autres monarchies du Golfe, Israël aussi, après avoir perdu la bataille du lobbying anti-accord de Genève disent tout haut leur fort mécontentement. Depuis 35 ans et la révolution islamique puis la crise nucléaire, les USA et l'Iran ne se parlaient plus, empêchant tout rééquilibrage des forces dans la zone. C'était avant la chute du Mur, et depuis l'Iran survivait en dehors de la mondialisation dont les pays du Golfe ont, de leur côté, largement profité. L'Iran c'est la troisième réserve mondiale de pétrole, et la première en ce qui concerne le gaz ! On tremble chez ses « partenaires » de l'OPEP.

Une intense bataille pour le maintien ou non des sanctions

Les lois américaines seront levées par le seul Congrès, les sanctions de l'Union Européenne devront l'être à l'unanimité des 28, celles du Conseil de sécurité des Nations Unis par décision des membres dudit Conseil. Une intense bataille va désormais se dérouler dans ces lieux sur le maintien de la dynamique au delà des 6 mois pour tenter de barrer la route à une levée progressive des sanctions économiques voire même pour les renforcer ! Si les sanctions ne sont pas levées, pire si le processus est ajourné, la position de Hassan Rouani seront rapidement fragilisées.

Un enjeu équivalent à la chute de l'Union soviétique?

Et c'est vrai que l'enjeu est énorme. Certains y voient un événement géopolitique d'une importance comparable à la chute de l'Union Soviétique. En ces temps de crise mondiale, l'Iran se présente comme un nouvel Eldorado. Pétrole, gaz, … de quoi modifier en profondeur le paradigme énergétique en Europe (n'est-ce pas Mr Gazprom !) et dans le Monde … et un marché interne aux besoins énormes et immédiats. Entre 100 et 150 milliards de dollars de projets sont gelés ne serait-ce que depuis 2 ans.

L'Iran était une terre d'affaires françaises, la France y a perdu du terrain

Les USA sont prêts. Ont-ils vraiment jamais quitté la zone ? Ils considèrent cette zone comme étant la « leur ». Il faut que la France et ses acteurs participent à cette nouvelle histoire. L'équipe de France pour ces 6 mois, c'est Total, PSA Peugeot Citroën et Renault, et beaucoup d'autres qui doivent marcher dans les pas d'une vieille relation, féconde et pas seulement sur le terrain culturel. L'Iran était une terre d'affaires françaises. La France fut l'un des grands perdants de l'embargo. De 4e partenaire commercial de l'Iran au début des années 2000, nous sommes désormais le 15e . Retard insurmontable ?

Les Américains font bouger les lignes

Entre paradigme énergétique totalement renouvelé et volonté affichée de retrouver leur place préférentielle en Iran, les USA de Barack Obama font bouger les lignes de leurs positions au Moyen Orient et dans le sud du Caucase. Pendant ce temps, la France, partie prenante active, félicitons-nous, de l'accord conclu à Genève, veut et doit prendre toute sa place dans la reconstruction géopolitique du Moyen Orient.

Le risque, c'est que le "bad guy" pour l'Iran soit la France

Elle développe des conversations diversifiées à la fois diplomatiques et économiques avec les états opposés à cet accord. Diplomatie classique et économique, notre pays s'active pour conforter une position géopolitique potentiellement plus ouverte du fait des variations américaines. Les économies du Golfe sont attractives et leurs besoins ne sont pas moins intéressants. Le hic c'est que l'Iran, en voie de repositionnement, qui n'a pas aimé notre position plus ferme que celle des USA depuis 2007 sur le nucléaire, ni la rudesse de la France durant les négociations de Genève, ne goûte pas trop les géométries régionales de la diplomatie française. Le « bad guy » pour l'Iran, ce pourrait être la France.

Défi diplomatique et défi business pour notre pays ! Nos diplomaties économiques publique et privée doivent s'unir pour exploiter cette occasion historique de renouer une conversation diplomatique, commerciale et économique avec un Iran renouvelé.

 

Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

 

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Commentaires 10
à écrit le 27/11/2013 à 22:58
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Les grands projets de pipelines et de gazoducs d'Asie centrale peuvent également changer car la traversé de l'Iran vers le golfe à destination de l'Asie reste le plus direct . La remise en état de la route de la route de la soie reliant la Chine à l'...

à écrit le 27/11/2013 à 21:15
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Cher commentateur, si vous aviez a votre passif l histoire du peuple hebreu, ainsi que l histoire d Israël, vous comprendriez mieux pourquoi une menace de destruction de ce petit pays par l Iran est pris au sérieux. Istael aspire a la paix, car s ils...

le 27/11/2013 à 23:22
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Position neutre... C'est un troll hein ? ;)

à écrit le 27/11/2013 à 19:28
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Il est naïf de croire que l'Iran sous prétexte d un accord qui n existe pas réellement (voir menapress) va cesser d enrichir son uranium. L Iran est un eldorado pour bcp mais n'oublions pas qu ils leur arrivent au pays des mollah de nationaliser les ...

à écrit le 27/11/2013 à 15:47
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On se reverra dans six mois..

à écrit le 27/11/2013 à 15:41
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Vous oubliez, curieusement, de parler d'un autre secteur qui a permis de beaux business à la France : le nucléaire ! Les débuts nucléaire de l'Iran, c'est made in France ! (d'ailleurs notre prétendue fermeté lors des négos ne servait qu'à satisfair...

à écrit le 27/11/2013 à 15:05
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Tel est pris qui croyait prendre.....On exportait énormément en Iran......Puis sous la pression de certains....On a décidé l'embargo pour "punir" l'Iran....ce qui a eu pour effet de "tendre" les prix du pétrole et du gaz sur le marché mondial et de s...

le 27/11/2013 à 20:06
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Tout comme à l'époque avec la Lybie , embargot de nous couillons d'occidentaux et en particulier de la France et pendant ce temps là les us continuaient à commercer largement avec ce pays !

à écrit le 27/11/2013 à 14:59
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L'Iran va devenir un nouveau BRICS grâce à une population de 80 millions d'habitants bien éduquée et des réserves énergétiques très importante et une situation géographique centrale. Un pays à la fois au Moyen-Orient au Caucase et en Asie Centrale,...

à écrit le 27/11/2013 à 14:33
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Dire que l'Iran était notre 1er marché d'export automobile, avec 500.000 peugeot par an par exemple, et que l'on a appliqué des sanctions pour se soumettre aux USA, à l'Europe et à Israel.

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