La normalité de Hollande à l'épreuve de la santé : omerta contre confiance

François Hollande se voulait un président normal, candidat, il insistait sur la transparence concernant sa santé. Un sujet sur lequel la communication politique a en fait peu évolué, en France. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l’Université de Paris 1 la Sorbonne

L'« oubli » de François Hollande a relancé le débat autour de la transparence sur l'état de santé des présidents de la République. Plus largement il interroge : devons nous tout voir ? tout savoir ? Où s'arrête l'espace privé de ceux qui nous gouvernent ?

Successivement tous les présidents ont déserté l'espace de la conversation sur leur santé. Ils ont menti par omission, pire délibérément pour certains. Si le corps du Président n'appartient à personne d'autre que lui, nous sommes passés, comme l'écrit Christian Salmon, « de l'incarnation de la fonction présidentielle, … à l'exhibition de la personne du Président ». Mais la faute à qui ? Au peuple, aux médias ou aux Présidents eux-mêmes ? … souvent briseurs de codes et bons clients de cette surexposition de l'intime. On veut nourrir la relation, la conversation, donner à voir pour être vu, occuper tous les espaces et se rapprocher sans cesse. Il s'agit de redevenir « normal » ! Il y avait eu les tentatives de Valéry Giscard d'Estaing de dîner chez les français. Les ballades sur les quais et le rythme de travail mitterandiens. L'appétit et les bières de Jacques Chirac. Les joggings et la paternité de Sarko.

François Hollande, un homme comme les autres

Divorcé comme quasiment un couple sur deux, non marié comme plus de quatre millions de couples dits cohabitants, une compagne qui travaille, François Hollande veut aussi présider en homme comme les autres, lui qui conserve son logement et y réside, lui qui a des voisins ! A l'image de ses prédécesseurs, il promet de moderniser la pratique présidentielle, de dire la vérité, en toute transparence et avec régularité. Candidat il insiste même sur sa santé.

L'omerta sur la santé

En réalité, avec la santé s'arrête le mouvement de mise en proximité de la vie politique. On assiste même au maintien de l'omerta républicaine. On renforce les digues du secret comme dans les régimes autoritaires. On est très éloigné de la version américaine des bilans de cholestérol de Barack Obama et la description des antécédents cancéreux de ses parents et grands-parents ou de la transparence totale de Cristina Kirchner en Argentine.

Comment imaginer dans le temps de la transparence et de la vitesse de l'ère digitale que l'on peut s'inscrire durablement dans l'oubli ou le mensonge ? Comment croire que les vieilles recettes de la communication politique peuvent encore fonctionner ? Engagements électoraux oubliés, gouvernance météorologique, actes du passé niés et finalement avoués, l'enchaînement décrit une forme de culture commune du déni de vérité.

Une réalité politique parfaitement dissociée

La répétition des cas témoigne d'une distance des élites politiques avec le pays réel qui veut savoir. Baudrillard parlait déjà d'« une réalité politique parfaitement dissociée". D'un côté, la classe politique, micro-société parallèle … De l'autre, une société «réelle» de plus en plus déconnectée de la sphère politique. Toutes deux, s'éloignant l'une de l'autre à une vitesse grand V, … maintenue sous perfusion par le seul cordon ombilical des médias et des sondages. »

Pire, le black out fabrique la rumeur qui se nourrit des peurs et des fantasmes de chacun et donne naissance à la crainte du complot. La découverte a posteriori alimente la défiance. Mieux vaut donc prévenir que guérir ! En matière de santé, en particulier, seule une communication claire et précise peut créer la confiance.

Rendre plus accessible la vie politique

Bien sûr, il faut protéger l'élu pour protéger la démocratie. Parfois de lui même ! Il ne s'agit pas de répondre aux dérives du voyeurisme, ni non plus de céder aux sirènes de l'exhibitionnisme. Le sujet santé comporte même une dose de sécurité nationale. Mais si nous voulons réellement oxygéner et fluidifier la vie politique de notre pays, il faut la rendre plus « accessible » aux citoyens. La démocratie est un organe vivant. Il s'agit de renouveler les pratiques politiques pour la renouveler.

Ni Président monarque républicain, ni Président citoyen 2.0, un Président plus transparent ne serait ni déshumanisé, ni désacralisé. Il faut dédramatiser et inventer entre responsabilité renouvelée et nouveaux habits de la proximité. Notre société produirait ce qu'elle fabrique si peu : de la confiance, du respect et une volonté commune contre les populismes ou la démocratie forcée.

 

Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

 

 

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Commentaires 2
à écrit le 05/12/2013 à 23:21
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Face à cet énième emballement médiatique qui sera très vite remplacé par un suivant, simplement deux questions : - à qui profite la polémique ? Un lien avec la sortie du rapport PISA ? - pourquoi personne ne s'interroge sur l'origine de cette "fuit...

à écrit le 05/12/2013 à 16:26
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Opération avant élection pour être le candidat PS et donc bien avant la présidentielle, polémique inepte, inintéressante et article inutile... Si il se tape une angine le François, il faut qu'il appelle l'AFP ?

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