Santé : soyons un peu plus responsables !

Par Didier Schmitt, Commission européenne  |   |  901  mots
La science progresse, les techniques aussi. Mais vivre plus vieux en bonne santé passe par une responsabilisation des individus, qui doivent souvent changer leur comportement. Par Didier Schmitt, conseiller scientifique et coordinateur de la prospective auprès du Président de la Commission européenne.

Actuellement les dépenses de santé avoisinent 900 milliards d'euros par an, en Europe. D'ici le milieu de ce siècle, la population européenne des plus de 65 ans aura doublé et celle des plus de 80 ans aura triplé. Les seniors représenteront l'équivalent des habitants de l'Allemagne et de la France réunies, soit environ 150 millions de personnes. Les dépenses de santé ne peuvent donc que croître, sachant que les pathologies lourdes, comme les accidents vasculaires cérébraux, la maladie d'Alzheimer et de Parkinson, ou simplement les conséquences du diabète, vont crescendo avec l'âge.

Dégradation de l'environnement

De plus, la prévalence de certaines maladies va augmenter du simple fait de la dégradation de l'environnement ; l'OMS vient de tirer la sonnette d'alarme pour l'effet cancérogène de la pollution urbaine. Justement, l'urbanisation va atteindre 80% en Europe d'ici 2050, augmentant encore plus les facteurs de risques sanitaires liés à la sédentarité, comme les problèmes cardio-vasculaires.

 Des investissements croissants, gage d'une réduction du nombre de maladies?

Indéniablement, les progrès scientifiques et techniques ont beaucoup contribué à la qualité et à l'allongement de la durée de vie. Il y a eu Pasteur, les antibiotiques, et maintenant les avancées en cancérologie, la thérapie génique et la réparation d'organes par cellules souches. La science n'a d'ailleurs pas fini de nous surprendre, car il est envisageable de retarder le processus du vieillissement lui-même. Dans ces conditions, la question cruciale est de savoir si les investissements croissants dans cette « prévention technologique » vont pouvoir réduire le nombre de maladies, ou leurs complications, et ainsi juguler l'envolée prévues des dépenses.

La question de la viabilité financière

Les statistiques des dernières décennies ne vont malheureusement pas dans ce sens. Il est en effet difficile de ne pas appliquer largement les progrès technologiques dans un système social équitable, comme le traitement laser en ophtalmologie ou le remplacement du col fémoral à des âges même très avancés, même si le coût est supérieur au bénéfice, en termes comptables. La question clé pour les décennies à venir est donc bien la viabilité financière de nos systèmes de santé, en Europe et ailleurs.

 Aller vers une "prévention sur mesure"

Les progrès combinés en génomique et en informatique vont dévoiler les effets synergiques néfastes entre les susceptibilités génétiques et les risques environnementaux (par exemple, pesticides, particules fines) et des modes vie propres (par exemple nitrites dans l'alimentation). En effet, une simple prédisposition génétique à un certain cancer ou maladie, ne suffit pas à le déclencher, il faut d'autres facteurs de risques concomitants. Ces avancées vont ouvrir la voie à une vraie « prévention sur mesure ».

 L'adaptation de nos comportements

Mais il ne faudrait pas pour autant se mettre la tête dans le sable, l'amélioration des connaissances et des technologies ne sera pas la seule garante de notre santé. Beaucoup d'ennuis - cardio-vasculaires ou lombalgies chroniques - sont atténuables, voir évitables, par de simples adaptations de nos comportements, comme le fait de prendre les escaliers au lieu d'appeler l'ascenseur, ou de combiner transport public et marche à pied; ce qui contribue en plus à une baisse de la consommation d'énergie et donc réduit la pollution, et ainsi améliore encore la santé publique.

Des négligences irresponsables

Négliger notre potentiel-santé est simplement irresponsable au niveau individuel, mais aussi au niveau collectif du fait du coût pour la société, qui n'est pas que financier. Il n'y a qu'à voir l'effet dévastateur constant du tabac et des mauvaises habitudes alimentaires qui perdurent ou empirent.

 Un pronostic réservé pour nos systèmes de santé

Le pronostic au long cours de la viabilité de nos systèmes de santé reste réservé. Le traitement devra être à la hauteur des enjeux; nous devons nous imposer un réel 'électrochoc d'objectifs concrets et mesurables. Comme par exemple, d'augmenter de deux ans la durée de vie moyenne en bonne santé pour chaque Européen d'ici 2025. Ceci fait sens, sachant que les dépenses de santé de loin les plus importantes sont absorbées lors les complications de fin de vie. Soyons clair, augmenter la durée de vie sans en augmenter la qualité ne doit pas être un objectif en lui-même. Mais des effets d'annonce n'y suffiront pas.

Un effort collectif

Un grand nombre d'acteurs devront jouer le jeu ensemble.Chacun de nous tout d'abord, en devenant plus responsables ; les assurances santé, en proposant des actions incitatives (ce qu'elles ont commencé à faire); les industries alimentaires et pharmaceutiques, en s'orientant respectivement vers des produits (alicaments) et des services de prévention ; les scientifiques (y compris les sociologues), en redéfinissant les priorités de recherche médicale; les enseignants, en intégrant les notions de responsabilité en terme de santé dans l'éducation civique (sachant que les jeunes de maintenant seront des seniors en 2050) ; et enfin les pouvoirs publics, en mettant en place des programmes d'accompagnement cohérents. Un système de santé équitable et pérenne ne pourra être obtenu qu'au prix d'un tel effort collectif. Encore faudra-t-il afficher une vision de la société et un courage politique… dans la durée.